Article du mois : cellules souches administrées par voie intrathécale pour la sclérose latérale amyotrophique (SLA)

07-11-2018

Pour le mois de novembre 2018, nous avons choisi  Oh KW, Noh MY, Kwon NS, et al. Administration répétée de cellules souches par voie intrathécale pour la sclérose latérale amyotrophique (SLA). Ann Neurol 2018;84:361-373.

La recherche sur les cellules souches dans le domaine des maladies neurodégénératives et de la sclérose latérale amyotrophique (MND/SLA) est un sujet brûlant d’actualité pour les cliniciens comme pour les patients. Cet important domaine de recherche, bien que prometteur pour l’élaboration de futures thérapies dans le cadre des maladies neurodégénératives, attire l’attention des médias. La dissection de ces recherches scientifiques, basées sur de nombreuses approches non homologuées, présentées aux patients par des entreprises commerciales peut s’avérer laborieuse. Notre article du mois porte sur des essais comparatifs randomisés qui élargissent la recherche autour de l’utilisation de thérapies cellulaires pour la sclérose latérale amyotrophique.

Les scientifiques coréens, qui ont rédigé cet article, ont effectué des essais comparatifs randomisés de phase 2 en utilisant des cellules souches mésenchymales autologues dérivées de la moelle osseuse et administrées par voie intrathécale à 33 patients, en comparaison avec 31 cas-témoins, traités uniquement avec du riluzole. Les patients ont été sélectionnés dans le même centre d’étude basé à Séoul sur les critères suivants : avoir entre 25 et 75 ans, avoir un diagnostic probable ou clair de SLA selon les critères d’El Escorial révisés, avoir un score compris entre 31 et 46 sur l’ALSFR-R (questionnaire rempli par le patient pour évaluer son autonomie fonctionnelle), suivre une thérapie en traitement stable de riluzole à doses normales pendant au moins 3 mois, et être atteint de la maladie depuis moins de 5 ans (à partir de la date d’apparition des symptômes). Les éléments rédhibitoires étaient les suivants : la participation à des essais dans les 12 derniers mois, une capacité vitale forcée de < 40 %, une ou des comorbidités pouvant fausser les résultats, une trachéostomie ou une ventilation non invasive, une prédisposition hémorragique ou la prise d’un médicament qui pourrait avoir affecté la moelle osseuse.

Pour ces essais qui comportaient une période préparatoire de 3 mois, les patients ont été génotypés.  Après 2 et 3 mois de traitement, la moelle osseuse des patients traités en thérapie cellulaire par sélection aléatoire a été prélevée. Le dernier prélèvement a été fait 2 jours avant le Jour zéro lors de la première administration du traitement. Afin de laisser les cellules souches se développer pour l’administration intrathécale, un second traitement a été administré un mois plus tard, laissant ainsi une période de 28 jours entre chaque prélèvement de moelle osseuse et chaque traitement postérieur. La veille de chaque administration, une ponction lombaire a été pratiquée : 20 à 30 ml de liquide céphalorachidien a été prélevé pour analyser le profil des cytokines et interrompre la culture des cellules souches. Un million de cellules par kg de poids corporel ont été administrées à chaque traitement. Exempte d’intervention chirurgicale simulée, l’étude est en réalité une étude ouverte. Les résultats relatifs à l'efficacité et à l'innocuité ont été analysés. Pendant 6 mois, les patients ont subi des examens physique et neurologique ainsi qu’un test ALSFR-R une fois par mois. Ils ont été contrôlés à intervalles réguliers pour déceler tout effet indésirable clinique, hématologique ou biochimique (ce dernier comprend l'examen de la numération globulaire complète, des fonctions rénales et hépatiques, ainsi qu’une analyse d’urine). La principale mesure de l'efficacité était la variation de l'ALSFRS-R entre le début des essais et la fin de la période de 4 mois. D'autres examens cliniques, tels que l’examen de l’état clinique Appel, l’examen de la capacité vitale forcée et l’évaluation de la qualité de vie SF-36, qui faisaient partie des résultats secondaires, ont été menés. Des changements sur le profil des cytokines ont été mesurés à partir du LCR obtenu avant les deux traitements, c’est-à-dire juste avant le premier traitement et au bout d’un mois de thérapie. La durée de vie post-traitement a été d’environ 5 ans après la dernière visite de suivi du patient. Dans le but d'évaluer les résultats principaux et secondaires, des tests de Student ont été pratiqués pour analyser les différences obtenues entre les groupes.

