Mieux comprendre la SLA peut servir de tremplin

19-12-2013

'Opening the future': nouvelle approche pour une recherche innovante

Il y a quelques années, le recteur honoraire Mark Waer (KULeuven), l’administrateur général Koen Debackere et le collaborateur de la première heure Urbain Vandeurzen ont lancé la campagne « Opening the future ». Après un travail préparatoire considérable, l’initiative est maintenant en plein essor.

(c) Joris Snaet

Il s’agit d’une campagne de mécénat à un niveau inégalé et destiné à la recherche de pointe et à haut risque, dont les résultats ne sont pas encore clairement identifiés, mais où une percée essentielle dans un domaine critique est possible. La campagne est incorporée dans le LUF (Fondation de l'Université de Leuven), en reçoit le soutien administratif, mais travaille en parallèle et est dirigée par une direction propre, avec sa gestion spécifique pour la campagne.

Selon Urbain Vandeurzen, président de campagne, co-fondateur de l’entreprise LMS,le Président honoraire de Voka (association patronale flamande) et l’actuel président de la Gimv (société d’investissement régionale flamande) : «les objectifs de Opening the future se situent dans la recherche sur les maladies du cerveau, de loin le plus grand défi médico-scientifique au monde, beaucoup plus important que les cancers et les autres problèmes. De nombreuses personnes et familles y sont confrontées. Il s’agit de l’autisme et de trois maladies neurodégénératives, Alzheimer, la dystrophie musculaire et la SLA, dont la connaissance et la compréhension sont très incomplètes et encore à un stade précoce. »

« La KU Leuven dispose de chercheurs à renommée mondiale dans ces domaines. Opening the future met des montants importants à disposition de ces sommités de la recherche. Notre campagne veut également créer un cadre dans lequel les chercheurs et les donateurs peuvent se rencontrer, afin de créer un lien plus permanent qu'un don ne crée habituellement. »

« Une importante mission sous-jacente est de contribuer au développement d'un réseau d'excellence entre, d'une part, des haut responsables du monde des affaires et le leadership social plus large et, d'autre part, l’élite de l'Université. Dans la société du savoir d'aujourd'hui un tel réseau est la plate-forme pour créer des avancées sociales et économiques. »

La direction de la campagne comporte, outre Urbain Vandeurzen, la professeure Hilde Laga, vice-présidente, le professor Désiré Collen, Herman Daems (président de Pouvoir Organisateur KU Leuven), l’administrateur général Koen Debackere, Antoon De Proft (président d’Imec), Frank Donck (président de Telenet), Martine Reynaers (administratrice-déléguée de Reynaers Aluminium), Ajit Shetty (président honoraire de Janssen Farmaceutica), le recteur Rik Torfs en le recteur honoraire Mark Waer.

« Opening the future » soutient jusqu'à présent six projets de recherche, soutenu par d'éminents chercheurs de Louvain. Ci-dessous, nous présentons trois projets, dont deux ciblent spécifiquement sur ​​la SLA.

Prof. Peter Carmeliet: « On ne sait presque rien sur la façon dont les cellules ajustent leur métabolisme dans la SLA » 

La SLA est une maladie nerveuse et musculaire incurable, dans laquelle les nerfs qui innervent les muscles sont affectés. Par conséquence, le patient perd le contrôle de ses muscles et devient complètement paralysé. À ce jour il n'existe aucun remède contre SLA et la cause exacte est inconnue. Dans notre laboratoire, la recherche fondamentale est menée, pour trouver les formes d’existence, la pathogénie et le traitement de SLA. L'hypothèse centrale de ce projet est que les neurones et les vaisseaux sanguins, qui jouent tous les deux un rôle important chez SLA, ajustent leur énergie ( métabolisme ) pendant la dégénérescence des motoneurones. Puisque presque rien n'est connu sur la façon dont les neurones et les cellules endothéliales ( vaisseaux sanguins ) des cellules adaptent leur métabolisme ou changent pendant la neuro-dégénérescence, ce projet fournira des indications biologiques novatrices sur le rôle du métabolisme spécifiquement chez SLA, et la neuro-dégénérescence en général.

