VEGF
29-09-2004
Peut être vous avez lu dans le journal que la revue scientifique Nature a publié en mai 2004 (vol 429 pag. 413) un article qui porte sur le traitement de la Sclérose Latérale Amyotrophique à l’aide de VEGF. L’un des auteurs de cette publication est le professeur Peter Carmeliet de l’Université Catholique de Louvain. Peut-être vous avez entendu sa voix à la radio 1 le matin de ce même jour. Toutefois, on ne pouvait pas déduire des rapports de presse la nature réelle de l’étude. A ce fait, nous avons demandé au professeur Lieve Moons, étroitement liée à cette étude, de nous donner des explications durant notre weekend de contact 2004 à Den Haan.
La Sclérose Latérale Amyotrophique (SLA) est une affection neurodégénérative. Les nerfs moteurs, qui nous permettent de bouger, meurent progressivement et de façon sélective. Il s’ensuit que le patient SLA devient progressivement paralysé et il perd entre autres la capacité de parler, d’avaler et de marcher. Aux Etats-Unis, la SLA, est aussi nommée la maladie de Lou Gehrig, comme s’appellait le joueur de baseball légendaire, décédé en 1941 à cause de la SLA. En Europe, on l’appelle aussi la maladie de Hawkin, d’après l’astrophysicien britannique, connu pour son intelligence extraordinaire. L’intelligence n’est pas affectée par la SLA, elle ne disparaît donc pas. Les nerfs qui ne sont pas de nature motrice ne sont pas affectés, de sorte que les patients SLA continuent à sentir, entendre et penser de façon normale. Jusqu’à présent, la SLA est incurable, et le seul médicament permis par la loi, est riluzole. Ce médicament ne peut ralentir le déroulement pathologique que de façon limitée. Il y a donc un besoin urgent de nouveaux et de meilleurs médicaments.
Il y a une dizaine d’années, des scientifiques à Chicago ont cultivé une souris transgénétique qui avait une surexpression héréditaire d’une protéine humaine modifiée, intitulée SOD. Les scientifiques ont constaté que les souris devenaient paralysées à un âge assez jeune (4 mois) et qu’elles mouraient à la suite de caractéristiques pathologiques très similaires à celles des patients SLA. Depuis, on utilise ces souris SOD mutantes comme modèle animal standard lors des recherches sur la SLA. Il y a 4 années, on a démontré, dans le laboratoire du professeur P. Carmeliet à Louvain, que le Facteur de Croissance de l’Endothélium Vasculaire (VEGF), une protéine qui introduit et stimule la croissance des fûts de sang, est important pour le fonctionnement des nerfs moteurs. On a cultivé des souris transgénétiques qui produisaient moins de VEGF dans le système nerveux central, et on a constaté que ces souris manifestaient également une forme progressive d’une dégénération des neurones moteurs. En plus, l’équipe de recherche a démontré que des patients SLA produisent moins de VEGF. De toutes ces données, on a pu conclure qu’un dosage VEGF augmenté pourrait protéger les nerfs moteurs des patients SLA.
