Les statines et bon nombre de questions liées à la SLA.

15-03-2011

Par Judith Reitman.

Le Dr. Greg Burns (ce n’est pas son vrai nom) est un radiologue retraité de 72 ans qui habite le Connecticut. Jusqu’au début de l’année passée il courait avec son chien et participait à des concours d’adresse pour chiens, il faisait du ski, pratiquait le patinage sur glace et jouait 18 trous sur les terrains de golf. En ce moment il est incapable de marcher et depuis quelque temps il prend des médicaments pour différer de quelques mois, si possible, la date de son décès.

La détérioration rapide de son état a commencé en décembre 2007, lorsqu’il souffrit une légère attaque d’apoplexie dont il s’est rétabli en peu de temps.

Son niveau de cholestérol avait augmenté et comme mesure préventive son médecin lui prescrivit une dose journalière de 20 mg de Crestor, un médicament hypo-cholestérolémiant qui appartient à la classe des statines. Les statines ont été développées pour freiner la synthèse du cholestérol; une vingtaine de millions de personnes prennent des statines, dont la plupart pour toute leur vie.

Quelques mois après le commencement de son traitement à base de Crestor, Burns eut des crampes musculaires. Ses médecins lui dirent qu’il s’agissait d’effets secondaires bénins propres à ce médicament. Mais en décembre 2008, lors qu’on constata, suite à des tests effectués, que la phosphocréatine kinase qui s’était déclarée (une enzyme qui s’exprime dans le sang en cas de détérioration des cellules musculaires) présentait des valeurs plus élevées, le Dr. Burns a immédiatement arrêté l’usage de Crestor. Lorsque ses taux enzymatiques étaient redevenus normaux il a commencé à prendre du Pravachol, un autre médicament de la famille des statines. Peu de temps après il eut des problèmes de faiblesse musculaire dans les membres inférieurs et souffrait d’un pas de coq au pied droit. En janvier 2010, après un examen neurologique approfondi, le Dr. Kevin Felice de l’Hospital for Special Care au New Britain, Connecticut, constata chez Burns la sclérose latérale amyotrophique ou SLA.

La SLA est une maladie neurodégénérative progressive et irréversible qui influence les cellules nerveuses motrices inférieures situées dans le cerveau et la moelle épinière. Les atrophies musculaires atteignent finalement l’appareil respiratoire et si cela se présente le patient mourra s’il n’est pas connecté à un respirateur artificiel. Cela ne constitue qu’une mesure temporaire. L’espérance de vie se situe entre deux à cinq ans à partir du moment du diagnostic.

L’état de Burns peut être mis en rapport avec les médicaments de la famille des statines. Les cardiologues de la Mayo Clinic reconnaissent que les effets secondaires des statines peuvent provoquer des douleurs musculaires, une fatigue extrême, des dégâts au foie, des problèmes de digestion et des dégâts d’ordre neurologique, y compris des pertes de mémoire. Alors que le rapport entre la SLA ou des syndromes relatés à la SLA et la médication hypo-cholestérolémiante paraît de plus en plus admissible, le débat est intense, en majeure partie parce que l’enjeu est important.

Les médicaments en question représentent un pourcentage important de tous les médicaments cardiovasculaires en constituent le groupe qui se vend le mieux parmi les médicaments nécessitant une prescription (ils sont fournis sans prescription médicale au Royaume Uni). Crestor, produit par AstraZeneca, occupe la deuxième place après Liptor, produit par Pfizer, qui se vend le plus souvent.

La FDA constate une augmentation des fichiers-clients des entreprises pharma-ceutiques qui introduisent des statines sur le marché. Au mois de mars 2010, l’agence a revu ses directives concernant la prescription de statines à base de preuves indiquant des inflammations dans le corps, et cela malgré le débat sur la question si des inflammations sont indicatives d’un taux de cholestérol plus élevé. Les critères tiennent également compte de la présence de facteurs de risque minimaux tels que le tabagisme ou une tension artérielle élevée chez des personnes ayant dépassé la cinquantaine. Ces critères étendus qui ont été approuvés par la FDA pour Crestor, font qu’environ 6,5 millions de personnes qui n’ont pas de problèmes évidents de cholestérol ou d’ordre cardiaque sont candidats pour l’utilisation de statines.

Mais actuellement la remise en question d’un usage excessif de statines se fait de façon quasi unanime.

Cette semaine, une nouvelle étude de la London School of Hygiëne & Tropical Medecine a suggéré que le fondement des recherches concernant les médicaments de la famille des statines a été possiblement choisi de façon délibérée afin de présenter les meilleurs résultats possibles, et que les statines, selon toute probabilité, ne sont pas adéquates pour des personnes présentant un risque limité.

Une étude publiée par l’ American Academy of Neurology en 2002 a confirmé un rapport remarquable entre la toxicité musculaire et les médicaments du groupe des statines. L’épidémiologue danois David Gaist a découvert que « l’exposition à long terme aux statines augmente nettement le risque de polyneuropathie » une affection neurologique qui se manifeste lorsque le système nerveux périphérique fonctionne mal à travers le corps tout entier, et cela de forme simultanée. Gaist nous a prévenus de ne pas renoncer aux effets positifs au nom de certains effets secondaires éventuellement nocives; de toute façon il faut remarquer que « l’effet protecteur substantiel des statines, notamment en cas de maladies cardiaques coronaires, est solidement fondé et pèse lourd dans la balance face au risque potentiel d’une polyneuropathie induite par des statines ».

Parfois on minimise les effets secondaires négatifs des statines et les conclusions présentent un tableau déformé suite aux paramètres limités des études et des tests. C’est la remarque faite en 2007 lors d’une étude au Scripps Mercy Hospital: « L’incidence de la rhabdomyolyse (détérioration accélérée des muscles squelettiques) induite par des statines est plus élevée dans la pratique que lors des études contrôlées par l’exclusion des sujets potentiellement sensibles ».

