La sécrétase dans l’élaboration des voies neuronales

01-03-2011

La poursuite de l’étude sur les gènes de la maladie d’Alzheimer (étude publiée dans la revue Cell du 07/01/2001) a permis de découvrir un maillon important entre la formation des voies neuronales et les affections dégénératives.
« Cela a été une surprise car nous avons toujours considéré la préséniline dans un paradigme de clivage des connexions neuronales plutôt que dans celui de la connexion du système nerveux pendant son développement embryonnaire » déclare Samuel Pfaff, chercheur au Howard Hughes Medical Institute et Professeur au laboratoire d’expression génique, qui a dirigé l’étude.

La préséniline est l’un des composants de l’enzyme gamma-secrétase qui intervient dans le clivage de la protéine précurseur de l’amyloïde (peptides néfastes pour le système nerveux), ce qui provoque une accumulation de fragments de bêta-amyloïdes qui constituent des plaques solides et insolubles, l’une des caractéristiques de la maladie d’Alzheimer.

De nombreuses molécules embryonnaires subsistent dans le système nerveux central, où elles contribuent à la formation,  la réparation et la plasticité des voies neuronales. « Cela peut expliquer pourquoi le dérèglement des signaux de guidage peut jouer un rôle dans la pathogenèse (la naissance) de la maladie d’Alzheimer », explique Samuel Pfaff.

L’étude Salk apporte un nouvel élément dans le mécanisme délicat qui accompagne la croissance des cellules nerveuses dans l’embryon et qui dépend fortement du timing et de la précision spatiale. En comprenant comment les axones (prolongements neurologiques qui forment des connexions via des dendrites arborescentes avec d’autres neurones) trouvent leur chemin, nous comprenons comment les cellules nerveuses peuvent se réparer chez les personnes souffrant de lésions de la moelle épinière ou de maladie neuromotrices telles que la SLA, l’amyotrophie spinale et le syndrome post-polio.

Au cours d’un développement normal, des milliards de neurones se connectent à l’aide de leurs prolongements et forment ainsi le système nerveux. Les axones dans l’embryon en croissance cherchent donc leur chemin, processus dans lequel des balises moléculaires placées sur la voie de guidage les pilotent dans la bonne direction.

« En raison de la multitude de neurones qui font en sorte que chaque cellule suive sa trajectoire crée une complexité biologique accrue que nous ne pouvons expliquer par l’information génétique codée dans notre génome (partie de nos gènes) ; nous estimons à environ 100 milliards le nombre de connexions dans notre cerveau pour environ 20.000 gènes seulement », déclare Samuel Pfaff. “

Pour trouver leur voie, les motoneurones en croissance, qui doivent parcourir une longue distance jusqu’à leur destination finale, n’en parcourent qu’une petite partie grâce à des postes intermédiaires, des stimuli chimiques qui attirent les axones ou les repoussent.  Et même, les axones créent de nouvelles connexions quand ils approchent un nœud critique et ce, dans une chorégraphie rigoureuse.

« Cela les aide à trouver ces stations intermédiaires, explique Ge Bai, chercheur post doctorant et auteur principal de l’étude.  Cela permet à un nombre restreint de gènes de régler la croissance axonale en lançant des signaux au bon moment et au bon endroit ».

Son équipe et lui ont découvert le rôle inattendu de la préséniline lors du contrôle des signaux de guidage dans le cadre de la recherche sur l’influence des gènes dans le développement du système nerveux foetal ; grâce au génie génétique, ils ont mis au point méthode pour colorer en vert les motoneurones d’une souris par fluorescence, ce qui leur permettait de reconnaître visuellement une souris mutante avec un développement déviant en fonction du motoneurone.

Une souris présentant un défaut spécifique dans le codage pour la préséniline s’est démarquée.  À défaut de quitter la moelle épinière, ses motoneurones ne franchissaient pas la ligne médiane, formant une rangée de cellules, comme entourée par une douve au beau milieu de l’embryon en développement. Ge Bai a découvert que chez les modèles murins mutants préséniline, ces cellules étaient irrésistiblement attirées par la Nétrine (du sanscrit ‘guider’ protéine qui intervient dans la guidance des axones dans le tube neural), qui est exprimée par la ligne médiane.

Chez les souris témoins normales, les motoneurones n’ « écoutent » pas la nétrine et gardent le cap vers la périphérie.  Ils peuvent ignorer la nétrine parce que le récepteur de nétrine est bloqué par la combinaison ligand Slit (attraction)/récepteur Robo (de ‘roundabout’ détour).  Sans la préséniline, des fragments récepteurs de nétrine résistant au Slit/Robo s’accumulent dans la cellule, et le motoneurones se retrouvent influencés par la nétrine.

« Nous avons appris une chose essentielle au sujet de la préséniline: il s’agit d’un élément qui n’a pas une influence directe sur la perception des signaux comme une molécule de connexion (ligand) ou un récepteur, mais qui fonctionne comme un régulateur très important de l’activité des axones dans le temps et dans l’espace », selon Ge Bai.

La préséniline mutante (protéine) est tristement célèbre pour son rôle dans la forme la plus agressive de la maladie d’Alzheimer, à savoir la forme familiale précoce qui peut apparaître dès l’âge de 30 ans.  Dans une étude très récente, des chercheurs du Salk Institute ont découvert le fonctionnement de la préséniline : elle aide les motoneurones embryonnaires à naviguer dans le labyrinthe des stimuli chimiques qui les guident ou les repoussent vers leur destination finale.  Sans cette protéine, les motoneurones embryonnaires interpréteraient erronément leurs signaux de guidance et se perdraient dans la moelle épinière.

Traduction : Bibiane Bolle

Source : ALS Independence

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