Jean Steyaert: « L’autisme requiert une approche interdisciplinaire »

Le Professeur Jean Steyaert trouve Opening the future particulièrement important pour les possibilités qu’il crée de recherche interdisciplinaire. « Les financements classiques ne permettent pas facilement une telle approche, parce qu'elle est difficile à évaluer selon le principe de ‘qui fait quoi et dans quel domaine?’. Ici nous obtenons quasiment carte blanche. C'est une situation très luxueuse, à laquelle nous ne sommes pas habitués. Mais l'autisme est un problème qui ne peut être résolu efficacement que par une approche interdisciplinaire. Il comporte des facettes génétiques, biochimiques, sociales, psychologiques et éducatives. Il faut effectuer des recherches dans tous ces domaines et en réunir les résultats. »

« En outre, chaque cas d’autisme est différent. Par exemple, des patients avec une anomalie génétique similaire peuvent présenter des problèmes comportementaux très différents : l'un peut être très agressif, l'autre entièrement replié sur lui-même. Il est donc difficile de travailler avec des informations purement statistiques : les moyennes existent à peine et présentent peu d'intérêt. Cela rend l’approche classique de la recherche, basée sur la loi du plus grand nombre et sur l’étude de groupes, bien difficile et cela a des implications sur le financement. Même les approches scientifiques classiques, par exemple purement génétiques, restent très complexes. De par le monde, on a déjà identifié plus de 200 gènes contribuant aux troubles autistiques. Nous ne pouvons donc pas désigner UN gène de l'autisme. »

  
« L’idée d’un contact personnel avec le donateur est innovante. Nous avions plus l’habitude de nous tourner vers les instances officielles, et l’argent du contribuable. » 

Au plus tôt, au mieux

« Les moyens d'Opening the future nous permettent d’ouvrir deux lignes de recherche. L'une pour le traitement : nous voulons tester de nouvelles évaluations orthopédagogiques et de nouveaux traitements. L’autre pour la détection précoce de l'autisme, déjà au stade du nourrisson. Nous essayons d'identifier des marqueurs biologiques, des caractéristiques qui augmentent significativement le risque de développer l'autisme. Nous espérons ainsi mieux identifier et surtout en temps plus opportun des facteurs de risque. Au plus tôt on connait le problème, au mieux on peut prendre des mesures efficaces pour augmenter les chances d'une vie relativement normale pour les patients et leur environnement. »

« L'objectif est d’étudier les groupes à haut risque, tels que les frères et sœurs d'un enfant autiste, et de limiter les conséquences de la maladie pour eux. Mais c’est un problème à différents niveaux. Notre compréhension s’améliore sur le plan génétique et, par l'imagerie cérébrale, nous identifions comment le cerveau d'une personne autiste fonctionne différemment. Mais au niveau intermédiaire, celui de la cellule, il y a encore beaucoup d'inconnues. La recherche sur plaquettes sanguines du professeur Van Geet pourrait nous aider à y voir plus clair. »

« Il est clair qu’il vaut mieux étudier l'autisme de façon interdisciplinaire. Mon apport personnel est surtout dans le domaine médical, mais, dans le groupe que je coordonne, il y a également des éducateurs, des psychologues et des ingénieurs. Ces derniers distillent les informations pertinentes de la multitude de données. »

« En fait, je suis assez surpris du succès d’Opening the future. Il y a trois ans, quand j'ai eu les premiers contacts avec leurs consultants, leur approche semblait tellement différente, très anglo-saxonne, avec l'accent sur les entreprises et les particuliers fortunés en tant que donateurs, avec l'idée d'un contact personnel avec le bailleur de fonds. Nous sommes plus habitués à regarder d'abord vers le financement public, avec l'argent des contribuables. Mais le résultat est là. Ça marche, c'est aussi simple que cela. »

« Evidemment, ce financement ne remplace pas les canaux habituels. L’argent Flamand, Belge et Européen reste, plus que jamais, nécessaire. Mais la concurrence y est vraiment très rude, les chances d’acceptation d’une demande de projet bien ténues, en particulier dans notre domaine de recherches. Je me réjouis donc de l’aide d’Opening the future. »

Bart De Strooper : « Il nous faut une thérapie pour la démence endéans les 10 ans »