La façon de définir la SLA complique aussi les choses. Le Dr. Ralph Edwards, directeur du World Health Organization’s drug-monitoring center, m’a confié que la définition donnée par la U.S. Food and Drug Administration est trop restreinte. « La FDA utilise une description trop classique de la SLA qui ne comprend pas tous les cas, et cela malgré notre insistance qu’il faut, lors d’une étude à échelle plus étendue, et quelle qu’elle soit, réfléchir sur une maladie dont les effets sont largement handicapants et qui peuvent mener au décès. »

En 2007, l’année de l’étude de Scripps, Edwards put prouver que les statines ont éventuellement un rapport avec une affection qui se définit de façon typique comme la SLA: « C’était une situation étonnante où la détérioration musculaire allait de pair avec des dégâts neurologiques qui ne correspondaient pas à la définition classique de la SLA, mais qui pouvaient cependant mener au décès de la personne. »

Cet effet secondaire a alarmé Edwards à tel point qu’il a communiqué ses soupçons à la FDA. Le gouvernement a réagi en incitant les entreprises pharmaceutiques à analyser plus à fond leurs études de commercialisation ou pré-marketing des données cliniques concernant les statines. La FDA a également contrôlé les 41 résultats des études de commercialisation concernant les analyses réalisées par les entreprises pharmaceutiques. Ils ont conclu que les données sur les statines étaient rassurantes en matière de sécurité.

Edwards ne s’est pas senti rassuré. Il fit sa propre enquête, mais le British Médical Journal aussi bien que le Lancer ont rejeté son rapport qui a été publié en 2007 dans la revue spécialisée Drug Savety.

En 2008, l’American Journal of Cardiovascular Drugs a publié une analyse globale qui mentionne 900 études sur les statines comportant un ample éventail d’effets secondaires nocifs. L’année suivante, l’auteur principal de cette étude, le Dr. Beatrice A. Golomb, a voulu publier les données de ses propres recherches effectuées à l’University of California, San Diego, traitant des Conditions semblables à la Sclérose Latérale Amyotrophique et un rapport éventuel avec les médicaments hypo-cholestérolémiants. Elle fit remarquer: « Une expression extrême de la SLA présente un rapport évident avec une médication qui diminue le taux des lipides et a été constaté dans notre étude-observation axée sur les effets nocifs constatés chez nos patients; cette étude a été précédée par les rapports confirmateurs d’autres et la présentation d’une confirmation indépendante venant d’un rapportage intensifié. »

Alors que l’on tarde à établir un lien direct entre les statines et la SLA, Golomb s’est posé des questions importantes. En général, que font les statines par rapport à l’intensification de la SLA? Les statines, accélèrent-elles la SLA, forcent-elles en général les présentations ou progressions cliniques, ou cela se produit-il uniquement auprès de personnes chez qui les statines ont un effet d’oxydation? Elle a suggéré que « les possibilités vérifiables d’un sous-groupe identifiable et vulnérable génèrent une observation d’une grande importance potentielle. »

Des scientifiques de l’University of Oxford et financés par le British Heart Association ont relevé le défi. Pour la première fois, leur étude présente un scan du génome humain dans sa totalité afin de localiser de façon effective le malfaiteur génétique des effets secondaires d’un médicament. Le malfaiteur s’est avéré être une mutation, une sorte de gène malin qui provoque un risque aggravé de myopathie lors de l’usage de statines. L’équipe d’Oxford a constaté que cette variation dans le code génétique était un gène du nom de SLCO1B1 qui aide à régler le foie pour l’absorption des statines et qui est responsable pour 60 pour cent de la myopathie chez des personnes qui suivent une thérapie à forte dose de statines. Les patients prenant de fortes doses de statines et porteurs d’une copie de ce gène malin voient quadrupler leur risque de développement d’une myopathie par rapport aux personnes non porteuses de ce gène. Les patients porteurs de deux copies de ce gène malin courent seize fois plus de risques d’encourir la SLA. Ce qui est étonnant, c’est qu’une personne sur quatre est porteuse d’une des deux copies de ce gène malin.

« C’est fort intriguant » a déclaré Edwards. « Ils ont établi le lien entre les statines et la myopathie et la SLA, deux conditions critiques qui ont certainement un lien entre elles ».

La définition classique de la SLA exclut les maladies et les symptômes liés à l’absorption de statines, raison pour laquelle il s’avère difficile de faire un calcul exact du nombre de personnes qui souffrent de la maladie en prenant pour seule base les symptômes.

Chaque année, aux Etats-Unis, on diagnostique auprès de plus de 5000 personnes la SLA classique, et dans l’actuel état des choses, plus de 300.000 personnes vivent frappées de la SLA. Compte tenu de la création récente d’un Inventaire National de données sur la SLA, ces chiffres peuvent être assez bas.

Il n’existe aucun traitement pour la SLA. Rilutek, le seul médicament approuvé par la FDA pour le traitement ne diffère le décès que de quelques mois. Récemment, Cytolinetics a testé un nouveau médicament qui a donné des résultats positifs lors de tests à petite échelle. Cependant, ce médicament ne peut inverser le cours de la maladie, pas plus que Rilutek, ni corriger les dégâts causés aux nerfs; en plus ce médicament n’est pas encore disponible sur le marché.

Neuf mois après le diagnostic, la faculté de la parole de Greg Burns s’est embrouillée. A la fin de l’année 2010, les signes de paralysie se sont faits de plus en plus fréquents. Entretemps il a commencé à prendre le médicament Rilutek.

Traduction: Leo

Source: ALS Independence 

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