Johan Verhulst

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Johan VerhulstJohan Verhulst, près de 60 ans, est heureux en ménage avec sa femme, Katelijne Meulebrouck, et le papa de Sophie, Tom, Nele et Joke et un fier grand-père de 3. Comme ébéniste, Johan a été instructeur dans le VTI à Roeselare, et de plus il était menuisier indépendant à titre complémentaire. Comme véritable travailleur acharné, il soignait avec passion son jardin, sa maison, son potager et ses agneaux bien aimés. Jusqu’au moment où il s’avérait que soudainement des choses de tous les jours comme nouer des lacets, fermer une veste à fermeture éclair ou brancher une ampoule ne réussissaient plus. Après une année et demie d’examens tomba alors le verdict définitif : ‘’SLA’’.

Avec quels symptômes es-tu allé en premier chez le docteur ?
Soudainement, j’avais en un court laps de temps trois fois une syncope (s’évanouir), avec à chaque fois une hospitalisation, mais les docteurs ne pouvaient alors pas poser de diagnostic. 

J’ai raconté au neurologue que je voyais dans mon bras beaucoup de contractions musculaires (vibrations). Le neurologue me posait alors des questions concernant ma motricité fine et oui, j’avais déjà souvent constaté que je ne savais plus déboutonner ma chemise. Et, parfois, je laissais tomber tout à coup quelque chose. Je ne savais plus bien nouer les lacets de mes chaussures et, par commodité, je laissais mon manteau toujours ouvert (la fermeture éclair était notamment un obstacle).

Lors du placement de nouvelles portes, et que je voulais ajuster celles-ci, je ne pouvais plus faire cette opération avec mes doigts. J’ai paniqué et j’ai appelé mon ami pour venir m’aider. Cela ne m’était jamais arrivé auparavant…

Tous ce que je voulais faire où mes bras devaient aller au-dessus de mes épaules (boîte dans armoire, changer une lampe) n’allait plus, à chaque fois j’étais en larmes par ce que je ne comprenais pas : ‘’Pourquoi je ne réussis plus à faire cela ?’’

Le neurologue faisait toutes sortes d’examens et il y avait de petits signaux de faiblesse musculaire. Ensuite, il y avait les scanners (EEG, MRI, RX, PET scan) mais il n’y avait toujours pas de diagnostic possible. Cette incertitude et cette ignorance pèsent pas mal sur toi-même et sur ta famille. Finalement, suivait une redirection pour le professeur Debleecker.

Lors de la première visite au professeur Debleecker, j’ai été placé au pied levé en congé de maladie (travailler avec des machines est bien trop risqué). Il ferait tout son possible pour chercher la cause de ma maladie. Suivait alors une période d’un an et demi d’examens avec, entre autres, une cure à la cortisone (médrol), des perfusions (RITUXIMAB), plusieurs examens sanguins, des tests du tonus musculaire par l’intermédiaire de beaucoup d’hospitalisations… Le diagnostic SLA a surtout été posé en cochant sur une liste de contrôle ce que je n’avais pas.

Aucune cure n’a aidé (suffisamment) et l’année passée, en janvier 2019, tomba le verdict définitif : SLA.

Quelle était ta première réaction ?
Ma première réaction était celle d’incrédulité : ‘’Cela ne peut être vrai, cela ne peut m’arriver, pourquoi cela me doit-il arriver ?’’ Pourtant, j’ai toujours vécu sainement et travaillé beaucoup et dur ? 

Parce que le diagnostic se faisait si longtemps attendre, beaucoup de personnes compatissaient avec nous. Mais, malheureusement pour eux, c’était également un choc. Toutefois, il y avait également des personnes qui montraient de l’incompréhension, ‘’comment cela peut maintenant être tellement difficile de poser un diagnostic ?’’, ‘’est-ce qu’il est vraiment malade ?’’. Mais, heureusement, ceci n’était qu’une minorité.

Est-ce que tu avais déjà entendu parler de la SLA ?
Non, je ne connaissais pas la maladie. Au moyen de Google nous avons cherché nous-mêmes de l’information. Mais la plus grande partie des réponses et les réponses les plus claires venaient du professeur Debleecker et du NMRC (UZGent) pendant les visites de contrôle, où beaucoup de temps était consacré à nos questions.

Une fois affilié à la Ligue SLA, on entre en contact avec d’autres compagnons d’infortune, et on peut leur demander conseil concernant le cours de la maladie et beaucoup de conseils pratiques. Chaque patient SLA a bien sa propre histoire, grandement unique: recevoir le diagnostic, ainsi que le cours et le développement de la maladie constituent pour chaque patient un unicum.

Comment la maladie a-t-elle changé ta vie ?
Du jour au lendemain, on m’a pris mon travail, mes collègues, mes étudiants, mon travail complémentaire et donc ma vie actuelle. Avant, je n’avais pas le temps, et brusquement j’avais tout le temps du monde. Avant, je pouvais tout faire avec mes mains, et maintenant plus rien. Avant je pouvais aller n’importe où, maintenant je restreins les sorties en voiture au strict nécessaire (faire des courses, famille).

