Il y a du poisson dans la recherche SLA
02-08-2013
Le poisson-zèbre aide les scientifiques à mieux comprendre les causes de la SLA et comment elle pourrait être traitée un jour.
Les chercheurs utilisent déjà depuis des décennies des poissons appréciés des aquariophiles, connus sous le nom de poisson-zèbre (Danio Rerio). Récemment cependant, cette utilisation a été augmentée considérablement dans différents domaines de la recherche médicale et, en particulier, dans celui des neurosciences. La transparence des larves, une croissance rapide et un système nerveux qui ressemble fortement à celui de l'homme, font que ce poisson-zèbre est irremplaçable pour les neuroscientifiques, y compris pour les chercheurs SLA.
Diverses études publiées au cours des derniers mois par des scientifiques, e.a. du Centre Packard, ont été basées sur la connaissance croissante de la biologie du poisson-zèbre pour mieux comprendre les facteurs qui conduisent à l'initiation et la progression de la SLA. Selon les chercheurs, ces petits poissons peuvent également contribuer au développement de meilleurs traitements.
Les scientifiques connaissent déjà bien le génome du poisson-zèbre, ce qui est un avantage pour leur utilisation. Bien avant que le génome humain ne soit identifié, les chercheurs avaient déjà déchiffré l'ADN du poisson-zèbre. Il n'a pas fallu longtemps aux scientifiques pour découvrir que certains gènes du poisson-zèbre ont de nombreuses caractéristiques identiques à celles des gènes humains. Le poisson-zèbre se développant et se reproduisant rapidement, les scientifiques parviennent à déterminer assez rapidement pour quelles fonctions un gène est responsable, et ce qui se passe lorsque sa fonction est altérée par une mutation.
Bien que les poissons nagent et les humains marchent, les motoneurones musculaires sont contrôlés de façon similaire chez les deux espèces. Les chercheurs peuvent suivre le poisson-zèbre du stade de l'œuf fécondé à celui de poisson adulte et ils sont capables d'identifier des variations biologiques et physiologiques subtiles, même avant les premiers signes visuels de SLA. Les scientifiques peuvent ainsi effectuer des études génétiques et physiologiques plus détaillée, que sur des humains, et percer certains mystères concernant les raisons de la mort de neurones ou de leur régénération.
« L’utilisation du poisson-zèbre par la recherche est vraiment en train de percer, » a déclaré Catherina Becker, une neuroscientifique de l'Université d'Édimbourg et ex-chercheuse du Centre Packard.
L'alerte SLA veut attirer votre attention sur trois publications sur l’utilisation du poisson-zèbre par la recherche.
« Des scientifiques du Centre Packard utilisent le poisson-zèbre pour démontrer la relation entre la perte de fonction du C9orf72 et la SLA. »
Packard scientists use zebrafish to link loss of C9orf72 function to ALS
Résumé de l’article:
Depuis la découverte que l’accroissement du gène C9orf72 par un nombre important de répétitions d’une séquence de ses nucléotides (octobre 2011) est la cause la plus fréquente de SLA familiale et de la démence fronto-temporale (DFT), les chercheurs ont essayé de comprendre comment cette mutation conduit à la SLA. Ils étudient également quelles fonctions sont contrôlées par le gène C9orf72 et comment cette expansion par répétition pourrait affecter ces fonctions.
Le scientifique du Centre Packard Edor Kabashi et une équipe de scientifiques français ont démontré dans une étude récemment publiée qu'ils ont trouvé au moins un mode par lequel la mutation C9orf72 provoque la maladie. Ces chercheurs ont voulu obtenir une image plus précise de l’effet du gène C9orf72 et de ce qui pourrait arriver si le gène cesserait de fonctionner, comme censé se produire chez les pALS.
Tandis que d'autres chercheurs ont utilisé des rongeurs ou des vers, Kabashi et ses collègues ont utilisé le poisson-zèbre. Principalement parce que tous les vertébrés, dont le poisson-zèbre, possèdent une version similaire (orthologue) du gène C9orf72.
Le blocage du gène C9orf72 chez le poisson-zèbre cause des projections anormales d’axones chez les motoneurones, nuisant à leur capacité d’établir des connexions neuromusculaires durables et provoquant des anomalies comportementales. Ces poissons ont montré un affaiblissement de leur nage lors de réactions de fuite après contact, mais aussi d'autres perturbations dans le comportement de nage normale. L'insertion du gène C9orf72 humain dans le génome du poisson-zèbre a ramené les comportements de nage et de fuite à la normale chez la plupart des poissons testés.
Les chercheurs en ont conclu que ces résultats fournissent des preuves solides de ce que la perte de fonction du gène C9orf72, causée par l'expansion répétée, est un facteur important dans le développement de la SLA/DFT chez les patients. Selon Kabashi : « Le modèle du poisson-zèbre C9orf72 que nous avons développé ouvre la voie à une meilleure compréhension des mécanismes moléculaires qui conduisent à la dégénérescence des motoneurones et pourrait offrir de nouvelles perspectives thérapeutiques aux pALS. »
Le poisson-zèbre a besoin de dopamine pour développer de nouveaux neurones.
