Interview Jean-Jacques Cassiman

28-06-2011

Propos recueillis par la Ligue SLA auprès de Jean-Jacques Cassiman

Jean-Jacques Cassiman a déjà une longue carrière de chercheur dans le domaine de la génétique humaine et, au stade actuel de son parcours, vous le retrouverez au Département de génétique humaine. Parallèlement, il est aussi le président actuel de la ligue flamande contre le cancer (Vlaamse Liga tegen Kanker).

Combien coûte La recherche?
Sans fonds, il n’y a pas de recherche possible. Le coût d’un seul assistant scientifique s’élève à environ 100.000 Euro par an.

La recherche visant spécifiquement la SLA
À propos de la recherche réalisée par Peter Carmeliet sur un gène et au cours de laquelle il a découvert quelque chose, l’on pourrait s’attendre à ce qu’il obtienne des résultats pour la problématique de la SLA. Au cours d’une recherche, il arrive que l’on fasse des découvertes secondaires qui s’avèrent importantes par la suite, même si elles n’ont pas un lien direct avec la recherche principale. Au début d’une étude, on ne connaît pas le responsable définitif des différentes formes d’une même maladie. Ces maladies portent bien les mêmes noms, mais les raisons pour lesquelles tel ou tel symptôme se déclare ne sont pas nécessairement les mêmes pour chaque patient. L’étude de Carmeliet me fait penser à l’étude sur le gène SOD par rapport à la SLA familiale, une étude à laquelle j’ai moi-même travaillé. D’autres découvertes sont aussi possibles dans le domaine de la neurologie. L’on peut ainsi faire des recherche sur une maladie en particulier et découvrir quelque chose sur une autre maladie (par ex. la découverte de choses intéressantes pour les maladies d’Huntington et de Parkinson dans la recherche sur la maladie d’Alzheimer). Il n’est pas impensable que l’on puisse de la même façon faire une découverte primordiale pour la SLA.

La recherche neurologique dans l’ensemble?
Malgré le fait qu’il y ait eu récemment de nombreuses recherches sur la SLA, les pALS ne partagent pas ce sentiment parce que rien n’a été trouvé. Une meilleure communication des informations serait utile ici. D’ailleurs, la recherche neurologique sur les neurones peut aussi être pertinente pour la SLA. Avec le grisonnement de la population, nous voyons augmenter le nombre de patients déclarant la maladie d’Alzheimer. Ce qui est fortement répercuté par les médias et il y a de nombreuses recherches sur la maladie d’Alzheimer qui attirent les capitaux financiers. Mais avons-nous déjà quelque chose? Nous voulons aussi communiquer cet espoir aux pALS: nous réalisons aussi des études valables, mais il n’y a pas encore de solution comme pour bien d’autres maladies. À noter que l’on travaille à différents niveaux. Ainsi, l’on vient de commencer une recherche sur les lésions de la moelle épinière, dans le but de les restaurer avec des cellules souches. Les essais devront permettre d’apprendre le fonctionnement précis de ces neurones. Ce qui peut in fine s’avérer intéressant pour la SLA. En ce qui concerne les cellules souches, les scientifiques sont encore d’avis assez partagés allant de «cela ne servira jamais à rien pour la SLA» à «cela pourrait bien être utile pour la SLA».

Le Prof. Cassiman estime qu’il est bien trop tôt pour exclure quoi que ce soit. Bien d’autres recherches doivent encore avoir lieu. Et l’on ne peut ni confirmer ni infirmer que cette étude soit un jour applicable à la SLA. Il s’agira sans doute d’abord de tentatives de mettre un terme à la progression de la maladie avant que de ne pouvoir la guérir. Et évidemment au plus la SLA reste en dehors des études sur les cellules souches, au plus les occasions sont grandes pour les charlatans de dépouiller les personnes désespérées. Malheureusement, à part mettre les personnes en garde que ces remèdes de charlatans sont inutiles et bien les informer, nous ne pouvons pas y faire grand-chose.

Où la recherche sur la SLA doit-elle avoir lieu et comment?
Il doit y avoir un lien de confiance: à savoir que la recherche a lieu pour les patients SLA (pALS) et cela doit être rassurant. Or ce n’est pas toujours le cas pour de nombreux patients. Et la recherche qui est effectuée ici est indissociable de celle qui a lieu partout dans le monde. À la question de savoir si la recherche sur le plan mondial ne devrait pas bénéficier de plus de coordination, le Prof. Cassiman répond qu’il n’y a sur ce point aucun problème: au plus de gens s’attèlent à un problème au mieux. Il arrive bien sûr qu’un chercheur ne veuille pas communiquer ses informations parce qu’il souhaite d’abord tout noter. Cependant il y aussi de nombreuses situations où l’information est transmise mais n’est pas encore publiée parce que l’auteur en est connu et qu’on lui fait confiance. Globalement, l’interaction entre nos chercheurs et les scientifiques dans d’autres pays est excellente.