Au début des essais, aucunes différences cliniques ou démographiques systématiques n’ont été observées entre le groupe traité et le groupe témoin. Aucun patient ne présentait de mutation génétique identifiée. Parmi les 64 patients, 56 ont fait l'objet d'un suivi dans les 6 mois après la fin du traitement. Sur les 33 patients du groupe traité par thérapie cellulaire, 20 ont subi des effets indésirables. Quant au groupe témoin, 22 des 31 patients ont souffert d’effets indésirables. Dans le groupe des personnes traitées par thérapie cellulaire, les effets indésirables les plus couramment constatés comprenaient des symptômes semblables à ceux de l’état grippal, des douleurs dorsales et musculosquelettiques. Trois incidents graves ont été signalés dans le groupe traité par thérapie cellulaire, notamment le décès d’un patient dû à la SLA. Cependant, aucun lien n’a été établi entre ces incidents et le traitement suivi durant les essais. Dans le groupe témoin, 6 incidents graves ont été signalés, dont 3 décès. La variation moyenne sur l'ALSFRS-R était plus lente de 3,0 points à 4 mois (p < 0,001) et de 3,4 points à 6 mois (p = 0,003) pour le groupe traité par thérapie cellulaire en comparaison au groupe témoin. Les résultats de l’examen Appel ont également démontré une réduction significative des variations. Cependant, aucun changement n’a été noté en ce qui concerne la capacité vitale forcée, la qualité ou la durée de vie. À la suite du traitement, des changements ont été observés sur plusieurs cytokines. Cela se traduit notamment par une augmentation de IL-6 et de IL-10, ainsi que par une diminution de TNF-alpha.  Les variations des taux de protéine chimiotactique monocytaire-1 (MCP-1) et du facteur de croissance transformant (TGF-bêta ) ont été présentées comme les biomarqueurs potentiels de la réponse au traitement.

En conclusion de l’article, les auteurs ont assuré l’innocuité du traitement. Ils ont souligné que les différences notées sur l’ALSFR-R appelaient à continuer la recherche avec des essais de phase 3 à plus grande échelle. Le frein principal de l'étude a été l'absence d’intervention chirurgicale simulée dans le contexte d'une mesure du résultat principal déclaré par le patient, ce qui signifie que l'étude laissait place aux biais en raison de l'effet placebo. La raison invoquée est que le groupe témoin est devenu non éthique suite aux prélèvements invasifs de la moelle osseuse et des ponctions lombaires, ce qui illustre les difficultés rencontrées lors des études menées sur ce type de traitement cellulaire.

« Cette étude vient élargir le domaine de la recherche scientifique autour du développement de thérapies cellulaires pour la SLA. [...] Malgré certaines limites notables durant les essais, l'étude a démontré l'innocuité des traitements. Par ailleurs, bien que les données sur l'efficacité soient prometteuses, elles doivent être prises en compte avec circonspection en raison de l’absence d’intervention chirurgicale simulée. Il est important de rappeler aux patients que ces traitements sont différents de ceux développés par les nombreuses entreprises qui proposent de vendre des traitement à base de cellules souches d’origine douteuse. L’efficacité de leurs traitements n’a pas été prouvée chez les patients atteints de SLA qui cherchent par tous les moyens des traitements plus efficaces que ceux existants sur le marché. Il convient également de souligner que les résultats de ces essais ne rendent pas compte d’une différence de la durée de vie des patients. Compte tenu des résultats observés en termes d’innocuité, et de l’indication des avantages des traitements, il convient de poursuivre les recherches dans ce domaine. » Pamela Shaw, professeure à l’université de Sheffield (R-U), département de neurologie de l’Institut des Neurosciences Traditionnelles de Sheffield (SITraN).

« Des essais de phase 3 à plus grande échelle sont désormais justifiés. [...]  C’est un véritable défi pour la communauté scientifique de concilier d’une part le développement d’essais efficaces afin de réduire les biais, et d’autre part l’aspect éthique des procédures d’intervention chirurgicale simulée dans le cadre d’essais de thérapies cellulaires qui nécessitent des méthodes de prélèvement et d’administration relativement invasives. L’implication des patients sera primordiale afin de parvenir à un consensus sur la procédure à suivre pour évaluer ces thérapies le plus objectivement possible. Les recherches autour d’un traitement plus efficace pour les patients atteints de SLA se poursuivent. » Vincenzo Silani, professeur à l’école de médecine de l’université de Milan (Italie), département de neurologie de l’Institut Italien d’Auxologie (IRCCS).

 

Traduction : Marine Le Lann

Source : EAN Pages

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