La thérapie cellulaire en Chine

29-09-2004

Transplantation de cellules comme traitement SLA en Chine

Un témoignage dans un journal d’un patient SLA qui a subi une opération en Chine, où on a injecté des cellules dans le cerveau et dans la moelle épinière, a suscité du controverse, et a incité certains patients à subir le même traitement.

Il existe beaucoup de sortes de thérapies cellulaires. A ce centre en Chine, on utilise des cellules de support provenant du nerf d’odorat (olfatory ensheating cells ou des OEC). On analyse ces cellules intensivement dans le monde scientifique. Un certain nombre de laboratoires ont fait des essais sur des cellules cultivés ou même sur des souris, et ils ont constaté en effet, que ces cellules peuvent avoir un effet sur le rétablissement de lésions dans la moelle épinière. On ne sait pas comment il faut traduire ceci à des patients atteints d’une lésion à la moelle épinière. On ne sait pas du tout si ces cellules peuvent être d’importance pour la SLA.

En Chine, le docteur Huang cultive des OEC provenant du nerf d’odorat de foetus avortés dans le deuxième trimestre de la grossesse (mois 4 à 6), ce qui est interdit dans bon nombre d’autres pays. Huang prétend qu’il a exécuté l’opération plus de 500 fois pendant les dernières années ; sur l’Iinternet on peut lire qu’environ 1000 personnes figurent sur sa liste d’attente. La plupart des patients qu’il a traités sont des personnes avec une lésion à la moelle épinière. Chez des patients SLA, il injecte, pendant l’opération, environ 1.5 million de ces cellules, dans chaque hémisphère cérébral, et puis encore la même quantité dans la moelle épinière. Ceci fait surgir bon nombre de questions : est-ce que cela fonctionne ? est-ce que c’est dangereux ? Pourquoi le pratique-t-on uniquement en Chine ?

Une telle transplantation, est-elle efficace ?

Il n’existe aucune preuve qu’une telle transplantation soit efficace. On ne dipose pas d’essais de laboratoire. Un bref communiqué par le dr. Huang à un congrès neurochirurgique sur ce traitement chez des souris SLA, n’était pas convaincant du tout. Des preuves cliniques, c’est-à-dire, à l’aide d’expérience des patients, n’existent pas non plus. Le dr. Huang a publié deux articles dans deux revues chinois, desquels il est impossible de conclure si le traitement soit efficace ou non. La seule source d’infos positives est l’histoire d’un nombre très réduit de patients qui prétendent se sentir mieux après l’opération. Il n’est pas clair s’il s’agisse d’un effet placebo ou non. Personne ne dispose d’informations sur ces patients à long terme, bien que ces infos doivent être à disposition depuis des années. Le nombre réduit de témoignages d’une amélioration constitue un mystère au niveau scientifique. Ainsi beaucoup de patients ont constaté, immédiatement après l’opération, une modification, bien que leur moelle épinière est coupée pendant des années. Même si ces OEC fonctionnent optimalement, il est impossible, selon les conceptions scientifiques courantes, d’attribuer un tel effet à ces cellules.

L’opération, est-elle dangereuse ?

La technique (introduire une aiguille tant dans le cerveau que dans la moelle épinière) n’est pas exceptionnelle, et peut être exécutée à n’importe quel grand hôpital en Flandres. Comme toute autre opération, celle-ci n’est pas exempte de risques. Il se peut qu’on affecte un fût de sang, ce qui entraîne une hémorragie cérébrale, ou des trajet de nerfs importants, ce qui engendre des problèmes neurologiques. Toutefois, ces complications sont rares. Dans le monde occidental, l’injection de cellules cultivés dans le corps d’un patient, est soumise à une réglementation extrêmement sévère. Quant à la réglementation en Chine, je n’ai pas assez de données.

En principe, il faut également tenir compte d’une réaction de résistance du corps face aux OEC (étrangers) introduits, provenant d’un autre individu (à savoir le foetus avorté). En cas d’une transplantation du foie, du coeur, des reins et d’autres organes, il faut prendre, pendant le reste de votre vie, des médicaments qui servent à supprimer ces réactions de résistance. Le docteur Huang le déconseille, excepté l’utilisation de herbes. La cause est que très probablement les OEC introduits meurent rapidement après l’opération.

Pourquoi le pratique-t-on uniquement en Chine ?

Les études scientifiqiues sérieuses sur les OEC ne se produisent pas (encore) en Chine, mais aux Etats-Unis et à quelques centres en Europe. A ma connaissance, il n’y a pas d’études en cours en Belgique. Toutefois, à nos universités il y a des équipes qui font de la recherche sur les effets de cellules souches dans des affections neurodégénératives. L’injection de cellules (souches) ne se produit pas uniquement en Chine. Il existe plusieurs centres qui le pratiquent ou qui l’ont pratiqué, dans des circonstances assez douteuses. En Italie, il y a aussi un centre qui a traité, il y a quelques années, une dizaine de patients, en injectant des cellules souches dans la moelle épinière. On n’a pas traité plus de patients, à cause de protestations du monde scientifique et du gouvernement italien. Les médecins responsables n’ont toujours pas publié un rapport officiel, bien que les résultats doivent être disponibles.

L’injection de cellules provenant de foetus âgés entre 4 et 7 mois, est inacceptable dans beaucoup de pays. A ma connaissance, il n’existe pas d’autres centres qui l’ont essayé, sauf celui en Chine.

Qu’est-ce qu’on peut en conclure ?

Il n’est pas évident que ce traitement soit efficace, même si les témoignages des patients sont intéressants. L’opération exécutée par le docteur Huang constitue une expérience appliquée à des êtres humains, comme on fait des expériences à beaucoup d’hôpitaux universitaires. Toutefois, l’exécution d’une telle opération, hors du cadre d’études scientifiques sérieuses, est immorale. Elle est en contradiction avec la déclaration de helsinki, qui pose que l’on ne peut exécuter des essais sur des personnes que dans des circonstances bien déterminées. L’opération en China ne correspond pas à ces circonstances. Les patients doivent également payer pour subir l’expérience, ce qui est assez frappant. Comme le savent beaucoup de patients, le monde occidental exige que les études cliniques soient gratuites pour le patients.

Qu’est-ce qu’il faut faire ?

Il faut certainement poursuivre les études sur l’utilité de la thérapie cellulaire et sur l’usage de OEC dans des maladies dégénératives comme la SLA. Le monde scientifique et les patients espèrent que ceci constituera une option de traitement dans l’avenir. L’utilité de la thérapie cellulaire chez l’homme n’est pas encore démontrée, et inévitablement ceci se fera dans des études minutieusement contrôlées. Faute de preuve, il est à déconseiller aux patients SLA de subir une transplantation OEC dans le système nerveux.

 

Le Prof. Dr. W. Robberecht

Hôpital Universitaire Gasthuisberg

U.C. Louvain

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