Grâce aux ciseaux génétiques CRISPR et aux cellules souches, des chercheurs de l’Université de Stockholm et de l’Institut de recherche sur la démence du Royaume-Uni (UK DRI) du King’s College de Londres ont réussi à identifier un dénominateur commun à différentes mutations génétiques responsables de la SLA, une maladie neurologique.
Signes précoces dans les mitochondries
Cette recherche, récemment publiée dans la revue scientifique Nature Communications, montre que le dysfonctionnement lié à la SLA se produit dans les mitochondries, les usines énergétiques des cellules nerveuses, avant que celles-ci ne présentent d’autres signes de la maladie, ce qui était jusqu’alors inconnu.
« Nous démontrons que les cellules nerveuses, appelées motoneurones, qui finissent par mourir dans la SLA, présentent des problèmes peu après leur formation. Nous avons observé les premiers signes de problèmes dans les usines énergétiques des cellules, les mitochondries*, ainsi que dans la manière dont elles sont transportées vers les longs processus des cellules nerveuses, où elles sont fortement nécessaires et produisent l’énergie », explique le Dr Eva Hedlund de l’Université de Stockholm, responsable de l’étude avec le Dr Marc-David Ruepp de l’Institut de recherche sur la démence du Royaume-Uni du King’s College de Londres. L’équipe de recherche a pu établir que ces problèmes étaient communs à toutes les mutations liées à la SLA, ce qui sera important pour les futurs traitements de la maladie.
« Cela signifie qu’il existe des facteurs communs qui pourraient être ciblés par des médicaments, quelle que soit la cause de la maladie », explique le Dr Eva Hedlund.
Cellules reprogrammées
Les chercheurs ont utilisé le ciseau génétique CRISPR/Cas9 pour introduire diverses mutations responsables de la SLA dans des cellules souches humaines, appelées cellules iPS*. À partir de celles-ci, des motoneurones, les cellules nerveuses perdues dans la SLA, et des interneurones, des cellules nerveuses relativement résistantes à la maladie, ont été produits. Ces cellules ont ensuite été analysées par séquençage d’ARN monocellulaire, une méthode qui permet d’identifier toutes les molécules messagères (ARNm) de chaque cellule et ainsi de comprendre son fonctionnement, comment elle communique avec ses voisines et si elle commence à présenter des problèmes.
« Les données obtenues ont permis d’identifier une signature pathologique commune à toutes les mutations responsables de la SLA, propre aux motoneurones et ne se manifestant donc pas dans les neurones résistants », explique le Dr Christoph Schweingruber, premier auteur de l’étude.
Ce phénomène est apparu très tôt et était totalement indépendant de la localisation des protéines mutées responsables de la maladie (FUS ou TDP-43) dans la cellule.
« Jusqu’à présent, on pensait que c’était la modification de la localisation des protéines dans les cellules, appelée « mauvaise localisation* », qui se produisait en premier », explique le Dr Marc-David Ruepp.
Une découverte révolutionnaire
Dans la SLA, on dit souvent que certains problèmes sont causés par une perte de fonction d’une protéine mutée, tandis que d’autres surviennent à l’inverse, à savoir l’émergence d’une nouvelle fonction toxique obtenue par la mutation, appelée « gain de fonction ». Cependant, selon Eva Hedlund, son fonctionnement réel n’a pas toujours été facile à comprendre et de nombreuses inconnues subsistent.
« En réalisant diverses mutations CRISPR dans le gène FUS* responsable de la SLA, nous avons pu démontrer pour la première fois que la plupart des erreurs sont dues à une nouvelle propriété toxique de la protéine, et non à une perte de fonction », explique le Dr Christoph Schweingruber.
Affecter les usines énergétiques des cellules
Une troisième découverte a été que le transport des mitochondries vers les axones*, les extensions des cellules nerveuses où la plupart des mitochondries sont nécessaires, était radicalement affecté dans les lignées atteintes de SLA. Ce phénomène se produisait indépendamment de la présence ou non des protéines pathogènes au mauvais endroit dans la cellule.
« Ce fait pose problème car ces usines énergétiques sont indispensables dans les extensions des cellules nerveuses. Sans elles, les cellules nerveuses ne disposent pas de suffisamment d’énergie pour communiquer correctement avec les autres cellules », explique le Dr Eva Hedlund.
Ces nouvelles découvertes ouvrent la voie à des traitements précoces, un domaine qui, pour l’équipe de recherche, est en constante évolution. « Nous essayons de comprendre comment ces erreurs précoces se produisent dans les motoneurones sensibles dans la SLA, et comment elles affectent les niveaux d’énergie dans les cellules, leur communication et les contacts nécessaires avec les fibres musculaires. Nous pensons que ces éléments sont essentiels pour comprendre pourquoi les synapses entre les motoneurones et les muscles sont rompues dans la SLA, et également pour identifier de nouvelles cibles thérapeutiques », explique le Dr Eva Hedlund.
Glossaire de la recherche sur la SLA
* Les iPSC sont des cellules reprogrammées, isolées de tissus humains adultes, pour être transformées au cours du développement en cellules ressemblant à des cellules souches embryonnaires.
* Les mitochondries sont de petites structures présentes dans toutes nos cellules. On les appelle souvent les centrales énergétiques de la cellule ; elles brûlent le sucre et les graisses en eau et en dioxyde de carbone. L’énergie ainsi libérée est stockée dans une molécule, l’ATP, qui est utilisée dans divers processus cellulaires.
* Les axones sont les projections que les cellules nerveuses envoient pour contacter d’autres cellules. Dans le cas des motoneurones, ce sont les fibres musculaires qui doivent être contactées, parfois sur une distance de plus d’un mètre.
*Une mauvaise localisation signifie qu’un gène se retrouve au mauvais endroit. Dans la SLA et d’autres maladies neurodégénératives, des protéines mal repliées sont observées à des endroits où elles ne devraient normalement pas se trouver.
*Gène FUS, fusionné dans le sarcome ; des mutations de ce gène conduisent à la SLA. *Gène TARDBP, protéine de liaison à l’ADN TAR (TDP-43) ; des mutations de ce gène conduisent à la SLA.
Traduction : Eric Kisbulck
Source : Université de Stockholm

