Symposium sur le gène C9orf72 traite des développements des traitements de la SLA et de la DLFT

06-11-2012

Nouvelle-Orléans, Louisiane (USA),

La découverte du gène C9orf72 est probablement la plus importante découverte dans le domaine de la SLA au cours de ces 20 dernières années. C’est la conclusion de scientifiques qui tentent de découvrir comment ce gène cause la SLA et une affection connexe, la dégénérescence lobaire fronto-temporale (DLFT). Afin de diffuser aussi largement que possible parmi les scientifiques les connaissances sur ce gène, l'Association SLA a organisé, en collaboration avec l'Association pour la DLFT, un symposium à la Nouvelle Orléans lors de la réunion annuelle de la ‘Society for Neuroscience’, le plus grand rassemblement de chercheurs en neurosciences au monde.

« C'est un moment palpitant pour la recherche sur la SLA et la DLFT, beaucoup de nouvelles questions émergeront dans le cadre de la recherche sur ce gène. » a déclaré le chef scientifique de l'Association SLA, Dr Lucie Bruijn. Son enthousiasme était partagé par les 170 chercheurs qui ont participé au symposium, nombre d'entre eux venant seulement d’entamer leurs activités dans ce domaine. Parmi eux figurent des chercheurs universitaires confirmés, des chercheurs du niveau postdoctoral, des représentants de l'industrie médicale et des médecins.

Intérêt mondial pour le gène C9orf72
Dr Rosa Rademakers, professeur de neurosciences à la Clinique Mayo de Jacksonville en Floride et codécouvreur du gène, décrit les progrès réalisés depuis la publication de la découverte du gène, il y a maintenant un an.

Le gène C9orf72, dont la fonction est encore inconnue, contient généralement un petit nombre d’une séquence de six nucléotides, dénommés CCCCGG. Les nucléotides sont les éléments constitutifs des gènes. Deux équipes de chercheurs, dirigées par Dr Rademakers et le médecin Bryan Traynor, ont annoncé fin 2011 qu'un grand nombre de cas de SLA familiale sont causés par l’accroissement important, cent ou mille fois plus, du nombre de cette séquence spécifique de six nucléotides.

Entretemps, des analyses détaillées de populations dans le monde entier ont démontré que l'augmentation du nombre de séquences CCCCGG dans le gène C9orf72 est responsable de près de 30 % des cas de SLA familiale en Amérique du Nord et de 44 % en Europe. Il est également présent dans environ 5 % des cas de SLA non-familiale dans le monde entier. C'est la cause la plus fréquente connue de la SLA. La même mutation est également responsable de 40 % des cas de DLFT.

Le Dr Rademakers remarqua également qu’environ 30 % des personnes atteintes de cette mutation présentent des symptômes de SLA et de DLFT, ce qui suggère que les deux maladies se trouveraient aux deux extrémités du même spectre (voir ci-dessous).

L'âge auquel les gens développent une SLA liée à la mutation de ce gène varie entre 27 et 83 ans. La mutation est principalement associée aux symptômes qui sont caractéristiques pour la SLA, mais certains patients développent également des symptômes ressemblant à la maladie de Parkinson (tremblements, mouvements lents, rigidité) et des troubles de la mémoire.

Toutes les personnes atteintes d’une augmentation héréditaire de la séquence CCCCGG ne développent pas effectivement la SLA, il s’agit donc d’une pénétrance incomplète. Il se pourrait que le nombre de répétitions diminue lors de la division cellulaire durant la croissance, mais il n'existe jusqu’à présent aucune certitude à ce sujet.

Recherche sur la propagation de la maladie dans le corps
Dr John Ravits, professeur en neurosciences cliniques à l'Université de Californie, San Diego, a expliqué un modèle qui pourrait décrire la propagation de la maladie dans le corps. Ce modèle tient compte d’importantes nouvelles découvertes sur un certain nombre de maladies neuro-dégénératives. Il remarque que, si la SLA et la DLFT ont été longtemps considérées comme distinctes, la découverte du gène C9orf72 et de l'accumulation de la protéine TDP-43 dans les deux troubles indique qu’elles sont plus que probablement deux variantes (phénotypes) différentes de la même maladie. Même la SLA présente différents phénotypes ; pour certains, la maladie débute dans les membres, tandis que dans d'autres cas, la maladie se manifeste d’abord dans la tête sous la forme de troubles de la parole et de la déglutition.