Entre- temps les scientifiques d’Oxford ont développé une méthode pour introduire la protéine VEGF dans les nerfs moteurs, à savoir, en faisant usage d’un virus. De tels virus qui peuvent introduire du matériau génétique dans des cellules et qui servent comme transporteurs de gènes thérapeutiques, on les appelle des vecteurs. Le vecteur utilisé par l’entreprise britannique Oxford Biomedica, qui servait à mettre en expression le gène VEGF au bon endroit dans les souris SLA, est basé sur un lentivirus. Il s’agit d’un vecteur récemment développé, dont on sait qu’il pénètre via les muscles dans les trajets de nerfs, d’où il peut migrer vers les corps cellulaires de ces nerfs (neurones), où il délivre les gènes. Le vecteur était profondément testé pour la première fois en introduisant chez des souris un gène d’essai. Ce gène manifeste une colorisation à l’endroit où la protéine fabriquée devient active. En collaboration avec l’équipe de recherche du professeur P. Carmeliet, on a injecté ensuite un vecteur viral, pourvu du gène VEGF, dans différents muscles moteurs des souris SOD. On a pu démontrer que le virus avec le gène était transporté vers les neurones moteurs dans la moelle épinière, pour y réaliser la production de VEGF. Après ce traitement, les souris SOD étaient en bonne condition, leur espérance de vie avait augmenté de 30% et on n’a constaté aucun effet secondaire toxique. En plus, on a constaté qu’un traitement qui ne commence lors de la manifestation des premières symptômes de paralysie, c’est-à-dire après la mort des trajets des nerfs, avait du succès. Ceci est important pour l’application clinique, car dans plus de 90% des cas, la SLA n’est pas observable avant le commencement. En plus, le résultat positif de ce traitement VEGF était clairement plus grand que jamais décrit pour toute autre protéine testée, de sorte qu’il s’agisse de l’une des thérapies les plus prometteuses du moment. Toutefois, il faut savoir relativiser. La génothérapie virale a quelques restrictions. Le vecteur qu’on utilise pour le VEGF introduit le gène dans le génome du patient, mais on n’a toujours pas de contrôle sur l’endroit de l’insertion. Si le vecteur, en l’insertant, coupe un gène important en deux, par exemple un gène de cancer, les conséquences sont énormes. En plus, il est difficile de doser la génothérapie : trop, trop peu, on ne sait pas bien comment on peut le corriger. Malgré ces incertitudes, il est très probable qu’on fera, dans l’avenir, de petites études cliniques avec génothérapie. Car les effets thérapeutiques obtenus par la génothérapie avec VEGF dans les souris, étaient énormes. En plus, la SLA constitue une affection terrible qui est presque toujours fatale. Et beaucoup de personnes seront prêtes à accepter les risques en cherchant un traitement efficace. En tant qu’alternatif pour l’administration complexe et les risques inévitablement liés à la génothérapie, on cherche maintenant, dans le laboratoire du professeur P. Carmeliet, d’autres moyens pour administrer la protéine VEGF. Très récemment, on a constaté que l’infusion chronique de la protéine recombinante VEGF, directement dans le liquide cérébrospinal de rats SOD, à l’aide d’une pompe osmotique, implantée sous la peau, prolongeait la performance motrice (la mobilité) et la durée de vie des rats traités, de façon considérable. Vu que le liquide cérébrospinal circule autour de la toile du cerveau et de la moelle épinière, cette manière d’administration résulte en une division continue du VEGF sur toutes les parties du système nerveux central. Lors d’une première expérience, on a commencé le traitement avant que les symptômes cliniques de paralysie se manifestaient. Les rats SOD traités avec VEGF manifestaient une durée de vie prolongée. Ensuite, on a commencé le traitement dans une deuxième expérience, lorsque les premières symptômes cliniques surgissaient, et qu’une grande partie des neurones moteurs étaient déjà morts. De nouveau, l’administration VEGF avait un effet positif sur l’apparition des symptômes de paralysie et les rats traités avec VEGF vivaient plus longtemps. Vu que l’administration VEGF via le liquide cérébrospinal est facilement dosable, une telle méthode de traitement aurait un accès plus rapide à la clinique. Mais nous n’y sommes pas encore, bien que cette étude démontre comment des scientifiques belges, et d’autres nationalités, sont à la recherche de meilleurs traitements pour cette affection dramatique et très complexe.
Cet article a été écrit par Diether Lambrechts, Erik Storkebaum, Lieve Moons et Peter Carmeliet, tous des scientifiques au Centre pour la Technologie Transgénétique et la Génothérapie, à l’Institut Inter- Universitaire Flamand pour la Biotechnologie, Campus Gasthuisberg, Herestraat 49, B- 3000 Louvain, Belgique.
Remarque :
Vu que cette étude peut susciter bon nombre de questions, nous souhaitons vous renvoyer à une adresse e-mail spécial de l’Institut Flamand pour la Biotechnologie. Toutes les personnes qui ont des questions sur cette étude peuvent s’adresser à : patienteninfo@vib.be