« Une recherche très prometteuse »
26-09-2014
Entre 4 yeux
Lies Schoonaert
PRIVÉ
Née le 14 juillet 1986, fille de Martin Schoonaert et Christine Cappoen de l'imprimerie Schoonaert. Soeur d'Ine (30) et de Jonas, décédé il y a cinq ans. Elle a grandi à Roesbrugge et habite maintenant à Heverlee.
ÉTUDES
Études secondaires mathématiques-sciences au Sint-Janscollege de Poperinge. Ensuite, Master en biochimie et biotechnologie à l'Université de Gand.
CARRIÈRE
Elle a entamé son doctorat en 2009 au sein de l'équipe de recherche du Professeur Robberecht au Gasthuisberg de Louvain (laboratoire de neurobiologie). Son doctorat devrait se terminer fin 2015.
« Une recherche très prometteuse »
LIES SCHOONAERT CONSACRE SON DOCTORAT A LA RECHERCHE SLA
ROESBRUGGE - Après avoir vu toutes ces vidéos ‘Ice Bucket Challenge’, vous vous demandez aussi où ira l'argent de tous ces dons ? Aux recherches comme celle à laquelle collabore la doctorante Lies Schoonaert . « Subir la SLA doit être terrible », constate la chercheuse.
INTERVIEW PAR MARLIES CARETTE
Les premières vidéos ‘Ice Bucket Challenge’ sont apparues à la mi-août sur les médias sociaux. Ces petits films nous viennent des USA, ils montrent une personne qui se verse un seau d'eau glacée sur la tête, puis en défie trois autres de faire de même et de donner de l'argent pour la recherche SLA.
Lies Schoonaert (28), de Roesbrugge, contribue à cette recherche en tant que doctorante membre de l'équipe de recherche du Professeur Robberecht au Gasthuisberg à Louvain, le seul laboratoire SLA en Belgique
Vous avez entamé votre doctorat en 2009, il n'y avait pas encore ' d' Ice Bucket Challenges '. Comment êtes-vous entrée en contact avec la maladie SLA?
« Honnêtement, je ne connaissais pas la maladie avant, j'y suis arrivé plutôt par hasard. Avant ma thèse, j'ai travaillé cinq mois sur les poissons-zèbre à l'Institut Karolinska de Stockholm. Cela m'avait bien réussi et je voulais continuer à travailler sur le poisson-zèbre. J'ai recherché sur Google les recherches avec le poisson- zèbre et le laboratoire en neurobiologie du Gasthuisberg en est ressorti. Après une vidéoconférence, j'ai été acceptée et j'ai pu commencer à travailler sur la SLA. »
C'est quoi finalement la SLA?
« Les médias la décrivent comme un trouble musculaire, mais en réalité ce n'est pas le cas. SLA veut dire Sclérose Latérale Amyotrophique et c'est une maladie neurologique. Ce sont les nerfs reliés aux muscles qui meurent, provoquant la paralysie de tout le corps. »
La recherche peut-elle combattre cette paralysie?
« Pour pouvoir aider les patients, nous devons d'abord identifier les causes de la maladie. C'est pourquoi les chercheurs du monde entier sont allés à la recherche de la cause génétique. Ces dernières années, on a découvert de nombreuses mutations qui vont de pair avec la SLA. Nous savons que 10 pour cent des patients SLA ont la maladie suite à des mutations familiales ou par hérédité, tandis que le reste des malades l'ont attrapé suite à des mutations sporadiques. On connaît déjà un grand nombre de processus, mais il n'est pas souvent aisé de distinguer ceux qui en sont une cause de ceux qui en sont une conséquence. »
Cette incertitude n'est-elle pas frustrante?
« C'est le tribut de toute recherche : beaucoup de choses, que vous testez, échouent. Il faut se concentrer sur les petites choses qui réussissent. Après plusieurs années de recherches, je peux déjà, par exemple, exclure certaines théories, et c'est très bien. Les ratés ne me démotivent pas, la recherche SLA reste très prometteuse. Il y a beaucoup de potentiel et vous savez pourquoi vous travaillez : pour trouver un traitement pour les patients. »
Quelle est votre contribution à la recherche SLA?
« Personnellement, J'ai commencé par étudier le poisson-zèbre. J'ai recherché des récepteurs qui ont une incidence positive sur la maladie. Notre équipe en a trouvé un, après de longues recherches: le EphA4. La durée de vie d'un patient est inversement proportionnelle à la quantité d'EphA4 qu'il possède. Au moins d'EphA4, au plus longtemps la connexion entre le nerf et le muscle se maintient, au plus longtemps on évite la paralysie. Maintenant, nous étudions le potentiel thérapeutique de cette découverte : comment traduire cela concrètement en une thérapie pour le patient et, éventuellement, en traitement pour la SLA? Nous faisons cela en comparant nos résultats avec ceux d'études antérieures, pour exclure progressivement certaines choses et parvenir, ensuite, à assembler le puzzle. »
Ce travail de puzzle se passe dans le laboratoire, comment cela se passe-t-il concrètement?
« Dès que nous avions trouvé l'EphA4, j'ai troqué les poissons-zèbre pour des souris. Ces animaux naissent avec une mutation qui survient chez les patients SLA et développent en cinq mois le processus complet de la maladie. Il est regrettable qu'après cinq mois, ils meurent, mais en tant que chercheur, il faut savoir accepter cela. Considérer chaque souris comme votre animal de compagnie, cela ne fonctionne pas. (ndlr: rires) »
« Nous avons absolument besoin de ces animaux de laboratoire, car ce serait impossible et irresponsable de tout essayer directement sur les humains. Grâce à ces souris, nous pouvons tester des modèles avant de les transférer éventuellement à l'homme. Malheureusement, ce transfert vers le patient n'est pas toujours évident. »
Que pensez-vous des patients SLA?
« Je n'ai, moi-même, pas tellement de contacts avec eux, ce sont les professeurs qui les voient en consultation. Mais plus je travaille sur la SLA, plus je suis convaincu qu'elle doit être une maladie terrible. Une fois que vous êtes diagnostiqué, vous savez que vous n'en avez encore que pour deux à cinq ans. Mais certains meurent déjà après seulement six mois. Le pire est, selon moi, que votre corps est complètement démoli alors que votre esprit reste intact. Cela doit être terrible de prendre conscience que vous ne pouvez plus faire ce que vous voulez. »
Vous avez vous-même déjà reçu un seau d'eau glacée pour encourager les patients?
« Nous avons enregistré un film avec tout le personnel du laboratoire de Louvain. Nous étions entre vingt et trente, sur les marches à l'extérieur. La rangée du fond a jeté des seaux d'eau sur la rangée devant elle, puis celle-ci a fait la même chose sur celle devant elle. Tout le monde était trempé. Nous pensions que c'était important de donner nous-mêmes un signal, parce c'est ce que font les 'Ice Bucket Challenges'. Ils s'assurent que la maladie est reprise dans les médias et cela est tout bénéfice pour la recherche. »
Traduction: Fabien
Source : Krant van West-Vlaanderen