Dokter David Yates écrit
12-01-2010
Dr Yates est un médecin généraliste à la retraite qui a été diagnostiqué avec la SLA. À l'époque de la Journée de sensibilisation SLA en juin, il a réussi à persuader plusieurs journaux de publier l'article suivant, en tout ou en partie. Félicitations, David !
«Mon neurologue très aimable et pourtant franc - un collègue et ami de 49 ans – avait tout à fait raison quand, après avoir confirmé mon propre diagnostic, il nous a dit que« la SLA est la pire façon de mourir ». La maladie a certes été un défi à notre caractère et endurance, mais elle n'a pas encore été sans moments plus légers. Il est important de continuer à affronter les défis - en gardant une attitude positive combinée d’activités physiques et mentales judicieuses - dans l'espoir qu'une percée dans le traitement puisse se produire de nos jours.
Stephen Hawking aurait affirmé qu'il n'y a que peu de couverture médiatique sur la SLA, surtout en comparaison avec, disons, la sclérose en plaques, mais le nombre de personnes touchées serait le même. Ces personnes souffrant de la SLA sont les meilleurs avocats de la lutte contre cette maladie. Or, beaucoup d’entre elles perdent la capacité de parler, le plus souvent déjà au début du processus. En conséquence, je suis motivé à utiliser maintenant le majeur dextre pour taper cet article, né de mes propres expériences, afin de contrebalancer quelque peu ce déséquilibre. Il s’agit d’une présentation terre-à-terre qui donne un aperçu de la vie dans une famille touchée par la SLA.
Parmi les maladies neurodégénératives qui attaquent les adultes, la SLA est l'une des plus courantes, agressant notamment des groupes de muscles spécifiques. Non affectés sont les sens comme le toucher, l'odorat et le goût, ni la cognition (à l'exception de 10%, qui développent une forme de démence.) L'incidence est de 1 ou 2 pour 100.000 personnes. Environ 10% des cas ont des antécédents familiaux.
Je me suis retiré de la pratique médicale pour des raisons de santé en 2000, ayant souffert pendant 9 ans de douleur chronique (SDC, niveau 15), après être renversé à vélo par une voiture. Une diminution nette de la douleur a été remplacée en mars 2004 par certains symptômes, plus tard identifiés comme le commencement de la SLA. Je considère que ce n’est pas un hasard. Brooking et ses collaborateurs ont constaté des niveaux élevés de glutamate dans le liquide céphalo-rachidien des patients souffrant du syndrome de douleur chronique, tout comme c’est le cas chez certains patients la SLA .
Le glutamate est le principal facilitateur de la transmission nerveuse normale. L'enlèvement de glutamate par l'intermédiaire de protéines de transport termine le signal d'excitation. C’est important car le glutamate en excès peut tuer certaines cellules nerveuses impliquées dans la transmission, par exemple quand les débris de protéines – comme le glutamate - s'accumulent autour du neurone moteur. Le ramassage de ces débris se fait par un certain enzyme. C’est dans cet enzyme que des chercheurs italiens ont récemment découvert une faille. Tout futur traitement devra donc stimuler la production de l'enzyme de nettoyage.
La SLA attaque des muscles spécifiques, en provoquant une élimination progressive de la gaine de myéline du neurone moteur supérieur et, dans certains cas, du neurone moteur inférieur. C’est ce qui provoque les fasciculations du muscle dénervé qui sont caractéristiques de la SLA et qui - du moins au début - ressemblent à un papillon battant des ailes sous la peau. Elle donne finalement le pas aux soubresauts de doigts et d’orteils, et même aux tracts de longs muscles. L’usage conscient des muscles ralentit inexorablement à un rythme glaciaire, avant de s'arrêter complètement.
En revanche, la plupart, sinon toutes les autres maladies n’affectent pas d’autres fonctions corporelles, comme la parole, le chant, le manger, la mobilité ou la dextérité. Le système nerveux à des difficultés à s’adapter à la progression de la maladie. Il n’y arrive en fait qu'en cas de stabilité ou d’amélioration, et donc jamais lors d’une dégénération de neurones. De plus en plus d’activités deviennent des tâches à effectuer l’une après l’autre et cela de façon consciente. Quant aux problèmes d'équilibre, ils sont causés par une rupture chronique dans la boucle de rétroaction entre les muscles périphériques et le système nerveux central (proprioception).