Le professeur Bart De Strooper et son équipe étudient la maladie d'Alzheimer. Opening the future crée-t-il de nouvelles opportunités? « Sans le moindre doute. Le point positif est que nous avons maintenant les moyens pour de la recherche plus risquée. J'ai la chance que mon groupe de recherche ait déjà bénéficié de pas mal de financements structurels, mais, pour cela, il faut soumettre des projets qui sont sûrs. Vous obtenez seulement du financement pour des projets qui sont déjà presque prêts, dont le résultat est déjà clairement énoncé. Ainsi, vous travaillerez sur des choses qui ont une grande faisabilité. C'est important, mais cela rend beaucoup plus difficile de travailler sur des avancées vraiment révolutionnaires. Par définition, on ne sait pas à l’avance quels en seront les résultats. Il y a aussi des ratés, qui ne sont pas publiés et ne sont donc pas attractifs pour les canaux classiques, mais peuvent éventuellement occasionner une réorientation importante »

« Parfois, vous entendez l'objection que puisque l’on dépense déjà beaucoup d'argent pour la recherche, faut-il vraiment compter sur l'argent privé ? Très clairement : Oui. On destine évidemment déjà plusieurs milliards à la recherche, surtout au niveau européen, et cela devrait continuer. Mais si vous voulez postuler, vous entrez dans une concurrence internationale très complexe, avec une chance d’acceptation relativement faible, surtout pour certains types de recherche. »

« Et si votre projet est finalement accepté, il s'ensuit une série d'obligations administratives. C’est compréhensible, mais c’est aussi contre-productif parce qu’elles n’ont rien à voir avec l’essentiel, votre recherche. Selon moi, il existe une proportionnalité inverse entre la complexité de l'organisation dans laquelle vous travaillez et la créativité scientifique. Dans un système Opening the future, cette complexité administrative n’existe pas et toute l’attention va à la créativité. Une bénédiction, croyez-moi. »

« L’avantage est que nous avons maintenant la possibilité d’effectuer des recherches plus risquées. Cela permet des percées innovantes. »

Espoir

« Avec le financement d’Opening the future, nous pouvons suivre les traces de ce que l'on appelle les micro-ARN et leur rôle dans Alzheimer. Les micro-ARN sont de très petites molécules qui jouent un rôle régulateur important dans la biochimie d'une cellule. Nous pouvons maintenant étudier ce qu’elles font exactement, quel rôle elles jouent dans les changements de tissus qui sont si typiques en cas d’Alzheimer, et essayer de trouver des intervenants thérapeutiques. Grâce au financement d’Opening the future, j'ai pu recruter pour quelques années une neuropsychologue Néerlandaise. »

« La maladie d’Alzheimer est un fléau. Les gens, y compris les responsables politiques, commencent progressivement à en comprendre la gravité, et pourtant le financement reste toujours bien inférieur à ce qui est consacré, par exemple, à la recherche sur le cancer ou le sida. La pression sociale a augmentée au sujet de ces maladies: nous voulons en guérir ou les circonscrire par tous les moyens, et c'est ce qui est arrivé. Sur une période relativement courte, certains cancers mortels ont été transformés en maladie chronique ou curable. Le Sida peut être circonscrit. La pression sociale pour les recherches sur ces maladies en a facilité le financement, il faudrait la même chose pour l’Alzheimer. Peut-être que les gens ont besoin de mieux se rendre compte de l’ampleur de l'épidémie à venir par le vieillissement de la population : dans notre pays, endéans les dix prochaines années, le nombre de patients atteints de démence, dont Alzheimer est la forme la mieux connue, va augmenter de 50 % … »

« Est-ce que l’on pourra un jour guérir l’Alzheimer? Pas dans la dernière phase, lorsque des parties importantes du tissu cérébral sont irrévocablement perdues. Mais nous comprenons de plus en plus le processus préalable à Alzheimer, qui, dans certains cas, commence même plus de trente ans avant la déclaration de la maladie. Cela crée bien sûr des possibilités de prévention et de ralentissement – à condition de savoir ce qui doit être ralenti. C'est l'objet de nos recherches. Oui, il y a certainement des raisons pour espérer. En outre, dans la science le fatalisme est toujours hors de question. Le point de départ doit être qu'il y a une solution et donc que l’on la trouvera.Opening the future nous permet de porter plus fort ce message d'espoir. »

