L’Europe ouvre la marche vers une banque de donnée de cerveaux

20-03-2015

L’Europe ouvre la marche vers la standardisation et la mise en place d’une banque de donnée de cerveaux

18 février 2015.

Cet article est la seconde partie d’une série.

Dans le domaine de la recherche sur la neurodégénérescence, personne ne conteste l’importance fondamentale des banques de cerveaux, mais cela ne signifie pas qu’elles échappent aux critiques. En premier lieu la qualité du tissu conservé varie considérablement. Tout dépend de la vitesse à laquelle le cerveau est détruit après le décès d’une personne et de comment les scientifiques en ont traité les tissus. Certains programmes de recherche, notamment ceux sur l’ARN et l’ADN exigent des échantillons biens conservés, c’est pourquoi les neuroscientifiques en Europe ont décidé d’améliorer et de standardiser les protocoles européens pour le traitement et le diagnostic des neuropathologies.

Désireux de développer un standard idéal, les leaders européens dans le domaine de la neuropathologie ont mis en place, en 2001, BrainNet Europe. Ce groupe a défini, à l’usage des banques de cerveaux européennes, des protocoles recommandés et des directives éthiques, même si ceux-ci ne sont pas obligatoires. Selon Thomas Arzberger, (Ludwig-Maximilium Universiteit de Munich), qui mène ses projets scientifiques, dix-neuf banques européennes ont rejoint l’association.

 
Coupes fines

Des sections de cerveau enrobées de paraffine sont fixées en très fines sections par un microtome. (Photo cédée gracieusement par la Nederlandse Hersenbank.)

BraineNet Europe propose un point de contact unique pour tous ceux qui souhaitent utiliser les banques de ses membres. Les chercheurs du monde entier peuvent introduire un formulaire de demande de tissu en ligne, sous réserve d’approbation de l’éthique de leur projet. BrainNet envoie la requête aux banques individuelles. Comme c’est le cas dans la majorité des banques, les requérants paient les coûts de traitement et d’expédition. Outre sa collection de tissus, BrainNet Europe entretient une base de données d’informations cliniques associées de près de 2000 cas, incluant tant des troubles neurodégénératifs et psychiatriques que des contrôles. L’accès à cette base de données est cette fois réservé aux membres du groupe.

Le Royaume-Uni aussi son consortium national. Le UK Brain Banks Network regroupe 10 banques qui conservent ensemble les cellules de plus de 10.000 cerveaux. Ses membres ont adopté un protocole standard de traitement des tissus. Les chercheurs du monde entier peuvent consulter une base de données en ligne et déposer des demandes de tissus. Seth Love, son directeur, mentionnait à l’Université de Bristol que le réseau répond à près de 300 requêtes par an. Le réseau du Royaume-Uni complète sa collection avec des tissus provenant de contrôles de santé. Il mène une étude longitudinale sur 3.000 volontaires, dont plus de la moitié n’ont pas de diagnostic neurologique. Des volontaires font don de leur cerveau après leur mort. Certains membres du réseau anglais sont également membres de BrainNet Europe.

De l’autre côté du monde, en Australie, les neuroscientifiques ont réglé en 2004 le problème de l’accès à un nombre suffisant de tissus en fondant la Australian Brain Bank Network (ABBN). L’Australie a six petites banques régionales qui conservent chacune quelques centaines de cerveaux. Elles n’étaient pas toujours à même de satisfaire les demandes des chercheurs et les frais d’expédition rendaient impossible la collecte d’échantillons de l’autre côté de l’océan. ABBN a regroupé les inventaires de ses membres dans un seul catalogue en ligne de plus de 2.500 cerveaux de donneurs adultes représentant une variété de pathologies. La plupart des entrées reprennent les données cliniques et quelques un les données longitudinales.


Préparation de lamelles.

Un technicien insère les sections de cerveau dans des lamelles pour coloration (Photo cédée gracieusement par la Nederlandse Hersenbank.)

Comme dans le cas de BrainNet Europe, les chercheurs internationaux peuvent introduire un formulaire de recherche en ligne auprès de ABBN. Catriona McLean, de l’Alfred Hospital à Melbourne, et directrice d’ABBN déclare que l’association a satisfait plus de 1000 demandes en 10 ans et a également envoyé des échantillons à différents pays d’Asie du Sud. Le site de l’association encourage également les donations futures : les personnes désireuses de léguer leur cerveau à la recherche peuvent s’inscrire auprès du réseau, ce qu’à peu près 3.500 candidats ont déjà fait, d’après Mme McLean.
 

Une nouvelle initiative : un portail d’accès unique aux banques du cerveau américaines.

