Aversion, haine et espoir en cas de SLA

20-11-2012

Auteurs : Craig Oster et Francesco Pagnini avec l’aide de la « Healers Campaign, Michigan ; Department of Psychology, Milan; Niguarda Ca Granda Hospital, Milan. »

Résumé
Même s'il y a déjà eu de nombreuses recherches sur les aspects psychologiques de vivre avec la SLA, la colère et l’aversion doivent encore être étudiées. En outre, on a accordé jusqu'ici que peu d'attention à la teneur du terme « espoir ». Pour ces raisons, une étude globale en ligne a été menée sur les termes « aversion, haine et espoir » exprimés par des pALS en relation avec leur degré de consentement à suivre un régime diététique sévère riche en énergie, s'il était démontré que cela augmenterait leur durée de vie.

Les résultats indiquent un degré élevé d'espoir dans le groupe consulté. Les pALS qui ont vécu plus longtemps avec la SLA expriment un degré plus élevé d’espoir de survivre pendant 10 ou de nombreuses années. Les pALS mariés avaient plus tendance à espérer survivre au moins 10 ans et à éprouver moins de haine de la SLA. Le degré de consentement à se soigner par régime alimentaire semble être en relation avec ce thème de l’espoir. Les sentiments d’aversion et de haine semblent plus élevés chez les pALS qui souffrent depuis un temps plus court de la maladie et aussi, remarquablement, chez les femmes. Malgré quelques limitations méthodologiques, les résultats suggèrent que l'espoir, la haine et l’aversion pourraient être des thèmes importants pour des études à venir.

Introduction
La SLA est une maladie rare qui affecte chaque année 1,89 sur 100000 habitants des pays occidentaux. Au dernier stade de la maladie, les pALS souffrent d’une paralysie progressive qui peut se traduire par un état d'immobilité avec seulement des possibilités résiduelles limitées de mouvements musculaires. L’espérance de vie moyenne est d'environ 3 ans après l'apparition des symptômes, mais la progression de la maladie reste imprévisible. Environ 10 % des pALS survit plus de 10 ans. En l’absence de tout moyen de guérison, l’amélioration de la qualité de vie des pALS est souvent considérée comme l'un des objectifs fondamentaux du traitement clinique.

De nombreux thèmes psychologiques ont déjà été étudié chez la SLA, y compris : le bien-être psychologique, l'anxiété et la dépression, la douleur, le désespoir, le bien-être spirituel et existentiel. À ce jour, aucune étude n'a été effectuée sur la relation entre la haine, l’aversion et l’espoir et son évolution dans le temps. La haine et l’aversion sont, comme l’espoir, souvent mentionnés en tant que réponses psychologiques à une maladie chronique et incurable. Des réactions de colère sont souvent constatées diversement pendant le traitement clinique de pALS. Mais la relation à la maladie a tendance à changer au fil du temps, probablement en raison de la progression de la maladie et le processus d’acceptation du chagrin. Dans la pratique clinique, il est suggéré que la SLA est considérée par les pALS et leurs soignants avec haine et aversion, mais peu de données scientifiques existent sur ses réactions.

Le diagnostic SLA peut menacer l'espoir, en particulier par la conviction que rien ne peut être fait pour remédier au sort des pALS. De nombreux cliniciens déclarent que « l'espoir » est très important pour le bien-être psychologique des pALS et de leurs soignants. Dans la littérature scientifique SLA, le concept « espoir » est moins bien documenté que le concept « désespoir » qui est lié avec les motifs de dépression et de faible qualité de vie. Le désespoir semble lié, en plus, au désir de « suicide assisté ».

