Interview Jo De Cock (INAMI)

21-09-2012

La Ligue a rencontré Jo De Cock, administrateur général de l’INAMI

Les personnes atteintes de SLA connaissent déjà bien l’INAMI car pour beaucoup de problèmes pratiques de taille, vos services font déjà la différence. Ainsi votre rôle dans la procédure accélérée qui permet d’obtenir un fauteuil roulant dans les 30 jours est fort apprécié. D’autres initiatives de ce type soutenues par l’INAMI sont‑elles en chantier ?
En effet. Nous préparons actuellement un projet spécifique pour les personnes atteintes de SLA afin de mieux organiser encore le réemploi de dispositifs médicaux (aide à la mobilité et à la parole). Il doit être structuré et centralisé pour que les patients ne se heurtent plus à de multiples problèmes administratifs dus au morcellement des compétences entre diverses instances.  Notre apport financier et l’investissement de la Ligue SLA doivent permettre de réagir rapidement en cas de maladies dégénératives à évolution rapide. De même, des procédures flexibles impliquant des démarches administratives réduites au strict minimum doivent pouvoir être utilisées pour répondre aux besoins concrets immédiats. Un système de location, auquel participeront les centres de référence des maladies neuromusculaires, sera mis au point avec l’aide des fonds communautaires au service des personnes souffrant d’un handicap. Le dossier se trouve actuellement au niveau interministériel. L’idéal serait que finalement, un seul responsable politique prenne cette problématique à cœur, par exemple le Secrétaire d'État aux Affaires sociales, aux Familles et aux Personnes handicapées, Monsieur Courard. J’aimerais que ce dossier soit bouclé avant la fin de l’année.

Le vœu le plus cher des personnes atteintes de SLA est qu’un médicament efficace contre leur maladie soit trouvé. Le cas échéant, l’INAMI est‑il prêt à l’enregistrer rapidement pour qu’il puisse être commercialisé et remboursé ?
Nous étudierons tout d’abord le statut de ce médicament. S’il est qualifié de médicament orphelin, une procédure spécifique sera appliquée. Sinon, la méthode de remboursement classique devra être utilisée. En tout cas – cela figure même dans l’accord de gouvernement – l’INAMI accordera la priorité aux médicaments répondant à des besoins médicaux criants, par exemple aux médicaments qui permettent de sauver des vies ou qui offrent à tout le moins une forte plus‑value pour certaines pathologies rares. Cela signifie que dès que le médicament aura reçu l’agrément européen – et parfois même avant, alors que l’enquête pour l’enregistrement est encore en cours – il sera rapidement mis à disposition en Belgique moyennant le respect de conditions médicales strictement encadrées. L’INAMI suit de près les évolutions médicales en la matière mais gardons‑nous de susciter trop d’espoir. En effet, une annonce par une firme pharmaceutique peut être en premier lieu destinée à ses organismes financiers.

Il y a quelques années, l’Agence européenne des médicaments (EMA) a lancé un programme de désignation d'un médicament en tant que médicament orphelin (Orphan Designation) pour intensifier la recherche dans le domaine des médicaments orphelins. La Ligue SLA a l’impression que cette initiative s’estompe quelque peu. 
Je ne pense pas que ce soit le cas. L’EMA fait encore du bon travail dans ce domaine. Les différents États membres de l'Union européenne continuent dans le même sens en élaborant un plan européen fondamental pour les maladies rares.  La Fondation Roi Baudouin s’est chargée de la rédaction du volet belge de ce plan, que l’INAMI a approuvé. Même si les médias en ont peu parlé, le débat sur les maladies orphelines n’est pas terminé. Bien au contraire ! Elles font aussi clairement partie des objectifs politiques du prochain gouvernement qui devra prendre des initiatives en la matière. En 2013, la Belgique devra faire savoir à l’Europe quels efforts elle a déjà consentis en matière de maladies rares et comment elle pense poursuivre la concrétisation du plan. A ce sujet, l’INAMI désire par exemple financer de nouveaux centres de référence pour des maladies orphelines non encore  prises en charge par des centres. Nous transposons ainsi les bonnes pratiques des centres de référence des maladies neuromusculaires pour les personnes atteintes de SLA à d’autres groupes cibles. 

En Belgique, la législation sociale est généralement bien structurée. Pourtant, on constate régulièrement des lacunes qui touchent les personnes atteintes de SLA. Ainsi pour l’instant, on ne sait pas encore avec certitude si l’implantation d’un système de stimulation du diaphragme peut être remboursée.
Dans de tels dossiers nouveaux pour nous, c’est surtout la formulation de l’indication pour l’intervention qui compte. S’il y a assez de preuves cliniques, nous pouvons accorder un remboursement conditionnel, via le Fonds spécial de solidarité par exemple. Néanmoins, les procédures pour des applications novatrices ne sont toujours pas simples. Les pionniers doivent toujours démontrer clairement la valeur ajoutée de leur produit. L’INAMI peut lancer des projets pilotes pour vérifier objectivement si le remboursement est indiqué. Parfois aussi des patients s’adressent à nous pour se faire rembourser une thérapie ou une intervention alors qu’on en est encore à la phase de test clinique dans un hôpital universitaire. La plus‑value médicale réelle n’étant pas encore prouvée à ce moment‑là, une certaine réserve ou en tout cas de la prudence s’impose.

