Virus dormant peut se réveiller chez certains patients atteints de SLA

01-10-2015

Neuroscience : Rétrovirus dans l’ « ADN poubelle » du génome humain pourrait contribuer à la neuro dégénérescence vue dans la SLA.

RÉVEILLÉ
Chez certains patients atteints de SLA, le rétrovirus HERV-K peut être réactivé, conduisant les neurones à transcrire l'ARN viral de leurs chromosomes.
Crédit : Avindra Nath

Nos chromosomes détiennent un nombre d’infections virales préhistoriques : environ 8 % de nos génomes proviennent de l'ADN viral incorporé dans les cellules de nos ancêtres. Pendant plusieurs millénaires, ces gènes viraux ont accumulé les mutations les rendant principalement dormants.

Mais l'un de ces virus peut se réveiller chez certains patients avec la sclérose latérale amyotrophique (SLA), une maladie progressive avec perte de muscles. Une nouvelle étude démontre que ce soi-disant ‘rétrovirus endogène’ peut endommager les neurones et éventuellement contribuer à la neuro dégénérescence de la maladie.

Les conclusions soulèvent la possibilité que des médicaments antirétroviraux, similaires à celles utilisées pour traiter le HIV, pourraient ralentir la progression de la SLA chez certains patients.

Avindra Nath, l'auteur principal de l'étude et le directeur clinique du National Institute of Neurological Disorders & Stroke, étudie en générale le HIV et ses effets sur le cerveau. Mais un patient HIV qu’il traitait en 2006 l'a amené à commencer à étudier la SLA.

En plus d'être séropositif, ce patient avait également eu un trouble ressemblant la SLA . Quand Nath lui a mis sur un cocktail typique des médicaments antirétroviraux pour traiter l'infection à HIV, une chose d'étrange s'est passée — ses symptômes SLA se sont améliorés. « J'ai pensé que c'était vraiment bizarre », explique Nath. « Si on a la SLA, le taux de mortalité est de presque 100 %, il n'y a aucun moyen que la SLA s'améliore. »

Quand Nath a commencé à lire la littérature médicale sur la SLA, il a trouvé quelques cas semblables. Il a également remarqué des études qui rapportent que les enzymes appelées reverse transcriptases étaient actives chez certains patients. Ces enzymes sont un marqueur d'infection par le rétrovirus comme le HIV, car ils permettent les virus d'intégrer leur code génétique dans l'ADN de la cellule. Des chercheurs SLA avaient été à la recherche d'un possible rétrovirus responsable de cette activité de transcriptase inverse, mais non pas encore trouvé un.

Nath se demandait si le coupable n'était pas un virus envahissant, mais un qui dort dans le génome-même du patient. En 2011, lui et ses collègues ont signalé que des échantillons de cerveau de patients décédés de SLA avaient des niveaux élevés de RNAs correspondant à l'ARN polymérase d’un virus dormant appelé rétrovirus endogène humain-K (HERV-K).

Maintenant, les chercheurs montrent que l'ARN du virus de deux autres gènes sont également élevés dans des échantillons de cerveau des patients SLA par rapport aux personnes en bonne santé et celles avec la maladie d'Alzheimer (Sci. trad. méd. 2015, DOI : 10.1126/scitranslmed.aac8201 ).

Dans la nouvelle étude, l'équipe a également essayé de déterminer si HERV-K pourrait contribuer à la pathologie de la maladie. Ils ont utilisé tout d'abord des techniques d’édition génétique pour activer le virus dormant dans des cultures de neurones humains. Le réveil du HERV-K a causé les neurones à rétrécir et à mourir.

Dans une autre expérimentation, les chercheurs ont modifié génétiquement des souris pour exprimer une des protéines de HERV-K spécifiquement dans les neurones. Les régions du cerveau de ces animaux qui commandent les fonctions motrices étaient plus petites que celles des souris normales, ce qui suggère que la protéine virale avait détruit des neurones. Ces souris ont également affiché des comportements indicatifs de cette neuro dégénérescence, y compris les mouvements spastiques et la faiblesse musculaire.