Growing new neurons requires dopamine in zebrafish
Résumé de l’article:
Contrairement à la plupart des autres animaux, le poisson-zèbre parvient à régénérer des motoneurones endommagés ou morts. Selon Catherina Becker, une neuroscientifique de l'Université d'Édimbourg et ex-chercheuse du Centre Packard, c'est cette propriété qui explique la grande utilité du poisson-zèbre comme animal de laboratoire.
Becker explique : « Ils peuvent réparer leur système nerveux. Nous n’y arrivons pas. Donc, si on veut étudier un processus de réparation, autant faire appel aux plus performants. C'est ce que nous essayons de faire avec le poisson-zèbre. »
Dans une nouvelle étude publiée par Becker et ses collègues de la cellule de développement, elle a conclu que la dopamine, un neurotransmetteur, est indispensable pour la régénération de la moelle épinière chez le poisson-zèbre. Le blocage des récepteurs de la dopamine, au cours du développement du poisson-zèbre, réduit drastiquement la régénération des motoneurones chez le poisson adulte. La dopamine sert également de signal de coordination au cours de la différenciation et du développement du système nerveux central.
Nombre de ces canaux d'impulsion embryonnaires sont réactivés lors de la régénération. Becker en conclut que la dopamine pourrait contribuer à la régénération de la moelle épinière et des motoneurones chez le poisson-zèbre. Becker et ses collègues ont aussi constaté que, chez l'embryon du poisson-zèbre, la présence de la dopamine est indispensable pour la formation initiale de motoneurones et de leurs précurseurs.
La diminution de la quantité de dopamine dans la moelle épinière réduisit le nombre de motoneurones formés au cours du développement et bloqua l’activité d'un des récepteurs dopaminergiques des précurseurs des motoneurones. D'autres expériences ont démontré que les impulsions de dopamine favorisent également le développement de cellules-souches en motoneurones. Ils ont aussi constaté qu'une détérioration du développement des motoneurones, peu de temps après la fécondation, conduit à une diminution du nombre de motoneurones chez les larves et à des difficultés du comportement natatoire. Becker déclare : « La dopamine n’a pas d’effets directs sur les motoneurones, mais bien sur les cellules-souches qui créent les motoneurones. »
Selon Becker, si les expériences n'étaient pas directement liées à la SLA, elles sont importantes pour la recherche SLA. Les résultats montrent comment des chercheurs peuvent utiliser des cellules-souches pour produire de nombreux motoneurones, ce qui est important pour la recherche SLA en cours et pour les essais de nouveaux traitements.
Le poisson-zèbre et la jonction neuromusculaire
Zebrafish at the (Neuromuscular) Junction
Résumé de l’article
Parce que des mutations du gène FUS (Protéine liante ARN ‘Fused in Sarcoma’) ont été associées à la SLA en 2009, des scientifiques ont essayé de comprendre comment ces mutations conduisent à cette maladie.
Pierre Drapeau et Gary Armstrong, des neurologues de l'Université de Montréal, savaient que les modèles animaux avec des mutations des gènes SOD1 ou TDP43, associées à la SLA, présentaient des dysfonctionnements au niveau de la jonction neuromusculaire. La jonction neuromusculaire (JNM) est un endroit-clé important parce que c'est là où les motoneurones innervent les muscles.
Les chercheurs devaient encore commencer l’étude du rôle de la NMJ dans les mutations SLA du gène FUS. Armstrong et Drapeau ont utilisé pour cela le poisson-zèbre. Ils ont injecté du FUS ARNm humain mutant dans des larves de poisson-zèbre ou d’autres petites molécules, pour bloquer la production du FUS ARNm propre au poisson-zèbre. Ils ont ensuite enregistré divers changements physiologiques et comportementaux.
Armstrong a déclaré: « Les muscles des larves fonctionnent très bien. Ils sont tout à fait normaux. Le défaut que nous avons trouvé se situait en fait à la jonction neuromusculaire. »
Ces diminutions de fonctionnement sont démontrées par le comportement natatoire. La distance totale nagée par les larves avec le FUS mutant, ainsi que leur temps de nage et leur vitesse de pointe, sont réduits. Les chercheurs ont constaté que la structure JNM avait changée chez les larves avec expression FUS mutant. Armstrong et Drapeau ont réussi à réparer le fonctionnement de la JNM chez le poisson-zèbre à gène FUS bloqué, en injectant du gène FUS humain normal. Cela indique que ce gène était à l'origine de l'anomalie. Les anomalies étaient également constatées lors des mesures de l'activité des motoneurones chez les larves en train de nager.
Ces poissons ont également présenté des fonctionnements musculaires affectés en raison d'absence de signaux des motoneurones. Les muscles eux-mêmes ne montraient aucun signe de dommages causés par l'expression du FUS mutant, c'était la réduction des signaux des motoneurones qui réduisait le fonctionnement des muscles.
Selon Armstrong : « Ces résultats ont démontré et confirmé l’idée que la transmission neuromusculaire est vraiment un domaine crucial pour les dysfonctionnements de cette maladie. C'était déjà une hypothèse de beaucoup de chercheurs, mais nous n’étions pas certains que le FUS mutant pouvait provoquer ces dysfonctionnements. »
Traduction : Fabien
Source : Packard Center