Une nouvelle piste pour la neurobiologie
26-02-2013
Des chercheurs de Harvard parviennent à faire changer des neurones du cerveau en un autre type de cellule
Une nouvelle piste pour la neurobiologie
Cambridge, Massachusetts (USA)
Une découverte de biologistes spécialisées en cellules souches à l'Université Harvard dément un principe fondamental de la neurobiologie– ils ont montré qu'il est possible de changer une cellule nerveuse déjà différenciée du cerveau en un autre type de cellule nerveuse.
Photo : Paola Arlotta, professeure à la faculté de biologie des cellules souches et de biologie régénérative (SCRB ) de l'Université Harvard.
Selon Arlotta, professeure à la faculté de biologie des cellules souches et de biologie régénérative (SCRB) de l'Université de Harvard, cette découverte d’elle-même et de la post-doctorante Caroline Rouaux: « Nous montre que le cerveau n’est peut-être pas aussi immuable que nous l’avons toujours pensé et que nous sommes en tous cas capables de reprogrammer l'identité d'une cellule nerveuse, à un stade précoce de son développement . »
L’aptitude de cellules différenciées du corps humain à être reprogrammée a été démontrée pour la première fois il y a cinq ans par Doug Melton, coprésident du SCRB et co-directeur de la Harvard Stem Cell Institute (HSCI) et ses collègues. Ils ont reprogrammé directement des cellules exocrines du pancréas en cellules bêta productrices d'insuline.
Maintenant, Arlotta et Rouaux ont réussi à prouver que les neurones peuvent aussi changer d’identité. La nouvelle a été publiée en ligne le 20 janvier 2013 par la revue Nature Cell Biology.
Arlotta et son équipe ont changé, au cours de leurs recherches, des neurones de projection du corps calleux (la partie du cerveau qui relie les deux hémisphères) en neurones ressemblant à des motoneurones cortico-spinaux, un des deux types de neurones détruits par la SLA. Pour obtenir une reprogrammation de l'identité neuronale, les chercheurs ont utilisé un facteur de transcription, appelé Fezf2, dont on sait depuis longtemps qu’il joue un rôle central dans le développement des neurones cortico-spinaux chez les embryons.
Ce qui rend la découverte encore plus importante, c'est que les essais ont été effectués dans le cerveau de souris vivantes plutôt qu'avec des échantillons de cellules dans des éprouvettes en laboratoire. Parce qu’ils ont utilisé des souris jeunes, les chercheurs ne savent pas encore si la reprogrammation neuronale est également possible chez des animaux– ou des personnes plus âgées. Mais si cela s’avère possible, cela aurait une importance considérable pour le traitement des maladies neurodégénératives.
Selon Arlotta : « Les maladies neurodégénératives affectent généralement un seul type de neurones sans toucher les nombreux autres types de neurones du système nerveux. Chez la SLA, seuls les motoneurones cortico-spinaux du cerveau et les motoneurones de la moelle épinière souffrent et meurent. Que se passerait-il si des neurones qui ne sont pas affectés par une maladie particulière pouvaient être transformés en neurones semblables à ceux qui meurent ? Pour la SLA, si on parvenait à générer même seulement un faible pourcentage de motoneurones cortico-spinaux, cela pourrait probablement déjà être suffisant pour restaurer les fonctions de base. »
Les expériences qui ont conduit aux conclusions actuelles ont commencé il y a 5 ans. Arlotta et Rouaux se sont alors posé la question: « Dans la nature, on ne voit jamais une cellule nerveuse changer d'identité. Est-ce vraiment la réalité ou seulement un problème de perception? Pouvons-nous changer une cellule nerveuse d'un type en une cellule d'un type différent? »
Au cours de ces cinq années, les chercheurs ont analysé des milliers de neurones, à la recherche de tous types de marqueurs moléculaires, mais aussi d’indices susceptibles d'indiquer qu’une reprogrammation ait eu lieu. Arlotta déclare : « Nous aurions pu publier déjà il y a deux ans à ce sujet, mais, bien qu’elles paraissaient conceptuellement simples, les expériences étaient techniquement très difficiles. Nous avons voulu tester à l'aide d’organismes vivants les dogmes importants concernant l'immuabilité des neurones. Nous avons voulu démontrer, sans le moindre doute possible, que le changement avait réellement eu lieu. »
Même si sa recherche en laboratoire est axée sur le cortex cérébral, Arlotta déclare: « Elle ouvre la porte à la reprogrammation dans d'autres parties du système nerveux central. »
Arlotta, membre éminent du HSCI, travaille actuellement, avec son collègue Takao Hensch de la faculté de biologie moléculaire et cellulaire de Harvard, à la physiologie des neurones reprogrammés pour explorer et apprendre comment ils communiquent dans les réseaux de neurones déjà existants.
Paola Arlotta a déclaré : « J’espère cela facilitera la continuation de la recherche dans ce nouveau domaine de la neurobiologie, où l’on étudie les possibilités d'utilisation de la reprogrammation pour la reconstruction de réseaux de neurones affectés par la maladie. »
Cette recherche a été financée par le Harvard Stem Cell Institute. Elle a également reçu des contributions de la National Institutes of Health et de la Spastic Parapelgia Foundation.
Traduction : Fabien
Source : Harvard Stem Cell Institute / StopALS.nu