Le stade dans lequel le traitement riluzole prolonge la survie chez les patients atteints de sclérose latérale amyotrophique : une analyse rétrospective des données d’une étude de posologie

09-03-2018

Résumé

Informations de base

Le riluzole est le seul médicament qui prolonge la survie de la sclérose latérale amyotrophique (SLA) et, à une dose de 100 mg, a été associé à une réduction de 35 % de mortalité dans un essai clinique. Une question essentielle est de savoir si le bénéfice en survie survient à un stade précoce de la maladie, ou un stade tardive, ou s’étend tout au long de l’évolution de la maladie. Pour répondre à cette question, nous avons utilisé le ‘King's College clinical staging system’ afin de faire une analyse rétrospective des données de l’essai clinique initiale de posologie du riluzole.

Méthodes

Dans l’essai clinique initiale de posologie, les patients ont été recrutés entre décembre 1992 et novembre 1993, et cela en Belgique, France, Allemagne, Espagne, Canada, les États-Unis et le Royaume-Uni à condition que leur SLA était définie comme ‘probable’ ou ‘certaine’ tel que défini par les critères El Escorial. La date de censeur (censoring date) pour les données de survie du riluzole a été définie comme la date originale de fin d’étude du 31 décembre 1994. Pour cette analyse, le stade SLA selon le ‘King's clinical staging system’ a été estimé à base des données électroniques du patient enregistrées durant l’étude selon l’échelle modifiée de Norris, le score du Medical Research Council du Royaume-Uni pour la force musculaire, les catégories El Escorial, la capacité vitale et les données sur l’insertion de la gastrostomie. Le stade accordé le plus bas était le stade 2 parce que l’étude clinique initiale a seulement inclus les patients atteints de SLA définie comme ‘probable’ ou ‘certaine’. Nous avons utilisé un test χ2 afin d’évaluer l’indépendance du stade au début de l’étude et vis-à-vis du traitement d’étude, une distribution des limites du produit de Kaplan-Meier pour tester la transition entre chaque stade et des stades ultérieures et la régression de Cox pour confirmer un effet du groupe de traitement sur la période durant le stade, compte tenu des co-variables. Nous avons fait des analyses de sensibilité en combinant les groupes de traitement, à l’aide de stratégies alternatives pour les stades, la stratification par stade au début de l’étude, et en utilisant le ‘multistate outcome analysis of treatments (MOAT)’.

Résultats

Nous avons analysé les dossiers d’étude de tous les 959 participants de l’essai original de posologie, dont 237 étaient assignés à 50 mg/jour riluzole, 236 à 100 mg/jour, 244 à 200 mg/jour et 242 au placebo/jour. Le stade clinique au début de l’étude n’était pas significativement différent entre les groupes de traitement (p = 0· 22). Le stade 4 était plus long chez les patients recevant le riluzole 100 mg/jour que pour ceux qui ont reçu le placebo (risque relatif [HR] 0· 55, [IC95 : 0 · 36 – 0 · 83 ; log-rank p = 0 · 037). En combinant les groupes de traitement et la stratification par stade au début, un résultat similaire (HR 0· 638, [IC95 : 0 · 464-0 · 878 ; p = 0 · 006) a été démontré, comme pour l’analyse MOAT où le nombre moyen de jours passés durant le stade 4 était numériquement plus élevé pour les patients recevant le riluzole à des doses élevées comparativement aux patients recevant le placebo. La durée de transition des stades 2 ou 3 à des stades ultérieures ou à la mort ne différait pas entre les groupes de traitement riluzole et placebo (p = 0· 83 pour le stade 2 et 0 · 88 pour le stade 3).

Interprétation

Nous avons démontré que le riluzole prolonge la survie durant le dernier stade clinique de la SLA ; cette constatation doit être confirmée dans une étude prospective, et les effets du traitement au stade 1 doivent encore être analysés. Le stade dans lequel le bénéfice se produit est important pour le counseling des patients avant de commencer le traitement. Déterminer le stade devrait servir dans des essais cliniques SLA futurs afin d’ évaluer le stade au cours duquel se produit le bénéfice de survie, et une approche similaire pourrait être utilisée pour d’autres maladies neurodégénératives.

Financement

Le NIHR Maudsley Biomedical Research Centre, The European Union Joint Programme on Neurodegeneration, et le King's Summer Undergraduate Studentship.

 

Le contexte de la recherche

Les résultats avant l’étude

Il est important à savoir si le bénéfice en survie du riluzole chez des patients atteints de la sclérose latérale amyotrophique (SLA) se produit au début, à la fin ou tout au long de l’évolution de la maladie pour permettre une information appropriée aux patients. Nous avons cherché dans PubMed des rapports publiés jusqu'au 31 juillet 2017, en utilisant les termes “riluzole”; “amyotrophic lateral sclerosis”, “motor neuron disease”, “motor neurone disease”, “ALS”, ou “MND”; et “stage” or “staging”. Nous avons inclus les essais randomisés, contrôlés contre placebo avec des patients atteints de SLA qui utilisaient uniquement le riluzole et les études cliniques avec les stades dans la SLA. Nous avons identifié deux études, qui étaient toutes les deux des études randomisées, contrôlées contre placebo et dont une étude avait suffisamment de données pour évaluer les stades de façon rétrospective. Nous avons contacté les propriétaires commerciaux des données d’essai clinique avec le riluzole pour avoir tout accès académique à la base de données de l’étude clinique.

La valeur ajoutée de cette étude

Par l’utilisation du ‘King's clinical ALS staging system’, nous avons démontré dans une analyse rétrospective que le riluzole prolonge le stade 4 de la SLA de manière dose-dépendante, sans aucune prolongation apparente des stades 2 ou 3. Nous n’avons pu déterminer s’il y avait un effet dans le stade 1.

Implications de toutes les preuves disponibles

Le moment du moindre bénéfice du riluzole influence l’information qui doit être donnée aux patients, parce que les patients sont susceptibles d’interpréter le bénéfice de la prolongation d’un stade ultérieure de la maladie comme différent de l’avantage de prolonger un stade précoce, ou la prolongation de l’évolution de la maladie en général. Le moment du bénéfice a également des implications pour l’économie de santé parce que les stades avancés de la SLA sont associés à des coûts plus élevés que les stades antérieures, et donc prolonger le stade 4 est plus coûteux que prolonger les stades 1 ou 2. D’autres études sont nécessaires pour déterminer si il y a un avantage de survie du riluzole dans le stade 1 de la SLA, et l’analyse des stades devrait être utilisé pour les essais cliniques futurs de traitements chez les patients atteints de SLA et d’autres maladies neurodégénératives.

 

Traduction : Ligue SLA : Anne

Source : The Lancet Neurology

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