« La question fondamentale est si l'augmentation de l'expression du, HERV-K dans le cerveau des patients SLA est une cause ou une conséquence de la maladie, » disait Jeremy A. Garson, un virologiste qui a étudié la connexion possible rétrovirus-SLA à l University College de Londres. Les nouvelles données "ont fait quelques pas pour répondre à cela en faisant preuve non seulement qu’une expression élevée d’HERV-K, peut causer la neuro toxicité mais aussi que l'expression élevée n'est pas simplement une conséquence non spécifique des lésions neuronales."

Les résultats chez les animaux, en particulier, sont intéressants parce que les souris ont certaines signatures pathologiques observées chez les patients SLA, dit Stephen N. Scelsa, un neurologue qui a également étudié les rétrovirus et la SLA au Mount Sinai Hospital, à New York. Il pense que les chercheurs ont besoin de vérifier un plus grand nombre d'échantillons pour confirmer et de déterminer la prévalence de l'activation de HERV-K dans la maladie du patient.

« Mais si le virus est important dans le déclenchement de la maladie, alors il serait certainement plus facile de cibler une infection virale du système nerveux que de cibler un processus neurodégénératif que nous ne comprenons toujours pas entièrement », disait-il.

L’équipe de Nath envisage un courte étude clinique pour étudier l'effet d'un cocktail de médicaments anti-HIV sur les niveaux de HERV-K chez des patients SLA.

 

Traduction : Ligue SLA : Anne

Source : C&EN

Un virus endogène à l'origine de la SLA ?

06-11-2015

Une étude récente tend à montrer qu'un rétrovirus niché dans l'ADN humain pourrait être à l'origine de l'apparition d'une sclérose latérale amyotrophique (SLA). Si cela se vérifiait, un cocktail antirétroviral pourrait ralentir la maladie. Mais n'est-ce pas aller trop vite en besogne ?

Certains scientifiques s'accordent à dire que la SLA trouve sa source au niveau cérébral. Des études récentes semblent étayer cette proposition, sans pour autant en apporter la preuve ultime. Il a ainsi été montré que le cortex cérébral des régions motrices était plus mince chez les patients atteints de SLA. Cet amincissement du cortex moteur apparait d'ailleurs déjà avant que le patient ne présente de symptômes, ce qui signifie que celui-ci pourrait déjà avoir une fragilité génétique ou que l'amincissement peut être considéré comme un facteur de risque de développement de la maladie.

Une autre étude récente tend à confirmer que la SLA est surtout une affection cérébrale, à condition de la voir sous un autre angle.

Dix ans auparavant, des chercheurs avaient déjà décelé des traces d'enzyme transcriptase inverse dans des échantillons de sérum de patients atteints de SLA. Impossible cependant de trouver le rétrovirus responsable de la séparation de la protéine. Un coin du voile avait été levé en 2011 avec la découverte, dans des échantillons de patients morts de SLA, de transcrits d'ARNm qui renvoyaient au virus originel : le rétrovirus humain endogène K (HERV-K). C'est un groupe de recherche de la John Hopkins University School of Medicine , dirigé par le neurovirologue Avindra Nath, qui a fait cette découverte.

Les rétrovirus endogènes sont des virus qui ont progressivement intégré le génome

humain. Ils proviennent d'une infection chez des ancêtres. Celle-ci peut avoir eu lieu des centaines, voire des milliers d'années auparavant. Le rétrovirus est ensuite hérité de génération en génération. 5 à 8% du génome humain se compose de codes de virus endogènes qui jouent potentiellement un rôle dans la biologie humaine, en particulier dans le contrôle de la transcription du gène, dans la fusion cellulaire au cours du développement embryonnaire ou encore dans les mécanismes de défense en cas d'attaques de rétrovirus exogènes.

Le terme de virus est quelque peu mal choisi puisqu'il ne s'agit pas de virus entiers et actifs. La plupart de codes génétiques ont en effet connu des mutations successives au cours des années, ce qui a inactivé le rétrovirus. Certains scientifiques pensent que des virus endogènes qui n'ont pas muté peuvent « revenir à la vie », dans certaines circonstances exceptionnelles.

