Chercheurs du CNIO découvrent la cause de la mort neuronale chez une grande partie des patients atteints de SLA familiale

07-06-2021

CENTRO NACIONAL DE INVESTIGACIONES ONCOLÓGICAS (CNIO, Centre national espagnol de recherche sur le cancer)

Légende
Motoneurones de souris, générés à partir de cellules souches embryonnaires de souris exposées (à droite) ou non (à gauche) à des peptides associés à la SLA (à droite). Tels qu'observés chez les patients, ces peptides sont toxiques et entraînent la mort neuronale.

Chez les personnes atteintes de sclérose latérale amyotrophique (SLA), la mort progressive des neurones qui contrôlent les mouvements du corps engendre une paralysie des muscles des membres et, progressivement, de l'ensemble du corps, empêchant finalement de respirer. Actuellement, il n'existe aucun traitement contre la SLA, et sa cause est inconnue.

Toutefois, il est avéré que chez 10 % des personnes atteintes, il existe une composante génétique forte, qui provoque l'apparition de la maladie chez plusieurs membres d'une même famille. Dans environ la moitié de ces cas de SLA familiale, l'origine est liée à un gène appelé C9ORF72. Mais pourquoi les mutations de ce gène détruisent-elles les motoneurones ?

La réponse à cette question a peut-être été trouvée par le Genomic Instability Group dirigé par Óscar Fernández-Capetillo au Centre national espagnol de recherche sur le cancer (CNIO), qui a découvert un mécanisme expliquant la toxicité dérivée des mutations du gène C9ORF72. Grâce à ce nouveau mécanisme, il est possible de relier ces mutations à un problème général qui bloque tous les acides nucléiques, ADN et ARN, et perturbe ainsi une multitude de processus fondamentaux pour le fonctionnement des cellules.

L'article a été publié cette semaine dans The EMBO Journal. Les chercheurs du CNIO Vanesa Lafarga et Oleksandra Sirozh en sont les premiers auteurs.

Raisons de la mort neuronale chez les patients atteints de SLA

La recherche sur la SLA avait déjà permis d'observer que de nombreux processus cellulaires de base utilisant des acides nucléiques ne fonctionnent effectivement pas dans les neurones des patients atteints. À présent, le groupe du CNIO propose un modèle qui les relie tous et explique ainsi ces problèmes généralisés.

« Je pense que nous avons un modèle plutôt satisfaisant qui nous permet de comprendre ce qui se passe dans les motoneurones des patients atteints de SLA, et ce qui les détruit », déclare Fernández-Capetillo. « On est enthousiaste, étant donné que la clé pour guérir n'importe quelle maladie est d'abord de comprendre ce qui ne fonctionne pas. Ce n'est qu'ensuite que l'on peut commencer à chercher un traitement. »

Si ce mécanisme toxique récemment identifié est associé à des mutations dans un gène spécifique, le C9ORF72, le groupe du CNIO estime qu'il est probable que d'autres mutations liées à la SLA agissent de la même manière, à savoir en bloquant l'ADN et l'ARN des motoneurones.

Excès d'arginine

Les chercheurs du CNIO expliquent que les mutations du gène C9ORF72 sont toxiques car elles incitent la cellule à produire de petites protéines ou peptides très riches en arginine. Cet acide aminé, de par sa charge positive et sa nature chimique, se lie très avidement aux acides nucléiques, ADN et ARN.

L'étude du CNIO indique que, en se liant aux acides nucléiques avec une telle affinité, ces protéines riches en arginine écartent toutes les protéines cellulaires qui interagissent avec l'ADN et l'ARN de manière généralisée. Elles bloquent ainsi toute réaction cellulaire qui implique l'ADN ou l'ARN. Par conséquent, le blocage des acides nucléiques entraîne la mort de la cellule.

L'ADN contient les instructions qui permettent à la cellule de produire les protéines dont elle a besoin pour fonctionner correctement. Des centaines de protéines doivent s'ancrer à l'ADN et à l'ARN pour lire leurs instructions et finalement produire de nouveaux composants pour la cellule. Mais « la présence de peptides riches en arginine empêche toute réaction impliquant des acides nucléiques », poursuivent les auteurs de la nouvelle étude.
Comme le précise Fernández-Capetillo : « Nous avons constaté que les peptides contenant de l'arginine ressemblent à une sorte de goudron qui se colle aux acides nucléiques et les orne. Ce faisant, ils écartent les protéines qui sont normalement liées aux acides nucléiques, de manière à ce que tout ce qui concerne l'ADN ou l'ARN ne fonctionne pas. »

Moment d'euphorie

« Durant toutes ces décennies de recherche sur la SLA, les scientifiques en neurosciences ont publié toutes sortes de problèmes dans les réactions impliquant des acides nucléiques : traduction, réplication, etc. Rien ne fonctionne ! Nous pensons que notre modèle apporte une réponse simple à toutes ces observations », poursuit Fernández-Capetillo.

