Guido, patient SLA, et étudiant de 58 ans

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Je suis Guido De Mets, je suis patient SLA et j’ai reçu le diagnostic au début de l’année 2000. Mais ceci ne m’a pas empêché d’obtenir le titre de docteur ingénieur biologique le 26 avril 2018. Pendant ma jeunesse j’ai suivi le conservatoire pendant quatre ans et une formation d’éducation physique avant de faire un travail dans l’informatique. Après le diagnostic, j’ai arrêté de travailler en 2002. J’ai commencé mes études d’ingénieur biologique à L’Université Catholique de Louvain en 2006 et j’ai obtenu le master en technologie cellulaire et génétique et sciences alimentaires et mon doctorat. Pour le moment la SLA signifie pour moi: une chaise roulante électrique, de l’aide pour presque tout et une voix faible.

Je ne vais pas vous déranger avec les détails techniques de ma thèse dans laquelle j’ai essayé de déterminer la qualité sensorielle de vin sur base d’un ensemble de mesures. Au contraire, je vais vous raconter ce que j’ai appris pendant mon doctorat. Il n’existe pas de jugement de vin valable pour tout le monde. Non seulement il y a des différences individuelles subtiles entre nos sens, mais nos expériences sont également personnelles. Un jugement de qualité sur le vin est donc également lié à chaque individu. Il n’y aucune raison de contester. Avoir une opinion différente n’est pas faux. Donc on ne peut que déterminer une tendance. Le meilleur vin est celui qui est considéré comme le meilleur par la majorité. Cela veut aussi dire que le jugement de plusieurs personnes doit être demandé, on péche souvent contre ce principe statistique. De plus un groupe de dégustateurs représente un certain groupe de la population pendant une certaine période. Cependant, généralement ceci n’est pas mentionné, un deuxième principe statistique fréquemment oublié. Toutefois, on peut s’attendre à une opinion différente dans un jury qui représente une autre population. Finalement, la perception humaine a de nombreuses limites. Chaque dégustation sérieuse doit en tenir compte. Souvent trop de vins doivent être évalués par une seule personne pendant une période trop courte. Il est tentant d’attribuer automatiquement une meilleure qualité à un vin plus cher. Toutefois, cette vue intuitive n’est toujours pas un bon guide pour choisir le bon vin. Le prix et la qualité allaient de pair dans certaines régions comme Moulis-en Médoc, mais le contraire a été constaté pour le groupe de vins Pfalz Riesling. Le prix d’un produit est un problème économique et dépend de la relation entre la demande et l’offre. Plus l’offre est basse ou plus la demande est élevée, plus le vin est cher. Si la demande dépasse l’offre le prix augmente de façon exponentielle. La qualité sensorielle supposée peut influencer la demande pour un vin particulier. C’est pourquoi les campagnes de marketing soulignent souvent la qualité sensorielle de leur vin. Cette supériorité supposée est cependant à peine testée et variera probablement selon le groupe de population. Le lien entre les observations sensorielles individuelles et la qualité sensorielle se produit indirectement via une série de jugements multi-sensoriels qui combinent les perceptions sensorielles individuelles. Ceci sont probablement l’équilibre d’un vin qui recherche un optimum et les qualités de longueur en bouche, de complexité et de longueur en finale où l’on essaie d’atteindre la valeur la plus élevée possible. Une telle connexion est probablement aussi spécifique pour une année de récolte particulière. Ceci rend la mesure de la qualité sensorielle de vin peu pratique. Un jury de dégustateurs est actuellement le plus efficace pour déterminer la qualité sensorielle de vin à condition que les principes statistiques soient respectés et que les limitations humaines soient prises en compte.

En tant que docteur ingénieur biologique, j’ai aussi mes opinions sur ma maladie, la SLA. La SLA est probablement une maladie en deux étapes. D’abord les neurones moteurs sont affectés. Ceci peut avoir plusieurs causes et il y a probablement une différence entre la SLA familiale et la SLA sporadique. En outre, cela concerne les personnes qui n’ont pas encore de symptômes de la maladie. Dans la deuxième étape la communication perturbée entre les neurones moteurs et les cellules de soutien provoque une dégénération accélérée des neurones moteurs. Les neurones moteurs et les cellules de soutien communiquent entre eux et influencent l’expression de leurs gènes respectifs. Si trop de neurones moteurs échouent, la communication est perturbée et l’expression de certains gènes des neurones moteurs est supprimée tandis que d’autres sont activés.

Les neurones moteurs ne peuvent plus accomplir leur tâche et les cellules microgliales, le système immunitaire du système nerveux ne reconnaissent plus leurs propres neurones et les détruisent. Tous les patients SLA se trouvent à l’étape 2, ils ont des symptômes de paralysie visibles et il n’y a plus de différence entre la SLA familiale et la SLA sporadique. Arrêter ou reporter la SLA est en pratique seulement possible à l’étape 1. Cependant, cela nécessite l’identification et le recrutement de personnes atteintes de la SLA qui n’ont pas encore des symptômes visibles. De plus les études cliniques actuelles comparent seulement des participants malades avec et sans traitement. Donc vous devez d’abord être malade avant de vous qualifier comme sujet de test. Nous avons donc besoin d’un protocole sur les essais cliniques pour arrêter ou reporter la maladie. Avec le protocole actuel seul la détection de marqueurs précoces, qui ne sont pas encore connus, peut apporter un réconfort ici. A cet égard, la recherche du professeur Van Damme, qui veut relier certains résidus protéiques nuisibles à un certain groupe de patients SLA, est révolutionnaire. Les patients SLA avec des signes de maladie se trouvent déjà à l’étape 2 et ne doivent plus s’attendre à une guérison. Les cellules nerveuses motrices que vous avez perdues ne reviennent plus. Seul le traitement de la SLA est encore possible. Nous devons donc adopter une approche différente. Apprenez, en tant que patient SLA, à vivre avec une condition toujours plus mauvaise. Anticipez, utilisez toute aide disponible, établissez des contacts sociaux réguliers, assurez-vous de faire quelque chose, concentrez-vous sur ce que vous pouvez encore faire, pas sur ce que vous ne pouvez plus faire, soyez tolérant et patient pour vous et votre environnement et ne devenez pas dépressif.

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