Notre raisonnement pour cette étude était : effectuer des recherches sur l’apparition et le degré de haine et d’aversion chez un groupe de répondants de la population pALS et en établir les relations avec le temps expiré depuis le diagnostic, le sentiment d’espoir, l’état matrimonial et d’autres caractéristiques démographiques. Une autre innovation de cette recherche est l'étude de ces trois variables en relation avec la volonté de prolonger sa durée de vie en se soignant par régime alimentaire. Cette variable a été incluse suite à la considération clinique d’Oster (premier auteur du manuscrit et lui-même pALS survivant depuis 18 ans) suggérant que certains pALS ne seraient pas disposés à adopter une alimentation plus saine s’il était prouvé que cela prolongerait leur durée de vie. Nous voulions établir l'occurrence de cette attitude au sein de la population étudiée pour explorer et découvrir si elle était liée aux variables « haine », « aversion » et « espoir ».

Methodologie
Un questionnaire en ligne avec un tableau Google a été élaboré dans le cadre d'une étude plus vaste. L'ensemble était composé de 65 éléments, avec des questions ouvertes ou fermées. Pour répondre aux questions ouvertes, la personne remplissant le formulaire avait le choix entre plusieurs phrases. Le temps pour répondre était fixé entre 10 et 20 minutes. L’ensemble a été mis en place avec Google Documents Tools et était accessible aux utilisateurs sous format élaboré. Tous les éléments ont été conçus entièrement de façon originale et il n'y avait aucune question « oui/ non » d’où dépendait un sous-questionnaire. Il n'y avait pas, non plus, de réponses obligatoires. Pour cette étude, nous avons utilisé uniquement une sélection détaillée d'éléments.

Les pALS ont été invités à participer par des messages postés sur les forums SLA et d'autres voies appropriées. La description de l'objectif de l'étude était expliquée avant l’invitation aux pALS de répondre au questionnaire. Cette description assurait que les résultats seraient analysés à des fins de recherche, dans le respect de la vie privée.

Les pALS ont été invités à communiquer des renseignements démographiques avant de répondre aux questions sur la haine, l’aversion et l'espoir. Quelques questions typiques: « Croyez-vous que l'on trouvera un remède pour la SLA au cours de votre vie? » et « Quelle expression représente le mieux la mesure de votre aversion pour votre vie avec la SLA? », plusieurs réponses étaient proposées.

Les analyses, descriptives et inférentielles (avec des méthodes statistiques) ont été réalisées avec les logiciels Excel et SPSS. On a utilisé principalement les statistiques descriptives et l’analyse croisée, avec le test du χ².

Résultats
Au total, 83 pALS ont répondu à notre questionnaire.

Nous avons constaté une fréquence inférieure d'aversion et de haine à l'égard de la maladie chez les pALS ayant répondu positivement à la demande s’ils espéraient vivre plus de 10 ans.

Le degré d'aversion pour la SLA déterminé par les pALS était lié fortement au degré d'aversion et de haine constaté chez les soignants. Il semble y avoir une tendance de corrélation positive entre ces trois variables.

Les pALS qui espéraient encore avoir 10 ans ou plus à vivre étaient également plus disposés à suivre un régime alimentaire strict si cela augmentait leur espérance de vie de plus d'un an. Mais il n'y n'avait aucune différence dans la disposition à prendre un nouveau médicament avec des effets secondaires importants. Les deux questions sur l'espoir ne révélèrent aucune différence au point de vue des variables démographiques.

Les femmes déclarent un degré plus élevé d'aversion, avec des fréquences plus élevées, par rapport aux hommes, de réponses à aversion forte ou modérée. Une tendance similaire existe chez les femmes qui déclarent un degré plus élevé de haine. En utilisant le temps écoulé depuis le diagnostic comme médiane on peut diviser le groupe en deux: les pALS qui ont la maladie depuis moins longtemps déclarent des degrés d'aversion et de haine plus élevés.

Les pALS qui mentionnent un degré plus élevé d’aversion à leurs soignants répondent avec une fréquence importante « Oui » à la question « croyez-vous qu'il existe une relation entre vos habitudes alimentaires et la régression que vous constatée après le début de votre SLA ».