En général, les recherches de Fernández-Capetillo portent sur le cancer, mais il veille à « garder les yeux ouverts » sur tout problème auquel ses connaissances peuvent être appliquées. En 2014, il commence à travailler sur la SLA, convaincu qu'une technique récemment mise en place dans son groupe pourrait les aider à comprendre la toxicité des mutations du gène C9ORF72. Puis c'est un flash, une idée surgie après avoir pris un café au CNIO avec le lauréat du prix Nobel Jack Szostak, qui l'a mis sur la piste de l'arginine.

« Szostak effectue des recherches sur la chimie de l'origine de la vie, et il me racontait que pour bloquer les réactions impliquant des acides nucléiques, ils utilisaient précisément des peptides synthétiques riches en arginine dans leurs expériences, en raison de leur grande affinité pour les acides nucléiques », explique Fernández-Capetillo. « J'ai donc pensé, et si c'était ça qui se passait, et si les protéines riches en arginine des patients atteints de SLA bloquaient l'ADN et l'ARN de manière généralisée ? ».

La protéine qui compacte le noyau du sperme agit de la même manière

Cette hypothèse initiale a été confirmée lorsque le groupe a décidé de vérifier si des problèmes similaires étaient également observés lorsque les cellules étaient exposées à une protéine naturelle riche en arginine. En effet, il existe une telle protéine, mais elle ne se manifeste que de manière transitoire au cours du développement des spermatozoïdes : la protamine.

Conformément au modèle qui vient d'être publié dans The EMBO Journal, la fonction biologique de la protamine est de déplacer les histones de l'ADN. Les histones sont des protéines qui facilitent la compaction de l'ADN. « En remplaçant les histones par la protamine, qui est plus petite, l'ADN du sperme peut devenir plus compact », explique Fernández-Capetillo.

Or, la protamine est toxique pour toute cellule qui n'est pas un spermatozoïde. « Nous pensons que ce qui se passe chez les patients atteints de SLA est équivalent à ce qui se passerait si leurs motoneurones se mettaient accidentellement à produire de la protamine ».

L'article publié dans The EMBO Journal montre effectivement que les effets cellulaires de la protamine sont identiques à ceux des peptides riches en arginine trouvés chez les patients atteints de SLA.

Comment surmonter la toxicité

Après avoir compris pourquoi les peptides riches en arginine sont toxiques, l'étape suivante consiste à trouver des moyens de surmonter cette toxicité. Les recherches à cet égard ont déjà commencé au sein du groupe. Tout comme les recherches visant à créer des modèles animaux dans lesquels le problème, à savoir la production de peptides toxiques, est reproduit, afin de disposer d'une plateforme pour tester les traitements potentiels.

En apprenant à atténuer la toxicité de ces peptides, il pourrait également être utile de se pencher sur la SLA non associée à la protéine C9ORF72, c'est-à-dire sur la maladie dans son ensemble. Les auteurs de l'article estiment que le mécanisme généralisé consistant à bloquer les acides nucléiques est probablement ce qui se produit dans la SLA en général.

Selon Vanesa Lafarga : « La grande majorité des mutations observées chez les patients atteints de SLA se situent dans des protéines qui se lient à l'ARN, et ces mutations empêchent généralement la liaison de ces protéines à l'ARN. De plus, les cellules de ces patients présentent également des problèmes très généraux au niveau de leurs acides nucléiques. C'est pourquoi nous pensons que, bien que les mutations du C9ORF72 ne touchent qu'une fraction des patients atteints de SLA, le mécanisme sous-jacent à la toxicité des neurones n'est peut-être pas fondamentalement différent de ce qui se passe chez le reste des patients atteints de SLA. Nous nous efforçons actuellement de déterminer si c'est le cas ».

Traduction : Emilie Poissonnier
Source : EurekAlert
 

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