Wim Robberecht: « Comprendre la SLA pourrait être un tremplin »

Le professeur Wim Robberecht explique : « Nous étudions, grâce au fonds d’Opening the future, un certain nombre d'aspects de la sclérose latérale amyotrophique, ou SLA, la maladie connue du public depuis qu’elle a aussi touché Stephen Hawking. Notre projet englobe les formes héréditaires et sporadiques de la maladie. Le dernier dénominateur est trompeur : environ 90 pour cent de tous les patients SLA souffrent de la forme sporadique de la maladie. Une estimation prudente de l’incidence de cette maladie est de 2 sur 100 000 personnes. Environ 80 pour cent des patients décèdent endéans les cinq ans, mais la durée de survie après diagnostic varie de six mois à 20 ans. Cela est probablement déterminé génétiquement. »

« La SLA présente un ‘avantage’ technico-scientifique, la maladie est bien mesurable : les données chiffrées sur la force musculaire sont plus faciles à collecter que, par exemple, des chiffres sur les capacités cognitives ou l'interprétation de scanners du cerveau tels que ceux d’Alzheimer. En outre, on a pu démontrer des liens entre la SLA, d'une part et, l’Alzheimer et la Parkinson d'autre part: ce sont toutes les trois des maladies neurodégénératives. Mieux comprendre la genèse de la SLA peut devenir un tremplin vers une meilleure compréhension de maladies ‘plus difficiles techniquement’ comme Alzheimer et Parkinson. C’est important pour les sociétés pharmaceutiques. Le ‘marché’ de la SLA est relativement limité, mais ce lien avec Alzheimer et de Parkinson, rend la recherche sur la SLA plus logique pour les entreprises. »

« En outre, les patients SLA sont souvent encore relativement jeunes lorsque la maladie se déclare, en tous cas comparés à Alzheimer. Ils sont également fin prêts à collaborer à la recherche, la collecte d’échantillons, de tests réguliers et ainsi de suite. C'est également un aspect important pour la recherche : vous pouvez obtenir d’excellents résultats sur un modèle animalier en laboratoire, mais sans la participation de patients, vous n’êtes nulle part. Ce problème est moins grand pour la SLA que chez Alzheimer. »

« Avec les possibilités qu’Opening the future nous offre, nous suivons différents axes de recherche, de la recherche sur des possibles thérapies à la recherche purement exploratoire sur une déviance génétique précise présente dans la moitié des cas de SLA familiale. »

"Le passage de la recherche fondamentale à des applications cliniques est essentiel dans notre domaine. Cette campagne offre plus de possibilités pour cela."

Importance vitale

« Je suis convaincu que cette nouvelle forme de financement pour nos recherches sera réellement très bénéfique. La dénomination Opening the future est choisie à juste titre. L'avenir est activement ouvert, parce que l’Université contacte un groupe de donateurs, ‘amis’ serait peut-être plus adéquat. Les fonds pour la recherche sont toujours insuffisants, surtout pour des projets qui présentent un risque élevé et qui sont généralement refusés dans les canaux habituels. Pour être clair : les propositions de recherche doivent être filtrées, mais il conviendrait aussi de garder de la place pour les projets qui ne correspondent pas aux critères suite à une trop grande nouveauté. Par cette campagne, cette recherche-là reçoit plus de moyens. »

« Cela inclut la recherche fondamentale innovatrice, mais aussi quelques projets qui, pour une raison ou une autre, n'apparaissent pas souvent sur le radar des canaux classiques. La recherche translationelle, par exemple, pêche souvent derrière le filet, alors que justement cette translation de la recherche fondamentale vers des applications cliniques est essentielle dans notre domaine. Elle se prête souvent moins à la publication dans une revue scientifique et obtient ainsi malheureusement moins de fonds. Parfois la recherche a déjà été publiée, mais n'est pas encore assez robuste pour le secteur pharmaceutique ou biotechnologique. Les grandes revues scientifiques refusent alors souvent les publications suivantes parce que ‘plus tout à fait originales’, alors qu’il s’agit de recherches sur les pistes pour concevoir des applications réelles et qui sont donc tout autant d’importance vitale. »

Ludo Meyvis

Traduction : Fabien

Source: KU Leuven Campuskrant 25° année, nr. 04 (18 december 2013)

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