Questions - réponses avec Jeff Rothstein
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Jeff Rothstein, directeur de Packard, évoque l'état actuel de la recherche SLA et le rôle de Packard.
Jeff Rothstein, fondateur et directeur du Robert Packard Center for ALS Research à Johns Hopkins
1. Pourriez-vous expliquer l’évolution du Centre Packard depuis sa création ?
Packard est un consortium conçu pour observer des patients et étudier des nouveaux gènes découverts par d'autres en construisant des modèles de la maladie et en les utilisant pour comprendre pourquoi la SLA se produit, ce qui endommage le corps au niveau cellulaire, et trouver des moyens d'arrêter la maladie. Des scientifiques ont utilisé ces informations pour étudier les biomarqueurs afin de diagnostiquer plus tôt la maladie et de déterminer si certains médicaments fonctionnent pour les patients SLA.
Le Centre Packard s'est développé pour inclure un réseau mondial de scientifiques précliniques et cliniques au cours de ces 12 dernières années. Ces chercheurs ont construit de nouveaux modèles animaliers SLA et ont proposé de nouveaux médicaments pour des essais cliniques SLA. Ces modèles animaliers aident à déterminer quels éléments du système nerveux sont affectés par la maladie et à identifier les sous-types potentiels de patients SLA. D'autre part, les chercheurs de Packard ont aidé à développer le réseau d'essais cliniques afin que nous puissions partager les connaissances acquises avec les patients.
2. 12 ans plus tard, quelles sont, selon vous, les grandes réalisations du Centre?
Packard est un multiplicateur pour la recherche. Lorsqu'un chercheur SLA construit un outil, il peut l'utiliser. Cependant, s'il s'agit d'un modèle performant, des milliers d'autres scientifiques utiliseront aussi cet outil. Si nous commençons à petite échelle et de façon ciblée, nous sommes par contre très stratégiques sur la construction d’outils dont tout le monde a besoin pour comprendre la SLA. C'est l'une des choses les plus utiles que nous puissions faire.
Partout dans le monde, d'autres scientifiques et sociétés pharmaceutiques utilisent les outils que nous construisons pour aider à trouver des réponses à la SLA. Découvrir un nouveau chemin vers un moyen pour les autres est vraiment important. Aucune personne isolée ne trouvera la réponse à la SLA - la maladie est beaucoup trop complexe. Vous avez besoin d'équipes pour parvenir à cela. Donc, si vous pouvez construire quelque chose que plusieurs équipes peuvent utiliser, vous pouvez multiplier les chances de réussite à trouver enfin une réponse.
3. Comment aimeriez-vous voir évoluer le Centre au cours de la prochaine décennie?
Personne ne peut prédire la science. C'est impossible. Il y a un an, nous n'aurions jamais su que la découverte du gène le plus important de la SLA serait publiée en novembre. On n'aurait jamais pu prévoir cela. Maintenant, les scientifiques ont besoin , sur base de cette découverte, de développer rapidement de nouveaux outils que d'autres pourront utiliser pour comprendre la maladie. Packard a besoin de construire une base solide pour la recherche afin que nous puissions rapidement suivre les clés quand elles seront découvertes et publiées. Plus nous utilisons d'outils et plus nous sommes efficaces pour les transmettre aux patients, et mieux les patients se porteront.
Aujourd'hui, cela signifie que nous devons mieux comprendre les sous-types de patients et réaliser que tous les patients ne sont pas les mêmes. Nous avons découvert des moyens qui aident à identifier ces sous-types. Comme pour le cancer, tous les médicaments ne fonctionneront pas pour tous les patients. Nous devons être en mesure d’identifier les bons sous-ensembles pour les bons médicaments une fois qu'ils seront développés. Cela viendra de l’usage d'imagerie et de biomarqueurs.