Les Etats-Unis n’avaient pas jusqu’il y a peu de réseau comparable de banque de cerveau à but général (ils engrangeaient plutôt une grande collection de cerveaux atteints d’Alzheimer, voir partie 3 de cette série). En septembre 2013, trois institutions du NIH (le National Institute of Neurological Disorders and Stroke (NNDS), le National Institute of Mental Health (NIMH), et le National Institute od Child Healts and Human Development (NICHD), ont lancé ensemble la NeuroBioBank. Cette initiative rassemble six grandes banques sous un portail unique. Il s’agit des Harvard Brain Tissue Resource Center du McLean Hospital à Belmont, Massachusetts; du Human Brain and Spinal Fluid Resource Center de l’Université de Californie à Los Angeles; de l’ University of Miami Brain Endowment Bank; du Mount Sinai Brain and Tissue Repository à New York City; de l’ University of Maryland Brain and Tissue Bank, de Baltimore; et du Brain Tissue Donation Program de l’Université de Pittsburgh. Michelle Freund du NIMH, qui gère l’initiative avec Anna Taylor du NINDS, signale que d’autres banques vont sans doute rejoindre cette collaboration.

 


Coloration. Un technicien colore les lamelles pour révéler les caractéristiques des différentes pathologies.(Photo gracieusement concédée par Nigel Cairns, Université de Washington, St. Louis.)

La NeuroBioBank souhaite améliorer l’accès des chercheurs à divers tissus cérébraux, dit Michelle Freund. Beaucoup de banques sont spécialisées dans une ou deux maladies, ce qui par le passé ne permettait pas aux chercheurs de trouver dans leur banque locale les échantillons dont ils avaient besoin.

Les scientifiques envoient un formulaire de demande de tissu en ligne, les six centres le consultent et signalent si ils disposent du matériel correspondant. Les centres ont également adopté en 2013 un protocole commun pour la récolte, le traitement et la conservation des échantillons de cerveau. Les données cliniques associées à chaque échantillon suivent un format standard et sont placées dans une seule base de données. Au cours de l’année de création du projet, les centres ont récolté près de 500 cerveaux selon un protocole standard, déclare Michelle Freund. Dans un futur proche, ces tissus seront repris dans un catalogue qui pourra être consulté par les chercheurs. Le matériel plus ancien archivé dans chaque centre, en réalité des milliers de cerveaux, ne figurera pas au catalogue, mais reste disponible via des demandes de tissus, souligne Deborah Mash, qui dirige la banque de l’Université de Miami.

 La collection de tissus neurologiques de la NeuroBioBank provient de personnes ayant développé une large gamme de maladies, parmi lesquelles des maladies neurodégénératives comme Parkinson, Hungtington et SLA ; des troubles du développement neurologiques tels l’autisme et le syndrome de l’X-fragile ; ainsi que des problèmes psychiatriques comme la schizophrénie ou les troubles bipolaires. L’initiative ne finance pas la récolte de cerveaux attents d’Alzheimer. Celle-ci est sponsorisée par l’Institut National pour le Vieillissement (National Institute on Aging) et le Centre de Coordination National Alzheimer. (National Alzheimer’s Coordinating Center) (voir 3° partie). Toutefois les centres ont archivé ce matériau Alzheimer disponible et continuent à accepter les legs de cerveaux atteints d’Alzheimer en utilisant d’autres ressources de financement.

Produit final

Les lamelles définitives comportent souvent plusieurs échantillons de sections adjacentes pour permettre l’analyse au microscope de différents aspects des pathologies. (Photo cédée courtoisement par la Nederlandse Hersenbank.)

La NeuroBiobank encourage le don de cerveau, surtout de personnes décédées sans maladies cérébrales et fonctionne en tant que point de contact pour les donneurs potentiels. L’information du public est cruciale pour augmenter le nombre de cerveaux déposés dans les banques. « Nous devons toucher le grand public et les informer de l’importance du projet », dit Deborah Mash. La Miami Brain Endowment Bank a touché beaucoup de personnes et de nombreuses personnes âgées saines ont participé aux études longitudinales de la banque et ont légué post-mortem leur cerveau, ajoute-t-elle. Un tiers des 2.000 cerveaux de la banque proviennent d’invidus sans diagnostic de maladie.

Le projet NIH représente le plus gros effort américain de récolte de tissus cérébraux, mais n’est pas le seul. L’Autism BrainNet présente la même approche et développe un portail en ligne, où les chercheurs peuvent avoir accès aux données qui correspondent aux dons de tissus.

Deborah Mash pense que de telles initiatives font avancer les recherches sur les dommages cérébraux en rendant les tissus directement accessibles aux chercheurs. « Nous rendons hommage au legs des donneurs de cerveaux en veillant à ce que le matériau soit largement diffusé pour permettre ainsi des avancées qui en découleront », déclare-t-elle. 

Madolyn Bowman Rogers

 

Traduction : Anick

Source : The ALS Forum

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