Traiter la SLA familiale à sa source : l’introduction de thérapies géniques

04-10-2022

Comme les chercheurs scientifiques continuent à découvrir de nouveaux liens génétiques vers la sclérose latérale amyotrophique, l’émergence de thérapies géniques pour traiter la maladie neuromusculaire restera un développement à suivre dans les années à venir.

La sclérose latérale amyotrophique (SLA), une maladie progressive affectant les cellules nerveuses dans le cerveau et la moelle épinière, est caractérisée par la génération de neurones moteurs supérieurs et inférieurs qui entraîne une paralysie, une insuffisance respiratoire et la mort – généralement 2 à 5 ans après le début de la maladie. Dans à peu près 90% des cas, il n’y a pas d’historique familial connu de la maladie ni de présence d’une mutation génétique liée à la SLA. En revanche, pour les 5 à 10% restants, il existe un historique familial de la maladie, ce qui a ouvert la porte à la thérapie génique, une approche ciblée qui pourrait permettre de bloquer ou de solutionner les effets négatifs d’erreurs d’encodage.
La thérapie génique implique la fourniture de matériel génétique aux cellules ainsi que l’introduction de copies fonctionnelles de gènes dysfonctionnels – des facteurs trophiques – et d’autres gènes modificateurs de la maladie, ou la réduction de l’expression nocive des gènes. Certaines des approches basées sur la thérapie génique les plus prometteuses pour la SLA à ce jour comprennent des oligonucléotides antisens (ASO), de l’interférence par ARN (RNAi) ou de la technologie d’édition génomique comme le système CRISPR. Quoique la thérapie génique en matière de SLA puisse potentiellement remédier aux mutations génétiques causant la maladie, la plupart des traitements en développement ne ciblent pas directement l’ADN.

L’état d’avancement des thérapies

Avec 4 thérapies approuvées par la FDA pour traiter la maladie uniquement, les leaders du secteur ont voulu explorer toutes les options. À ce jour, les chercheurs ont découvert près de 40 gènes différents liés à la maladie ; or, une grande majorité de ces gènes ne sont pas entièrement validés. "Ils ne sont pas tous validés dans la même mesure. Certains d’entre eux sont validés, d’autres ont besoin d’une validation ultérieure et d’autres encore sont liés à d’autres maladies. Le pipeline est robuste car on dispose d’un grand nombre de gènes entre lesquels il faut choisir," a raconté Kuldip Dave, PhD, vice-président principal à la recherche de l’ALS Association à NeurologyLive®.

Depuis des années, Dave et l’ALS Association soutiennent des projets de thérapie génique, les tests génétiques et la consultation génétique en matière de SLA. En 2014, l’organisation a annoncé la mise en place de la branche américaine du projet MinE, une initiative de recherche internationale de grande envergure dévouée à la découverte de causes génétiques de SLA. Ce projet a été soutenu par le Center for Genomics of Neurodegenerative Disease (CGND) au New York Genome Center. Afin de mieux cerner la relation entre les mutations, l’expression génique et les mécanismes de la maladie, le CGND utilise des données issues du séquençage du génome entier avec d’autres données à l’échelle du génome comme le séquençage de l’ARN, les interactions ARN-protéines et les protéines se liant à l’ADN méthylé.

"C’est là où la mégascience a remarqué un besoin – la future collecte d’informations cliniques longitudinales relatives aux liquides biologiques dont les biomarqueurs peuvent être étudiés, et aux informations génétiques dont les implications génétiques peuvent être étudiées," a déclaré Mathew B. Harms, MD, professeur agrégé de neurologie à l’Université Columbia, et conseiller médical et directeur du centre de soins à la Muscular Dystrophy Association, dans un entretien avec NeurologyLive®.

Il a ajouté “qu’on peut avancer et reculer. Ce gêne augmente-t-il la probabilité d’un bon ou d’un mauvais pronostic ? Cette mutation génétique augmente-t-elle la probabilité d’être atteint de démence jumelée à la SLA ou de SLA à début bulbaire ? Nous apprendrons beaucoup de choses en étudiant ces banques de données."

SLA SOD1
Parmi la poignée de cibles validées, la mutation SOD1 – qui touche à peu près 12 à 20% des personnes atteintes de SLA familiale et 1 à 2% de celles atteintes de SLA sporadique – représente l’un des domaines plus intrigants et prometteurs de l’exploitation thérapeutique. Tofersen, l’agent renommé de Biogen and Ionis, a démontré la capacité de réduire la protéine SOD1 dans une étude de phase 3 (NCT02623699), mais n’a pas réussi à prouver d’améliorations de la capacité fonctionnelle. Dans les groupes tofersen avec début précoce ou différé, les patients ont démontré des réductions respectives de 33% et de 21% de la protéine SOD1 et de 51% et de 41% de la lumière neurofilament plasmatique, un marqueur de lésion neuronale, après 12 mois. Bien que l’objectif visé de l’étude ait été atteint, aucun changement significatif n’a pu être observé sur la ALS Functional Rating Scale (ALSFRS-R; différence, 1.2 points; P = .97).