Avec l'ajout de la paralysie bulbaire (BP) - connu avant sous le nom de paralysie pseudobulbaire – vous transformez en quelque chose entre le bébé babillant et le sexagénaire sénile. (L’explication, c’est que déjà avec l'âge, le nombre de neurones moteurs recule progressivement.) La paralysie bulbaire est bien trop réelle, arrachant tout semblant de dignité par la perte du contrôle des émotions. Bien possible donc d’être heureux et de crier, ou d’être triste et de rire, ou encore un mélange des deux (!) - Donc, si vous m’entendez rire en réaction à ce que l’on vient de dire, ou à ce que je viens d’entendre à la télé, ou à quelque chose qui évoque chez moi des souvenirs, il se pourrait que je sois heureux ou triste, ou les deux en même temps ! La pitié ne fait qu'aggraver le tout ! La musique et le chant provoquent de fortes émotions et des souvenirs vivaces, de telle sorte que la paralysie bulbaire se trahit toujours.
La manière de s’alimenter des p atients de la SLA régresse de la nourriture normale, par les aliments mixés, à la perfusion par l'intermédiaire d’une sonde gastro-intestinale (la gastrostomie percutanée endoscopique). Pour eux, manger et avaler les repas, devient quelque chose de très antisociale, parce qu'ils sont obligés de se taire et de garder les yeux fixés sur le nombril, et tout cela dans le seul but de ne pas s’étouffer. En fin de compte, même avaler du mucus devient un gros problème, à cause des difficultés à tousser, si bien que souvent le mucus reste souvent à la hauteur des cordes vocales. Il faut alors inspirer assez fort pour permettre la seule entrée d'air dans les poumons, sans ravaler du mucus ou de la salive.
J'ai été très heureux que ma femme et, plus tard, notre fille, étant des cuisiniers superbes et aventureux, ont rendu plus appétissants mes repas, quand j’en avais besoin. De nos jours, je chéris surtout les souvenirs aux délicatesses savourées pendant plusieurs décennies de ma vie (y compris les expériences de cuisine pour lesquelles j’ai souvent été le cobaye volontaire). On apprend à se contenter de simplement regarder les autres pendant qu’ils dégustent de délicieux repas, mais parfois j’aspire tellement à des choses simples comme la bouillie, la cassonade, les pommes râpées, les noix ou la confiture faite maison, le pain grillé et le thé...
En utilisant les actuels moyens auxiliaires de communication afin de participer à une conversation, il y a toujours un décalage de 3 ou 4 minutes, si bien que les autres personnes présentes ont en général oublié le contexte de sa contribution tardive. On a alors à taper une explication, rien que pour constater que les autres ont déjà évolué à un autre sujet. J'ai fini par laisser de côté les appareils disponibles lors des conversations (à cause aussi de la voix numérisée incompréhensible) en faveur de ma voix d'ordinateur et de la saisie de texte prédictive de mon cellulaire.
J’estime que l’iPhone d’Apple pourrait être un bon dispositif de communication, surtout s’il était équipé d'une voix numérisée (Kiwi) intelligible, si bien que j'ai envoyé un courriel au grand patron d’Apple, M. Steve Jobs. Trois mois plus tard, je n'ai toujours pas eu de réponse. Pourtant, il y a de quoi gagner de l’argent, surtout quand on sait que le dispositif actuel coûte dans les environs de € 8000.
SLA nous empêche de parler avec la famille et les amis, même pas en guise de fermeture de la vie avec eux. Songez aussi au partenaire valide, qui n’a peut-être pas, ou pas assez de parents, qui puissent l’aider, et qui doit donc assumer non seulement ses travaux domestiques habituels, mais en plus ceux du partenaire malade, ainsi que le rôle de soignant, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours de la semaine. Je les salue comme les héroïnes et les héros de SLA, tout comme les chercheurs et les divers organismes d'aide. "
(traduction faite en mémoire de notre regrettée Simona Missinne, par un petit-fils)
Source: Newsletter MND New-Zeeland