Le nez sait…
12-01-2012
Les biopsies nasales peuvent accélérer le développement de nouveaux médicaments pour combattre la SLA.
Le développement de médicaments est un processus coûteux et de longue durée. Commercialiser un nouveau produit pharmaceutique peut prendre plus d’une décennie et engloutir des centaines de millions de dollars. Nombre de composants, ciblés au début comme médicaments potentiels, n’atteignent pas la cible voulue sur le système organique, mais augmentent seulement le coût de la recherche.
Le développement de médicaments dédiés aux maladies du système nerveux, telles que la SLA, engendre une difficulté supplémentaire. Afin de déterminer si un produit composé agit efficacement sur la bonne cible, les chercheurs testent souvent des médicaments potentiels sur des cellules prélevées lors de biopsies de cette cible. Des médicaments potentiels pour la SLA devraient en fait être testés sur des biopsies du cerveau, obtenues difficilement et à un coût certain.
«Un des grands défis dans la découverte de médicaments neurologiques réside dans la démonstration que le médicament réactif chez le rat l’est également chez l’homme. Le problème réside dans le fait que le tissu n’est tout simplement pas disponible. Il est en effet plus aisé de pratiquer une biopsie sur le cerveau de rats d’élevage dans le cadre de la recherche de la SLA afin de rechercher l’effet escompté d’un médicament. Les biopsies de cerveau sur des patients atteints de la SLA sont de loin plus compliquées. C’est un très, très gros problème ». Tel est le propos de Rita Sattler, une neuroscientifique de l’Université John Hopkins, laquelle publia une nouvelle étude dans la revue Experimental Neurology, qui révéla qu’une biopsie de l’épithélium olfactif nasal peut être pratiquée afin de tester avec succès de nouveaux médicaments du système nerveux central pour une série de maladies neurologiques, en ce inclus la SLA.
Rechercher un bon substitut.
Sattler et Jeffrey Rothstein, Directeur du Packard Centre, reçurent un important apport d’un scientifique travaillant sur l’identification de marqueurs de la schizophrénie. Au lieu d’utiliser une coûteuse et dangereuse biopsie du cerveau, le scientifique découvrit que les cellules de l’épithélium olfactif nasal dans la moitié supérieure de la cloison nasale contenaient nombre de protéines identiques au tissu cérébral. Les chercheurs en déduisirent donc qu’une biopsie nasale pouvait bien constituer une bonne approche pour les biopsies neurales.
Une étude récente de Sattler et Rothstein, publiée dans Experimental Neurology, soutient cette hypothèse. Les scientifiques comparèrent le fonctionnement du thiamphénicol, un médicament dont on connaît la réactivité CNS (Central Nervous System, Système Nerveux Central) dans l’épithélium nasal et dans le tissu cérébral des souris, et testèrent ensuite sa réponse dans la biopsie du tissu nasal humain. Le thiamphénicol diminue les niveaux extracellulaires du neurotransmetteur glutamate en stimulant le fonctionnement d’une enzyme connue sous le nom de EAAT2/GLT-1, qui élimine essentiellement l’excédent de glutamate. Des études précédentes ont démontré que les patients SLA présentent un excès de glutamate dans les cavités autour des neurones.
L’obtention d’une biopsie nasale humaine se révéla facile et financièrement abordable. « Ce n’est pas une procédure invasive. Une dizaine de minutes sont nécessaires pour l’obtention du tissu. Cela se pratique sous anesthésie locale et un seul petit échantillon est prélevé », explique Sattler. Comparez cela à une biopsie du cerveau, laquelle demeure une intervention chirurgicale risquée.
Trente volontaires en bonne santé prirent part à la Phase 1 des essais cliniques de thiamphénicol. Six participants reçurent un placebo, 12 reçurent 750mg/jour de thiamphénicol et 12, 1500mg/jour. Avant l’entame de l’expérience, on pratiqua des biopsies nasales d’un côté du nez. Les effets secondaires les plus sévères de la biopsie se limitèrent à une douleur et un léger saignement du site de biopsie. Après les deux semaines d’expérience, une deuxième biopsie fut pratiquée sur l’autre narine, ainsi qu’une ponction lombaire qui déterminerait si le thiamphénicol fut bien absorbé dans le cerveau.
Sattler et ses collègues démontrèrent que le thiamphénicol agit de la même manière sur l’épithélium olfactif nasal que sur les échantillons CNS. Le médicament stimulait EAAT2/GLT-1 pour absorber le glutamate tant dans les échantillons nasaux humains que ceux de la souris, de la même manière qu’il opérait sur les échantillons du cerveau de la souris. EAAT2/GLT-1 dans le tissu nasal prélevé par biopsie ne démontra pas autant d’activité que dans les échantillons neurones, ce qui signifie que les scientifiques ne peuvent pas affirmer avec certitude que le médicament fonctionne correctement avec les seuls échantillons nasaux. Malgré tout, Sattler et ses collègues purent constater que le thiamphénicol fit ce qu’il était supposer faire : augmenter l’activité de EAAT2/GLT-1.
Regarder ce qui vient
L’utilisation de biopsies nasales n’est certainement pas la potion magique pour le développement de médicaments traitant la SLA. Mais il facilite grandement une des plus grandes tâches qui consiste à introduire un nouveau médicament sur le marché. L’utilisation d’échantillons de l’épithélium olfactif nasal, faciles à obtenir et relativement bon marché, permet aux chercheurs de déterminer si un médicament agit de la même manière sur les êtres humains que dans les cultures cellulaires et les études sur les animaux.
« Le tissu nasal est un tissu périphérique, si bien qu’il n’y a pas toujours une corrélation évidente entre ce que nous constatons dans la biopsie et ce que nous voyons dans le CNS. Même si nous savons que des protéines CNS sont présentes dans le tissu, et qu’ils réagissent de la même façon face à ces médicaments, nous ne pouvons pas établir avec certitude que ce nous voyons dans le tissu nasal se présente aussi dans le système nerveux central. Ce n’est pas encore un biomarqueur optimal ! » ajoute Sattler.
Cependant, commente Sattler, les biopsies nasales pourraient accélérer le développement de nouveaux médicaments pour un série de troubles neurologiques aux côtés de la SLA, tels que la maladie de Huntington et la multiple sclérose.
- Carrie Arnold
Traduction : F. Hertsens
Source : Packard Center