Rien à perdre

21-02-2005

Publication: N°. 04 – le 28 janvier 2005

Auteur: G.J. BOER

Pages: 150-151

Opinion

Patients SLA subissent neurochirurgie chinois controversée

Un médecin à Beijing qui introduit des cellules souches dans le cerveau de patients SLA. Quelques patients hollandais ont subi l’opération et leur réaction était positive. La rubrique télévisée Netwerk a fourni des informations, mais elle a fautivement renseigné tant les patients que le public. Quelle est la vérité ?

‘Le docteur Huang Hongyun: héro ou charlatan?’, voilà le thème de l’émission télévisée ‘Netwerk’, du mercredi 5 janvier. L’Hollandais Ardi Bouter, qui souffre de la maladie de sclérose latérale amyotrophique (SLA), parle de sa maladie et rapporte de son voyage à Beijing pour un traitement qui consistait à injecter des cellules souches dans son cerveau. Des histoires tristes sur cette maladie neurologique détruisante et (jusqu’à présent) incurable, qui élimine en quelques années le contrôle sur les muscles, et des réactions positives sur le traitement d’Ardi, retourné aux Pays-Bas, et de patients dans l’hôpital du docteur Huang, juste après l’opération neurochirurgique. Et l’histoire d’une deuxième patiente hollandaise, Loes Claerhoudt, qui est partie pour Beijing pour le même traitement. Pour le moment, elle est en Chine, d’après le weblog sur son site web www.loesclaerhoudt.nl .

En tant que scientifique en neurologie, actif dans le domaine de la réparation de tissus de nerf endommagés ou dégénérés avec des implantations cellulaires, j’ai regardé l’émission avec un étonnement grandissant. Je dois conclure que Netwerk s’est trompé et qu’il a fourni des informations et des interprétations fautives. En plus, ce qui est encore plus important, l’émission n’a pas réussi à mettre correctement au jour l’espoir des patients sur une guérison. J’aurais choisi le titre suivant pour l’émission : ‘Le Docteur Huang Hongyun: héro et charlatan !’.

Des cellules couches

Le traitement du docteur Huang est surtout basé sur différentes études avec des rats de laboratoire, qui manifestent un rétablissement limité de la fonction de la patte avec l’implantation de cellules de support olfactoriques cultivés (en anglais, olfactory ensheating glia cells, OEG’s) à l’endroit de la lésion expérimentale de la moelle épinière. Les cellules fournissent dans la laesie un petit pont sur lequel l’excroissance des trajets de nerf affectés est stimulée. Huang a appliqué ce travail d’autres personnes directement dans la clinique et entre-temps il a traité de cette façon environ 400 patients chinois et étrangers avec une laesie.

Le docteur Hunag n’implante pas de cellules souches (qui pouvaient devenir de nouveaux neurones), comme on le disait dans l’émission télévisée, ni des neurones provenant de foetus, comme substitution. Dans l’émission le docteur Huang parle en anglais de l’usage de cellules qui doivent stimuler la survivance ou la croissance de neurones endommagés. Il ne parle donc pas de l’usage de cellules souches, comme on le suggérait dans le commentaire et dans le sous-titrage de l’émission. Le docteur Huang utilise le tissu du centre d’odorat du foetus humain, qui contient beaucoup d’OEG.

La tenacité avec laquelle on parle d’implantations de cellules souches foetals humains, reste présente aux sites web des patients, partiellement à cause des informations fautives provenant de Chine. Pour le groupe de patients laesie opérés, le docteur Huang constate des améliorations des fonctions du toucher et du mouvement, mais il ne dispose pas d’une justification scientifique à ce sujet. Les histoires sur des améliorations avec des implantations OEG sont de nature anecdotique. On les retrouve aux pages des forums de discussion des patients laesie occidentaux, qui sont opérés par le docteur Huang (www.carecure.com). Au même site, on retrouve les premiers annoncés sur des injections OEG chez des patients SLA, appliquées une centaine de fois par le docteur Huang. Les premiers patients SLA ont reçu un implant de cellule foetal humain dans la moelle épinière. Actuellement, le docteur Huang injecte ces cellules dans le cerveau. Et de nouveau, il constate des rétablissements : ‘On a déjà gagné beaucoup lorsque le patient peut vivre plus longtemps’.

Inexplicable

Pour beaucoup de patients, le docteur Huang est un héro, qui donne de l’espoir grâce à son traitement. Selon certains patients, les médecins occidentaux sont trop prudents en ce qui concerne les patients laesie ou SLA qui n’ont plus rien à perdre. Ceci vaut en tout cas pour les patients SLA, opérés par le docteur Huang, qui ont consciemment opté pour ces injections avec des OEG et qui expliquent leur choix par ‘d’autres perspectives de la vie et de la mort’ et par ‘ne plus rien avoir à perdre’. Quel est le véritable arrière-plan?

En cas de SLA, les grands neurones de l’apparat de mouvement se détériorent progressivement. Selon le docteur Huang, les OEG doivent aider ces neurones à survivre, et peut-être même inciter à rétablir leur fonction. Toutefois, il n’y a aucune évidence pour cela dans le domaine neuroscientifique. L’implantation dans la moelle épinière serait sans doute une approche pour préserver les neurones moteurs pour la dégénération, mais cela ne vaut certainement pas pour l’implantation d’OEG dans le cerveau de patients SLA. L’implantation loin de l’endroit où se trouvent les neurones atteints de la maladie, n’est pas logique et ne sert à rien. On le fait plutôt partant du point de vue : ‘on ne risque rien à essayer’.

Biologiquement, l’effet directe, décrit par Ardi Bouter pendant l’émission de Netwerk, est complètement inexplicable. Les cellules foetals implantés doivent se nicher, doivent être activés et doivent exécuter leur fonctionnement présupposé mais inconnu. Le développement prend du temps, tout comme le développement foetal peut aussi prendre des semaines ou des mois avant que les cellules grandissent. Alors le docteur Huang ne sait pas non plus si les OEG survivent. La suppression d’immunité n’est pas donnée, et il est probable que les cellules meurent rapidement à cause du rebondissement du tissu, un problème qui se présente aussi lors de transplantations d’organes.

Il n’y a donc aucune raison pour injecter des OEG dans le cerveau de patients SLA comme thérapie utile, surtout parce qu’il y a un manque de documentation détaillée des effets de rétablissement à court et à long terme. Un traitement médicale sans compréhension du fonctionnement et de l’efficacité, et contre paiement, c’est de la tromperie. Même si l’intention est bonne.

Une opportunité ratée

Une émission telle que celle de Netwerk, un programme prime-time regardé par beaucoup de téléspectateurs, a raté une opportunité pour traiter ce sujet correctement. Il ne suffit pas d’annoncer dans l’introduction qu’il s’agit ‘d’une méthode très controversée dans le monde occidental, qui n’a pas connu de recherches préalables’. Il faut aussi expliquer pourquoi la méthode est controversée, en fournissant des informations correctes. On retrouve ces informations partiellement via le lien cliquable sur le site web de Netwerk. (http://www.netwerk.tv).

Qu’il ne s’agit pas de l’implantation de cellules souches, mais de l’usage de préparats OEG de foetus avortés, est quand même le minimum à savoir. Des infos de la science médicale dans l’actualité : impossible de croire ou de comprendre. Mais dans ce cas, tant le patient désespéré que le public sont attrapés.

Gerard J. Boer, scientifique en neurologie, département de Neurorégénération, Institut Néerlandais pour des recherches de cerveau, Amsterdam.

Adresse de correspondance : g.boer@nih.knaw.nl

 

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