Financement de la recherche par le gouvernement?
Les messages de l’an dernier selon lesquels le gouvernement couperait le robinet au fédéral ont évidemment eu des conséquences dans touts les domaines de la recherche, y compris pour la SLA. Nous n’avons toujours pas atteint le niveau d’investissement gouvernemental pour la recherche que nous devrions pourtant maintenir. L’on y aspire toujours, mais les scientifiques se manifestent trop peu. Le gouvernement lance de belles phrases du style: «L’innovation et la recherche sont très importantes pour notre pays» et pourtant il coupe le robinet. La recherche est primordiale pour la découverte innovante d’un pays. Il faut des personnes prêtes à investir à long terme dans la recherche parce que cela peut prendre dix ans avant qu’il n’y ait un résultat. D’un point de vue politique, ce n’est pas intéressant.

La qualité de la recherche en Belgique?

La Belgique s’est taillé une bonne réputation dans le monde en ce qui concerne la qualité de ses chercheurs. Du fait des nombreuses restrictions, nous attirons peut-être moins de gens ou les personnes qualifiées vont-elles chercher une meilleure offre ailleurs. Mais ne perdons pas de vue que la Belgique est un petit pays. Par conséquent, nous ne pouvons pas garder tous les scientifiques que nous formons ici. Nous ne disposons pas des mêmes budgets que les États-Unis. Et si nos chercheurs sont bons et productifs ailleurs, peu importe alors le lieu. Tant qu’il en ressorte quelque chose! Ce qui par contre est important, c’est que les universités continuent à former des personnes compétentes et qu’elles participent à la Recherche de qualité. Si l’on considère le domaine de la SLA, l’on s’aperçoit que la Belgique est pionnière dans la recherche, au plan mondial même. Peter Carmeliet travaille pour le John Hopkins Institute et le Prof. Robberecht de la KUL y participe aussi. Nous n’avons donc pas de quoi rougir, mais nous ne pouvons pas mettre de nombreux groupes sur un seul projet SLA.

Quelle attitude adopter pour la Ligue SLA dans ce domaine de la recherche?
Nous essayons d’apporter notre petite contribution en collectant des fonds. Ainsi, notre fonds pour la recherche comporte cette année 20.000 Euros. Nous ne sommes pas subventionnés, ce qui nous donne beaucoup de force parce que nous n’avons rien à perdre. Nous nous sommes engagés à défendre nos patients, mais où et comment obtenir ces moyens financiers supplémentaires? Au plan mondial, se tient une réunion annuelle sur la SLA. En tant que membre de l’Alliance Internationale SLA/ MMN, l’organisme regroupant les associations SLA/ MMN, la Ligue SLA a posé sa candidature pour organiser le Symposium international SLA/ MMN de 2013 en Belgique. L’Alliance internationale ALS/ MMN lance également chaque année une publication reprenant des articles pertinents. Lors de ces réunions, les personnes habilitées se réunissent pour débattre des sujets qui y sont traités.

Une suggestion de Prof. Cassiman serait d’associer une réunion d’experts à ce symposium en 2013. Où ceux qui excellent dans ce domaine (10 à 15 personnes) pourraient se réunir à part. Très concrètement, réunir le Prof. Carmeliet et les autres experts de premier plan représenterait une contribution prodigieuse. La Ligue SLA entretient aussi des contacts avec l’industrie pharmaceutique et le monde politique mais c’est un monde en constante évolution. Pour ce qui est de l’industrie pharmaceutique, Prof. Cassiman ne rencontre aucun obstacle. Mais bien avec les associations de patients qui sont exclusivement financées par l’industrie pharmaceutique. En effet, certaines associations de patients peuvent en tirer profit s’il existe un médicament pour leur maladie. Et peut-être aurons-nous besoin un jour de ces gens pour lancer un produit sur le marché.

La SLA, une maladie rare?
La SLA est une maladie rare, mais il existe plus de 7.000 maladies rares. Et l’on ne peut pas s’engager pour toutes. D’où l’importance de coopérer parce que de nombreux problèmes sont similaires. Prof. Cassiman souligne que, si un médicament est découvert, ce sera un médicament orphelin, repris sous un statut spécial. Et donc l’importance de la création d’une coupole de patients, RadiOrg, représentant toutes les maladies rares. La Ligue SLA en est membre. RadiOrg doit à terme devenir l’instrument permettant de s’adresser au monde politique.