Concernant l'espoir, il s'avère que les pALS ne croyant pas à la découverte d’un remède pour la SLA au cours de leur vie avaient plus de probabilité de ne pas à croire à leur propre survie au-delà de 10 ans que ceux qui espèrent la découverte d’un remède de leur vivant. Les pALS ayant répondu « oui » aux deux questions sur l’espoir, étaient, comparés à ceux qui avaient répondu « non » à ces questions, malades depuis plus longtemps ou avaient une probabilité plus élevée d’être mariés et d’éprouver un degré inférieur de haine de la SLA.

Concernant le degré d'aversion exprimé par les pALS, comparé au degré d'aversion qu’ils ont mentionné à leurs soignants, environ la moitié (51,2%) des pALS ont exprimé le même, tandis 21,5 % ont exprimé le degré contraire. Aucune différence n'est apparue sur la démographie ou degré d'espoir qui a été mentionné (aucune différence significative dans les résultats du χ²).

Discussion
Ce qui suit reprends uniquement ce qui éclaire de façon supplémentaire ce qui a déjà été mentionné.

Notre prémisse était que d’éventuelles interprétations cognitives d’expérience de vie avec la SLA augmenteraient la probabilité de sentiments d'aversion et de haine. Si c’était le cas, les cliniciens pourraient travailler avec les pALS pour leur apprendre à interpréter les choses qui leur arrivent de façon moins émotionnelle et psychologiquement moins menaçante. C'est aussi l'observation personnelle d’Oster, le premier auteur de cet article. Dans sa propre « étude d’un cas », Oster a prétendu avoir une expérience plus positive de sa vie avec la SLA parce qu'il travaille déjà depuis 12 ans avec un psychanalyste-psychologue. Ainsi, il ressent moins de haine et d’aversion de la SLA. Oster a appris à voir le monde différemment grâce au fait qu'il a appris à interpréter et à comprendre sa vie avec la SLA. Il n’y a, à cet égard, aucune matière comparative pour la SLA. Cependant, le fait que le traitement psychologique de personnes atteintes de maladies chroniques possède un grand potentiel d'amélioration de leur bien-être, de réduction de leur haine de la maladie et d’augmentation de son acceptation, est bien documenté.

Le fait que les femmes ressentent un degré plus élevé d'aversion et de haine de la SLA est important. Cela a, peut-être, à voir avec des différences culturelles : les hommes sont plus habitués à recevoir des soins, les femmes ont plus facilement le sentiment que leur corps malade est perçu comme émotionnant ou même répugnant. En outre, les femmes semblent accepter moins facilement des soins physiques pratiqués par des tiers.

Poser des questions sur l'aversion des soignants est une façon d’étudier certains aspects des soins. Il est possible que des pALS soient accablés par un sentiment de culpabilité envers leurs soignants car ils se sentent un fardeau. Si un soignant exprime des sentiments négatifs envers la SLA, cela peut affecter la qualité de vie du pALS. Des études antérieures ont démontré qu'une dépression chez le soignant peut également induire une dépression chez le pALS.

Enfin, les chercheurs insistent eux-mêmes sur les limites de cette étude. La sélection des répondants est assez petite, les participants se sont sélectionnés eux-mêmes en participant à l’étude et la proportion hommes/femmes n'est pas représentative. Ce sont des lacunes qui risquent d'empêcher d’en tirer des conclusions statistiques.

Conclusions
Les principales constatations tendent à indiquer que la haine, le ressentiment et l’espoir devraient devenir les thèmes les plus importants des futures études SLA. Ces thèmes jouent un rôle de premier plan dans le processus d'acceptation de la SLA, ils devraient aussi être traités sur le plan clinique. En particulier le développement d'interventions psychologiques spécifiques ou la recherche sur l’application de traitements psychologiques existants aux pALS seraient importants pour améliorer la qualité de vie des patients et de leurs soignants.

 

Traduction : Fabien

Source : Frontiers

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