L'APB-102 d’Apic Bio représente un autre candidat prometteur ciblant le SOD1. L'agent est un vecteur recombinant AAVrh10 qui exprime des microARN artificiels anti-SOD1, réduisant la production de la protéine mutante et favorisant – avec un peu de chance – la survie ou la fonction motrice. Après que la FDA avait approuvé une demande de nouveau médicament de recherche, la société a procédé à une étude multicentrique en phase 1/2b se composant de 3 parties, afin d’évaluer l’APB-102 chez des patients atteints de SLA SOD1. L’essai comprend une dose unique ascendante ; une partie randomisée effectuée à double insu et contrôlée par placebo ; et un suivi prolongé.

Dave a toutefois précisé qu’il faut interpréter ces signes prometteurs avec prudence, en attendant une validation ultérieure. “Il faut prendre le gène et essayer de comprendre quel sera l’impact sur la maladie,” a-t-il expliqué. “Combien faut-il réduire ou augmenter l’activité du gène concerné ? Où cela se passe-t-il ? Au niveau central, périphérique ou partout ? Peut-on le faire en toute sécurité ? A-t-on besoin d’une quantité spécifique pour réduire ou augmenter l’activité, avant d’obtenir les effets secondaires visés par ce médicament ?”

La SLA liée au C9orf72
Une autre cible pour le développement de médicaments a été donnée par la SLA liée au C9orf72. Certains des agents plus renommés dans le pipeline comprennent l’anticorps AL001 d’Alector, le TPN-101 (Transposon) et des ASO comme le BIIB078 (Biogen/Ionis) et le WVE-004 (Wave Life Sciences). Une nouvelle plus décevante nous est remontée en mars 2022, quand Biogen a annoncé qu’il allait arrêter son programme de BIIB078 suite à une phase 1 infructueuse. Quant au WVE-004, un essai FOCUS-C9 de phase 1/2a (NCT04931862) a démontré que le médicament réduisait durablement les protéines dipeptides répétées poly-GP, un biomarqueur-clé de la SLA liée au C9or72.

De plus, tous les groupes de traitements WVE-004 actifs (10 mg: n = 2; 30 mg: n = 4; 60 mg: n = 3) démontraient des réductions de poly-GP. Dans le groupe 30-mg, les chercheurs ont même pu observer une réduction en poly-GP statistiquement significative de 34% comparée au placebo lors du 85ème jour de l’étude (P = .11). Outre l’essai FOCUS-C9, une étude de dosage en cohorte 10 mg est en cours, avec des données supplémentaires de dose unique et de multidose qui sont attendues quelque part en 2022.8

Ciblage du FUS dans la SLA
La protéine FUS (Mutant Fused in Sarcoma), une cause génétique de la dégénérescence des neurones moteurs, constitue une autre piste devenue plus importante ces dernières années. En 2019, Ionis et le centre médical de l’Université Columbia ont demandé à la FDA de valider un usage compassionnel de l’ION363, un ASO expérimental, afin de traiter Jaci Hermstad, une jeune femme âgée de 26 ans atteinte de SLA P525L FUS, dont les jumeaux identiques étaient décédés précédemment des suites de la maladie. Ce cas a amené la Chambre des représentants à adopter le projet de loi de Jaci (HR 2855), qui a permis aux docteurs d’administrer l’agent avant la finalisation des tests toxicologiques sur les rongeurs.

Quoique Jaci Hermstad ait disparu, le médicament a continué à porter son nom, s’appelant jacifusen. Tout récemment, en avril 2021, Ionis a entamé sa phase 3 de l’essai FUSION (NCT04768972), une étude à grande échelle visant à évaluer l’efficacité et la sécurité de l’agent chez les patients atteints de SLA P525L FUS. Des modèles murins précédents ont démontré que la réduction médiée par l’ASO de la protéine FUS prévient la perte de neurones moteurs, ce qui constitue l’hypothèse pour la recherche du FUS dans la SLA.

“Cet ION363 est en quelque sorte le prochain tofersen," a déclaré Dave. "C’est le prochain agent qui nous fournira des infos. Il vise un gène très agressif qui apparaît souvent dans la SLA juvénile. Les patients atteints de ce gène en décèdent particulièrement vite. Il s’agit d’un besoin aigu au sein de la communité, même si c’est extrêmement rare. " Le FUS est le gène le plus fréquemment muté dans la SLA juvénile et pédiatrique, mais il ne cause qu’environ 5% des cas adultes. On ignore toujours pourquoi de jeunes patients présentant des mutations FUS connaissent une évolution de la maladie plus agressive que les adultes.