4. Pouvez-vous nous en dire plus sur l'état actuel de la recherche SLA ?
Depuis que j'ai débuté dans la recherche SLA, le domaine est plus actif que jamais. Plusieurs gènes ont été découverts au cours des dernières années, le c9ORF72 en étant probablement le plus important, représentant près de la moitié de la SLA familiale et 10% des cas sporadiques.
L'autre découverte importante est la reconnaissance que des cellules non-neuronales telles que les cellules gliales participent au processus de la maladie. Comprendre cela nous a donné de nouvelles cibles pour la recherche de médicaments et pour les approches d'imagerie de la SLA. Le domaine le plus prometteur à court terme est probablement la recherche sur un type de cellule que nous n'avions jamais lié à la SLA auparavant, appelé oligodendroglia. C'est important non seulement parce qu'elle nous donne une meilleure compréhension de la maladie, mais parce que d'autres compagnies pharmaceutiques ont déjà développé des médicaments ciblant ce type de cellule, pour un maladie complètement différente de la SLA. Les ressources et les médicaments qu'ils ont déjà mis au point pourraient nous être utiles.
5. Comment la découverte du gène C9 a-t-elle changé la recherche sur la SLA? Quel impact cela aura-t-il?
On n’avait jamais vu cela pour une autre maladie neurodégénérative. Une mutation détectée dans un grand pourcentage de ce qui était considéré comme des cas sporadiques. C'est un élément clé pour la grande majorité des patients atteints de SLA. Le changement dans la recherche est en cours, même si nous n'avons pas encore vu son résultat parce qu'il faut du temps pour passer de deux publications à toutes les études de suivi nécessaires.
Packard a mis sur pied une équipe de chercheurs pour s'attaquer à ce nouveau gène, dès la publication. Comprendre ce gène sera difficile en raison de la nature complexe de ce défaut. Le défaut dans le gène est très semblable à une mutation dans une autre maladie, différente de la SLA, la dystrophie myotonique. Ainsi, nous pourrions bénéficier des progrès réalisés dans ce domaine, en particulier grâce à l'utilisation de l'approche d'inactivation des gènes et de la thérapeutique. C'est aussi le premier cas où les cellules souches s'avéreront des outils exceptionnellement utiles pour la découverte de médicaments.
6. Quelles sont les prochaines étapes de cette découverte génétique?
Tout d'abord, nous devons commencer à construire des modèles autour du gène C9ORF72 afin de comprendre comment un défaut dans ce gène endommage le système nerveux. Nous devons également développer toutes les lignées de cellules souches, pour que des souris développent la maladie, mais aussi des cellules humaines. Comme nous l'avons fait dans le passé, nous devons construire les bases de ces outils. Ces outils sont la première étape vers la compréhension de la maladie. Nous pouvons les utiliser à Packard et les prêter à d'autres personnes qui étudient pourquoi le C9ORF72 est si toxique.
Nous voulons également trouver des moyens d'identifier les patients atteints de cette mutation au début de leur maladie, et de les suivre. Et bien sûr, nous voulons développer des thérapies, et c'est l'une des premières choses à laquelle nous avons commencé à travailler: des thérapies qui se concentrent spécifiquement sur C9ORF72.
7. Notre sous-titre est "L'espoir réside dans la science", en tant que clinicien et chercheur, que diriez-vous à un patient qui vous demanderait ce qu’il peut espérer?
Il y a plus de ressources et d'essais cliniques dans la SLA que jamais auparavant. Ce sont des étapes qui nous rapprochent de la thérapie, et les thérapies sont ce que tous les patients veulent. Je crois que les ressources de base de Packard, et la nature collaborative et partagée du Centre, font en sorte que la science progresse plus rapidement et s’adresse plus rapidement au public. La grande majorité des essais cliniques sur la SLA sont fondés sur la recherche Packard. Cela montre l'impact du Centre Packard dans le chemin de ces thérapies vers les patients.
Traduction : Fabien
Source : Packard Center