Pour les patients, il est regrettable que certains médicaments ou certaines applications médicales, produits par des firmes américaines, ne soient pas testés ni commercialisés en Europe.
Généralement, la firme prend ces décisions en fonction d’un modèle commercial ou d’une politique éthique. Tout bien considéré, la situation reste parfois un peu bizarre.  Parfois, l’homologation par l’Administration américaine pour les aliments et les médicaments (FDA Approval) est suffisante pour la firme.

Les pouvoirs publics encouragent l’utilisation des médicaments génériques. Ce choix est‑il purement budgétaire ?
La motivation est plutôt double. Bien entendu, nous souhaitons faire jouer la concurrence via  l’utilisation de médicaments de qualité moins chers que l’original. Ceci permet de dégager une marge budgétaire pour rembourser des médicaments novateurs coûteux, par exemple de nouveaux traitements contre le cancer à base d’anticorps. Il serait donc faux de dire que l’INAMI ne s’intéresse qu’aux médicaments génériques et pas aux médicaments spécialisés de l’avenir.

Le secteur pharmaceutique où les frais de recherche et développement sont de plus en plus sous pression s’inquiète néanmoins de la rentabilité. Dans quelle mesure des firmes innovantes peuvent‑elles encore investir dans des produits destinés à un petit groupe cible comme celui des patients atteints de SLA ?
Certes les frais de recherche augmentent mais je pense que là aussi, il est possible d’accroître l’efficacité. En fait, la grande question est : « quel est le coût du retour sur investissement ? » Il faudrait créer la transparence qui s’impose à ce sujet. Parfois la firme ne dispose que d’un seul produit pour amortir les frais élevés de recherche et développement. S’ajoute à cela le fait que, généralement, elle collabore avec d’autres firmes si bien que les bénéfices potentiels doivent être répartis entre elles. Le gouvernement soutient la recherche sur les médicaments à l’aide d’incitants. Une question fondamentale se pose toutefois : est-ce à l’assurance maladie de supporter le coût des amortissements de la recherche et développement ?

Nous devons nous concentrer sur les médicaments destinés à satisfaire des besoins prioritaires, par exemple les médicaments contre la SLA ou des cancers encore incurables. Nous devons aussi remettre en question notre mécanisme de financement actuel qui rembourse produit par produit. Le vieillissement de la population engendrera bien entendu une hausse des dépenses pour l’assurance maladie. Les taux de croissance que nous avons connus par le passé ne sont toutefois pas tenables. Des choix doivent donc être faits. Nous devons non seulement investir dans la maîtrise des prix mais aussi encourager un usage rationnel des médicaments.

En Belgique, le secteur pharmaceutique est un grand pourvoyeur d’emplois mais là aussi, un changement s’impose. Dans quelle direction selon vous ?
L’ère des produits vedettes est révolue. Le développement de nouveaux médicaments destinés à être produits en masse est une pratique qui tend à disparaître. Je prendrai comme exemple Lipitor, un médicament efficace pour réduire le taux de cholestérol, qui perdra bientôt son brevet. Actuellement, ces médicaments vedettes sont encore produits en grandes quantités mais on ne peut plus parler de production massive comme autrefois. Nous évoluons vers des médicaments  spécialisés, produits à l’aide des biotechnologies par exemple. Les médicaments anti-TNF pour les patients atteints de rhumatismes font une percée dans ce domaine.  Ils ne sont plus destinés à des millions de patients mais plutôt à des milliers. Or on sait que ces médicaments ont une valeur ajoutée pour la qualité de vie et permettent aux patients de continuer à participer à la vie en société. Dans le domaine des médicaments contre le cancer aussi, nous nous dirigeons vers une approche davantage personnalisée en fonction des caractéristiques génétiques du patient.

Vous venez de parler de qualité de vie. L’INAMI collabore‑t‑il aussi à des initiatives en la matière ?
La qualité de vie est essentielle pour les patients, surtout s’ils souffrent d’une maladie incurable comme la SLA. La résidence de soins Middelpunt que la Ligue SLA utilise pour permettre à des patients atteints de SLA, à leur famille et leurs amis de venir se reposer à la mer est une belle réalisation que l’INAMI soutient entièrement. C’est un exemple de soins sur mesure dans un environnement adapté. À l’avenir, nous allons devoir nous concentrer sur ce type d’initiatives plutôt que sur les mesures non modulables d’autrefois. Notre système de soins doit aussi devenir beaucoup plus flexible. Un fauteuil roulant sera utilisé totalement différemment par le patient selon que celui‑ci a perdu ses jambes à la suite d’un traumatisme ou qu’il est atteint de SLA et souffre de paralysie musculaire dans tout son corps.

N’oublions pas non plus les aidants proches : s’occuper jour après jour d’une personne atteinte de SLA représente une lourde charge émotionnelle. Pour eux aussi, il est important de pouvoir souffler un peu dans la résidence de soins.

L’INAMI a dès lors aussi insisté auprès de la ministre Onkelinx pour qu’elle dégage un budget de fonctionnement pour cette résidence de soins. Avoir compté une personne atteinte de SLA parmi nos collaborateurs nous a beaucoup motivés. En outre, dans mon cercle d’amis, une personne est décédée de cette maladie.

Nous pouvons d’ores et déjà vous annoncer que la construction de la résidence de soins se déroule comme prévu. L’ouverture est programmée en juin 2013, nous vous y invitons cordialement.
Pour conclure, j’espère que notre entretien montre que l’INAMI se soucie de la qualité des soins que nos concitoyens sont en droit d’attendre de la société. Qu’ils sachent que la majorité des moyens sont bien utilisés, notamment pour des projets tels que celui de la Ligue SLA.

ALS Team

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