Dans le modèle du Dr Ravits, la maladie peut débuter à n'importe quel endroit du système nerveux central. Cet emplacement initial détermine les symptômes qui apparaissent en premier chez les patients atteints de la SLA ou de la DLFT. Dans de nombreux cas, la maladie s'étend ensuite aux régions adjacentes du système nerveux central, élargissant les symptômes. Par exemple, si la maladie commence dans les cellules nerveuses de la moelle épinière qui contrôlent la jambe droite, il est très probable que les cellules nerveuses qui contrôlent la jambe gauche seront touchées ensuite, car ces cellules sont voisines dans la moelle épinière. Avec le temps, la propagation devient plus complexe, vu le nombre croissant de zones affectées dans le système nerveux central.

Cette séquence de début localisé suivi d’une propagation de la maladie peut aider à expliquer pourquoi la plupart des phénotypes peuvent être causés par la plupart des gènes SLA. Avec le temps, des causes initiales différentes peuvent être suivies de propagations similaires, engendrant des symptômes comparables.

La manière dont la maladie se propage dans le corps n’est pas encore exactement connue, même si certains chercheurs pensent qu'une protéine repliée erronément (comme SOD1 ou TDP-43) dans une cellule nerveuse provoque aussi le repliement erroné de cette protéine dans le neurone adjacent. Ce phénomène est déjà constaté chez d'autres maladies neuro-dégénératives. Une meilleure compréhension de la propagation dans le corps de la maladie pourrait aider à élaborer des thérapies ralentissant ou arrêtant cette progression, freinant ainsi le développement de la maladie.

Le problème serait-il l'accumulation de l'ARN?
La Dr Clotilde Lagier-Tourenne a présenté ses recherches sur la façon dont la mutation du gène C9orf72 cause la SLA et la DLFT. Selon elle, la mutation d’un gène peut provoquer la perte de fonctionnalité de la protéine produite par ce gène. Il y a des indications que cela ce produit aussi chez le gène C9orf72, mais on ignore encore dans quelle mesure cette perte de fonctionnalité contribue à l'apparition de la maladie.

De plus en plus de données indiquent que la mutation a un effet toxique, pas directement liée à la protéine, mais à sa forme intermédiaire appelé ARN (acide ribonucléique). Avant de former une protéine, la séquence de l’ADN est utilisée pour former un ‘brouillon’ avec une autre molécule, appelée ARN. La surexpression dans le gène de la séquence CCCCGG conduit à la même surexpression dans la transcription ARN. Les scientifiques supposent que cette surexpression dans l’ARN est la cause ultime du problème.

La découverte d’agrégats d'ARN (appelés ‘foci’) dans les noyaux des cellules infectées en est une preuve. On suppose que ces foci sont de grands agrégats du C9orf72-ARN, au lieu d’être éliminés par les processus au sein de la cellule, restent accumulés et deviennent toxiques. Dans le laboratoire du Dr Lagier-Tourenne, des méthodes sont maintenant mises au point pour mieux étudier ces foci d’ARN, identifier leurs nouvelles caractéristiques et quels problèmes ils peuvent causer.

Indices venant de la dystrophie myotonique,
Une autre idée est issue de la recherche sur une autre maladie neurologique, la dystrophie myotonique. On sait qu’elle est due à une accumulation toxique de l'ARN. De nouvelles recherches ont identifié comment cette accumulation d'ARN provoque la maladie. Selon le Dr Maurice Swanson de l'Université de Floride, dans cette maladie les foci d’ARN piègent certaines protéines qui sont importantes pour le développement cellulaire. Cela provoque de multiples problèmes dans différents organes. Cette découverte est à la base du développement de nouveaux traitements pour la dystrophie myotonique.

Dr. Swanson précise qu’il sera essentiel, lorsque les chercheurs vont vérifier si les foci du C9orf72-ARN piègent aussi d’importantes protéines, de garder l’esprit ouvert : « ils trouveront sans aucun doute beaucoup de choses reliées aux agrégats d'ARN. Il faudra du temps pour déterminer ce qui est important et ce qui ne l’est pas. »

S'il s'avère que les agrégats d’ARN sont effectivement le problème de la maladie, une approche thérapeutique pourrait être d'éviter ces accumulations. Dr. Lagier-Tourenne a indiqué que les expériences préparatoires à cette approche ont déjà débutés, utilisant des molécules ‘antisens’ (avec une séquence d'ADN inversée) qui lient l'ARN et permettent au système immunitaire de la cellule de l’éliminer. Différentes équipes s’efforcent déjà de développer cette stratégie.

Selon le Dr Bruijn : « la découverte du gène C9orf72 a incité le monde scientifique à examiner comment cette mutation peut causer la maladie pour développer de nouveaux traitements. Nous sommes convaincus, qu’en suivant cette piste, nos connaissances sur ce gène nous aideront à finalement à développer un traitement efficace contre la maladie. »

 

Traduction : Fabien

Source : The ALS Association

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