Ciblage du Stathmin-2 dans la SLA
Le Stathmin-2 codé STMN2 a récemment été rapporté comme un contributeur potentiel à la pathogenèse de la SLA. Le STMN2, un membre de la famille stathmin des protéines, code pour une phosphoprotéine ayant un rôle important dans les dynamiques des microtubules qui jouent un rôle dans la croissance neuronale et la division cellulaire. Une étude cruciale publiée en mars 2021 a démontré que la répétition de l’AC non-codante en stathmin-2 était significativement liée au risque de développement de la maladie (P = .042). Par ailleurs, l’étude a pu prouver qu’une taille plus longue de l’allèle de l’AC était liée à un début précoce de la maladie (P = .039) et à une plus courte durée de survie dans des cas de SLA à début bulbaire. Il convient de noter que dans une sous-cohorte australienne (n = 67), les scores ALSFRS-R étaient significativement plus bas chez les porteurs du génotype long/long (P = .034).

"Tant le stathmin que l’ataxin-2 sont des gènes qui pourraient ne pas uniquement être liés aux variants familiaux de la maladie, mais aussi aux variants sporadiques," a expliqué Dave. "Le stathmin est beaucoup plus proche du but. À présent, nous avons pu lier une pathologie au TDP-43, ce qui nous permet de le cibler en particulier. Nous ne nous attaquerons pas au TDP-43, qui est à l’origine de la SLA, mais à la protéine qui le régule.

De la littérature précédente a indiqué que la SLA et la démence frontotemporale sont liées à la protéine 43 de liaison à l’ADN à réponse transactive (TDP-43). Des résultats de Melamed et al ont montré la présence d’une expression réduite de stathmin-2 dans des neurones transdifférenciés à partir de fibroblastes de patients exprimant une mutation du TDP-43 qui provoque la SLA, dans des neurones du cortex moteur et des neurones moteurs spinaux de patients atteints de SLA sporadique et de SLA familiale avec une expansion de répétition des nucléotides GGGGCC dans le gène C9orf72, et dans des neurones moteurs dérivés de cellules souches pluripotentes induites (iPSC) dépourvus de TDP-43. Bien que la réduction de TDP-32 se soit révélée inhiber la régénération axonale de neurones moteurs dérivés d’iPSC, la rectification de l’expression de stathmin-2 réparait la capacité de régénération axonale.

De plus, une étude sur des souris publiée en 2017 a montré que des baisses d’ataxin-2 réduisent les pathologies TDP-43 tout en favorisant la survie et la fonction motrice. Lorsque des ASO étaient administrés dans le système nerveux central afin de cibler l’ataxin-2, la survie se prolongeait, ce qui a suggéré une potentielle stratégie thérapeutique modifiant l’évolution de la maladie.

L’avenir de la thérapie génique en matière de SLA
Il y a plusieurs pistes prometteuses de thérapie génique en matière de SLA avec le potentiel de changer le domaine des traitements dans les années à venir. La thérapie génique est déjà utilisée pour traiter d’autres maladies neuromusculaires dont notamment l’atrophie musculaire spinale (AMS). En 2019, la FDA a approuvé l’onasemnogene abeparvovec-xioi (Zolgensma; Novartis), la première thérapie génique destinée aux enfants atteints d’AMS – cette forme étant la plus grave de la maladie au point d’être une cause principale de mortalité infantile.

"Nous devons faire connaître au public le dépistage et la consultation génétiques," a déclaré Dave. "Ce n’est pas quelque chose qui vient à l’esprit des gens quand ils sont diagnostiqués. C’est extrêmement dur d’être diagnostiqué et de se savoir atteint d’une maladie terminale. On ne pense pas tout de suite au dépistage génétique, à moins que la maladie soit déjà présente dans la famille – et même là – on n’y pensera peut-être pas. Si les patients sont testés et qu’ils possèdent un gène spécifique, ils peuvent s’inscrire à un essai s’il y a une recherche de thérapie génique en cours."

"Les chercheurs ne doivent pas passer 5 ans à recruter leur cohorte", a-t-il poursuivi. "Ils peuvent le faire en 5, 6 ou 8 mois. Plus il y a de personnes qui connaissent leur statut génétique, mieux sera le recrutement pour les essais. En outre, si l’on a la chance de pouvoir mettre sur le marché l’une de ces thérapies et que ces personnes savent qu’elles possèdent une mutation génique spécifique, elles peuvent très bien bénéficier de ce qui a été approuvé."

Traduction : Vicky Roels
Source : NeurologyLive.com
 

 

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