Dans les propositions d’un plan Belge pour les maladies rares, l’on retrouve de nombreuses prévisions de centres d’expertises pour les patients souffrant de maladies rares. Afin d’éviter que les personnes ne passent des années avec le mauvais diagnostic ou sans savoir à qui s’adresser. La Ligue SLA est membre de RadiOrg, avec qui -comme avec la Vlaams Patiëntenplatform (VPP – la plateforme flamande pour les patients) – elle a de nombreux points communs. Ce qui n’empêche la SLA d’être très spécifique. Puisque c’est une maladie qui entraîne un affaiblissement musculaire total. De ce point de vue, la SLA est donc une affection assez différente. La VPP milite pour certaines causes dont nous tirons également parti. Mais elle ne défend pas particulièrement les maladies à évolution très rapide. C’est pourquoi nous préférons garder notre autonomie pour pouvoir nous même agir plus rapidement.

Prof. Cassiman est d’accord avec notre position. Il y a des points communs importants pour tous et à côté vous avez les priorités individuelles spécifiques à chaque maladie. La solution doit venir de la recherche, certainement dans le cas de ces maladies. Un point important: la qualité de vie peut être améliorée! Et à cet égard, la Ligue SLA fait beaucoup: comme le prêt de dispositifs d’aide, parce qu’il y a des lenteurs administratives. Aussi en ce qui concerne le «PAB» (BAP - budget d’assistance personnelle), nous avons pu nous assurer d’une procédure accélérée auprès du ministre avec notre association. Il n’existe pas de lieux de prise en charge pour les patients souffrant de SLA, ils doivent rester chez eux, et ne disposent que de leurs propres revenus. Pour le moment, la mise au point d’autres procédures accélérées est au centre de nos préoccupations. Mais il serait utopique de penser que demain les médicaments nécessaires à toutes les pathologies seront disponibles. Et nous devrons continuer à taper sur le clou, car il est inadmissible que dans la société moderne dans laquelle nos vivons, les personnes qui souffrent d’une telle maladie ne puissent être accueillies comme il se doit.

Dans quel domaine devons-nous travailler pour la SLA?
Selon le Prof. Cassiman nous sommes assez bons point de vue législation sociale, par ex. les différents services, mais il y a encore du pain sur la planche.

Mission De radiOrg pour les maladies rares
RadiOrg est le représentant Belge d’Eurordis, l’association européenne pour les maladies rares. Toutes les associations de patients atteints de maladies rares peuvent en faire partie. Comptant de 70 à 100 membres, RadiOrg peut obtenir plus qu’une association à elle seule. Le Vlaams Patiëntenfonds réunit tous les patients, et pas uniquement ceux atteints de maladies rares.
Par expérience, nous savons que c’est parfois un désavantage pour la Ligue SLA d’être membre d’une plateforme telle que RadiOrg. Nous fonctionnons sur base de volontariat. Et lorsque nous demandons des subsides auprès des autorités pour pouvoir engager des gens, la réponse est souvent: «Vous recevez bien des subsides via la VPP, qui a engagé cinq personnes» Mais de fait ces personnes ne travaillent pas pour nous.

VPP et RadiOrg peuvent être subsidiés en tant que coupoles ce qui est assez compréhensible car il ne serait pas efficace de subsidier séparément 2.500 association. Mais d’autre part, notre organisation fait des choses que ces coupoles ne font pas, comme militer dans le monde politique. De leur côté VPP et RadiOrg doivent en effet se professionnaliser davantage. Alors ils pourront conférer plus d’autorité aux initiatives des associations qui parfois elles-mêmes fonctionnent trop en dilettante. Ce qui inquiète toutefois la Ligue SLA: il apparaît que les plateformes ont tendance à affaiblir leurs initiatives sous prétexte que d’autres groupes de patients sont parfois laissés pour compte à cause de leurs résultats. Quel est alors l’intérêt pour la Ligue SLA de devenir membre de telles associations? Prof. Cassiman connaît le problème du point de vue de l’association Muco. Celle-ci est devenue plus professionnelle et est à même de surpasser ses problèmes. Et elle a maintenant, à la tête d’un grand budget et de professionnels compétents, un impact énorme sur les politiciens.

Le rôLe des volontaires
Les volontaires restent bien sûr utiles, mais il faut les encadrer professionnellement. Quand bien même, les volontaires travaillent intensivement à la Ligue SLA.

Le Prof. Cassiman est invité à jeter un coup d’œil à la Ligue SLA, et il accepte l’invitation.

 

Interview et compte-rendu: 
Dirk et Dirk Ligue SLA
Greta Vandeborne

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