Avindra Nath et son groupe de recherche ont découvert que les transcrits d'HERV-K chez les patients atteints de SLA se retrouvaient surtout dans les zones entourant le cortex moteur. Chez les personnes atteintes de maladies systémiques, ces transcrits semblent davantage disséminés dans le cerveau. Mais cela ne veut toujours pas dire qu'ils ont obligatoirement provoqué la maladie.

L'équipe du professeur Nath, devenu entretemps directeur clinique du National Institute of Neurological Disorders and Stroke , institut de recherche américain, a mis des cellules nerveuses humaines en culture et les a exposées, soit à tout le génome virale, soit à la protéine d'enveloppe. Les résultats montrent que les deux manipulations ont engendré des lésions des cellules nerveuses. Lorsqu'ensuite, le gène d'enveloppe introduit dans le génome des souris génétiquement modifiées s'est exprimé, ces dernières ont présenté des symptômes classiques de SLA, ce qui prouve au moins que le HERV-K un rôle dans l'apparition de la SLA.

« Le plus étonnant dans cette étude », poursuit Avindra Nath, « c'est que ce sont surtout les cellules nerveuses motrices qui ont été endommagées, alors que toutes les cellules nerveuses avaient produit la protéine d'enveloppe. » Notre homme ne partage pas l'idée selon laquelle les transcrits d'HERV-K se concentrent dans le cortex moteur des patients atteints de SLA

parce que celui-ci est déjà affaibli et que ces transcrits réagissent peut-être à des signaux précoces de lésions des cellules nerveuses motrices « Chez les souris, les lésions du cortex moteur sont survenues au moment où les gènes HERV-K ont été activés. C'est ce qu'ont également montré nos expériences in vitro, au cours desquelles nous avons amené, par différents moyens, le virus HERV-K à s'exprimer. Ensuite, nous avons provoqué des lésions des cellules nerveuses in vitro à l'aide de diverses toxines. Le HERV-K ne s'est pas exprimé, ce qui nous laisse penser que l'expression du HERV-K constitue le gène primaire qui engendre une série de lésions en cascade aux cellules nerveuses motrices.

Il est toutefois plus que prématuré de dire que ce rétrovirus constitue la cause première de la maladie. « Nous n'avons pas encore de preuves convaincantes que la proportion de patients atteints de SLA qui expriment ces protéines virales est clairement supérieure que chez des personnes en bonne santé » constate le professeur Philip Van Damme du Centre de référence neuromusculaire de l'UZ Leuven et chercheur au Vesalius Research Center (VIBLeuven). De plus, chez les souris, un promoteur neuronal (thy-1) a été ajouté au paquet génétique virale transmis, et ce afin de s'assurer que les cellules nerveuses provoquent bien l'expression de la protéine d'enveloppe, et ce dans une large mesure. Il n'est pas sûr qu'il existe, par définition, un promoteur ou un facteur de transcription actif chez les patients souffrant de SLA, responsable d'une réactivation du rétrovirus, ou d'une partie de celui-ci. Il faudra d'abord répondre à ces questions avant d'établir un lien clair entre HERV-K et SLA.

Les attentes sont néanmoins grandes. Le professeur Nath estime qu'un cocktail de moyens antirétroviraux pourrait au moins freiner la maladie. Il n'est outre pas sûr que les moyens actuels puissent être utiles. « Nous devons les tester et voir s'ils ont un impact sur le virus », explique-t-il, « mais si c'était le cas, on pourrait imaginer une approche similaire à celle du HIV pour développer de nouveaux moyens thérapeutiques contre le HERV-K ». Il se tourne en outre vers les développeurs de médicaments et les encourage à se mettre à l'oeuvre pour contrer cette maladie pour laquelle la solution proposée est pour l'instant insuffisante.

'Human endogenous retrovirus-K contributes to motor neuron disease', Wenxue Li, Avindra Nath, et al., Science Translational Medicine, 30 Sep 2015 : Vol. 7, Issue 307, pp. 307ra153 DOI : 10.1126/scitranslmed. aac8201.

Patrick De Neve

 

Source : Le Journal du médecin

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