Répliquer la connexion entre les nerfs et les muscles
09-08-2016
Une nouvelle puce peut aider à tester des médicaments pour la SLA et d’autres maladies neuromusculaires.
Une nouvelle puce peut aider à tester des médicaments pour la SLA et d’autres maladies neuromusculaires.
Des ingénieurs du MIT (Massachusetts Institute of Technology) ont mis au point un dispositif micro-fluide qui imite la connexion entre un nerf et un muscle. L’appareil a la taille d’une pièce de 50 cents et contient une seule strie musculaire et un petit nombre de motoneurones. Les chercheurs peuvent ainsi observer et influencer l’interaction entre les deux dans une matrice tridimensionnelle réaliste.
Les chercheurs ont apporté des modifications génétiques aux neurones telles qu’ils réagissent à la lumière. Ils parviennent à stimuler ces cellules de la manière souhaitée en projetant directement de la lumière sur elles. Ensuite, ces motoneurones envoient à leur tour des signaux aux tissus musculaires. Les chercheurs ont également mesuré la force exercée par le muscle dans l’appareil lorsqu’il réagit par des vibrations ou des contractions.
Les résultats de l’équipe ont été publiés en ligne dans Science Advances et peuvent contribuer à une meilleure compréhension et à une meilleure identification des médicaments pour traiter la SLA et d’autres maladies neuromusculaires.
Sébastien Uzel, qui a dirigé les travaux en tant que doctorant au département de technologie mécanique du MIT, explique : "La connexion neuromusculaire est impliquée dans de nombreuses maladies dévastatrices, parfois mortelles et extrêmement agressives dont il reste encore beaucoup à découvrir. En créant des connexions neuromusculaires in vitro, nous espérons acquérir une meilleure compréhension du fonctionnement de certaines de ces maladies."
Parmi les co-auteurs on trouve l’éminent professeur en technologies biologiques appliquées au MIT Roger Kamm, le chercheur post-doctorant Randall Platt, le chercheur Vidya Subramanian, l’ancien bachelier chercheur Taylor Pearl, le chercheur post-doctorant Christopher Rowlands, le chercheur et ancien post-doctorant Vincent Chan, la professeure en biologie associée Laurie Boyer et le professeur en technologies appliquées mécaniques et biologiques Peter So.
Imiter la réalité autant que possible
Depuis les années 1970, des chercheurs ont mis au point un large éventail de moyens de simulation en laboratoire de la connexion neuromusculaire. Dans la plupart de ces expériences, des cellules musculaires et nerveuses sont cultivées dans des boîtes de Pétri peu profondes ou sur des substrats en verre. Ces environnements ne sont toutefois pas du tout comparables à un organisme, où muscles et neurones vivent dans un environnement complexe, en trois dimensions et sont souvent séparés par de longues distances.
Uzel, chercheur post-doctorant à l’Université du Wyss Institute à Harvard illustre : "Par exemple, chez la girafe, les neurones de la moelle épinière développent des axones sur de très longues distances vers les muscles des pattes."
Pour créer in vitro des connexions neuromusculaires plus conformes à la réalité, Uzel et ses collègues ont conçu un dispositif micro-fluide avec deux caractéristiques importantes : un environnement en trois dimensions et des compartiments séparés pour muscles et neurones, imitant ainsi leur séparation naturelle dans le corps humain. Les chercheurs ont placé les cellules musculaires et les neurones dans des compartiments de la taille du millimètre qu’ils ont ensuite remplis de gel pour imiter un environnement en trois dimensions.
Lumière et mouvement
Pour créer du tissu musculaire, l’équipe de chercheurs a utilisé des cellules précurseurs musculaires de souris, différenciées ensuite en cellules musculaires. Ils ont injecté ces cellules dans le compartiment micro-fluide, où elles ont évolué et se sont agrégées en une strie musculaire. Ils ont différencié de la même manière des motoneurones à partir d’un amas de cellules souches et ont injecté l’agrégat résultant de cellules nerveuses dans le second compartiment. Ces cellules nerveuses ont été préalablement modifiées génétiquement de telle sorte qu’elles réagissent à la lumière en utilisant une technique désormais commune, l’optogénétique. Kamm affirme que la lumière « permet un contrôle précis des cellules que l’on souhaite activer ». Si on utilisait des électrodes dans un espace aussi limité on activerait involontairement aussi d’autres cellules que les cellules cibles.
Enfin, les chercheurs ont ajouté une autre fonction à l’appareil : la mesure de la force. Afin de mesurer les contractions musculaires, ils ont placé dans le compartiment des cellules musculaires deux colonnes minuscules et flexibles, autour desquelles le tissu musculaire peut s’enrouler au cours de sa croissance. Chaque contraction musculaire rapproche ces colonnes et ce déplacement peut être mesuré par les chercheurs et converti en force mécanique.
Lors des expériences pour tester le dispositif, Uzel et ses collègues ont observé tout d’abord que les axones des neurones s’étiraient vers le tissu musculaire dans la zone en trois dimensions. Lorsqu’un axone avait établi un lien, ils ont stimulé les neurones avec un petit Flash lumineux bleu, qui a immédiatement été suivi d’une contraction musculaire. « Un éclair de lumière apporte du mouvement », déclare Kamm.
Au vue de ces expériences, Kamm précise que le dispositif micro-fluide peut aussi être un moyen utile pour tester des médicaments pour les maladies neuromusculaires et peut même être adapté à chaque patient.
Il explique : "Il est possible d’utiliser des cellules pluripotentes d’un pALS, de les différencier en cellules musculaires et nerveuses et de construire un système complet pour ce patient en particulier. Vous pouvez le copier autant de fois que vous voulez et l’utiliser pour tester plusieurs médicaments ou combinaisons de thérapies afin de déterminer celle qui fonctionnera le mieux pour améliorer la connexion neuromusculaire."
Selon Kamm, le dispositif peut aussi être utilisé dans la « modélisation des protocoles d’essais ». Par, exemple, en stimulant les fibres musculaires avec différentes fréquences, les scientifiques étudient comment certains facteurs répétitifs de stress influencent la performance de muscles. Kamm explique : "Grâce aux nouvelles approches micro-fluides en cours d’élaboration, nous pouvons commencer à élaborer des systèmes neuromusculaires plus complexes. Le lieu de connexion neuromusculaire est un nouveau moyen désormais à la disposition des chercheurs pour leurs tests".
Traduction : Fabien
Source : MIT News Office