La solitude se faisait sentir, mon épouse travaille encore et j’ai passé des heures à regarder par la fenêtre. Après les cures de perfusion, je retrouvais un peu de force, ce qui me faisait sortir un peu plus. Tout doucement, j’ai rebâti un réseau d’amis qui venaient se promener chaque semaine avec moi ou boire un bon café. Des personnes formidables, d’ailleurs !

J’ai toujours aimé prendre soin des animaux (oiseaux, lapins, agneaux, poules,…), mais, à cause de ma maladie, je ne pouvais pas m’occuper suffisamment d’eux (p.ex. apporter du foin, des seaux d’eau,…). Heureusement, il y a mes voisins qui m’aident dans ces besognes, ce qui me permet d’être encore tous les jours auprès de mes agneaux. Entretemps, nous avons 6 brebis et cela me rend heureux.

Pour le moment, je suis encore capable de conduire une voiture, et c’est pour cela que je fais encore les petits déplacements : les courses, aller en visite chez maman et ma belle-mère dans le home. Me promener avec Rosa (ma nièce) et les amis. Je rends plus souvent une visite aux voisins et je délivre les journaux d’information du Gezinsbond de Tielt dans mon voisinage. La musique est d’une importance capitale pour moi. Si possible, je vais encore de temps en temps à une représentation. Ce que je veux absolument encore faire c’est un voyage vers les fjords nordiques!

Comment les membres de ta famille et tes amis s’y prennent-ils ?
Avant, nous avions beaucoup de visites à la maison, et maintenant il n’en est pas autrement. Tout le monde est bien venu pour un brin de causette et entretemps, il y a déjà toute une série d’aidants fermes qui passent chez nous. D’autres prennent soin de me combler la journée par une promenade active et agréable avec, en complément, des conversations qui font du bien.

Dans une fraction de seconde, mes petits-enfants peuvent faire apparaître un sourire sur mon visage! Une de mes filles fouine dans les articles dans l’espoir qu’ils lanceront bientôt une nouvelle étude clinique avec un remède freinant. Elle a grand espoir dans l’évolution de la science, le research.

En 2018 et 2019, nous nous sommes engagés, ensemble avec la famille/amis, pour la Ligue SLA dans le cadre de la semaine la plus chaude. Ceci a également apporté de la solidarité et un chaud au coeur pour moimême que tant de gens me soutiennent. C’était pour les amis/la famille alors une fois vraiment un moment qu’ils pouvaient faire quelque chose pour moi. Cette année aussi, nous nous engageons à nouveau pour une action concernant la SLA pour la semaine la plus chaude ! Cela me change les idées.

Que trouves-tu le plus difficile à vivre avec la SLA ?
Il est difficile de sentir que je m’affaiblis tout doucement, constater à chaque fois que certaines choses ne sont plus possibles. La peur pour l’avenir. Il est difficile que l’on connaisse encore si peu concernant la cause de la maladie et de son cours. Ceci entraîne des questions comme : comment ai-je attrapé cela ? A quelle allure vais-je me détériorer et trouvera-t-on bientôt un médicament qui peut aider ?

Qu’est-ce qui te donne du courage ?
Le fait d’être encore capable de marcher et de bien parler (c’est tout de même ce que j’entends parfois de la famille). J’essaie de combler le temps aussi bien que possible et surtout, j’essaie de regarder l’avenir d’une manière positive. Je peux et j’ose parler avec tout le monde de ma maladie. Je fais les courses, autant que possible, moi-même et, comme client assidu, les marchands ou caissières savent déjà que j’ai besoin d’aide et me l’offrent spontanément.

‘’Vivez comme si c’était votre dernier jour.’’ J’essaie de profiter au maximum de tout ce qui donne une force positive à ma vie : une causette agréable, un câlin, une sortie, un bon verre de vin rouge et de la musique. Je peux vraiment jouir de la présence des personnes autour de moi. Mon épouse, mes enfants et leurs partenaires, et mes trésors de petits-enfants sont très importants dans ma vie, ils sont vivement concernés. Leur vie est également changée, mais surtout celle de ma femme, qui me montre vraiment qu’elle me soutient contre vents et marées pour le meilleur et pour le pire. J’ai également encore d’autres membres de la famille dont je reçois beaucoup d’amitié et de soutien.

Quelle est l’importance de la Ligue SLA pour toi ?
Nous avons eu un premier contact avec la Ligue SLA lors de la bourse REVA à Gent (Gand). J’y suis allé avec Katelijne, surtout par curiosité. Nous voulions bien savoir ce que cette organisation faisait pour les personnes avec la SLA. Nous avons été aimablement reçus par Mia, Kirsten et Danny. Ce jour, nous avons vu en fait pour la première fois des personnes qui étaient déjà dans un stade plus avancé de la maladie et cela était vraiment un choc…

Mia, Kirsten et Danny nous ont persuadés d’aller également à Middelkerke pour le weekend de fin d’été. Avec des sentiments mitigés, nous avons pris connaissance à Middelkerke de l’organisation : pour nous, en tant que néophytes, c’était confrontant mais, en même temps, rassurant. Nous avons été bien accueillis par tout le monde et nous avons fait connaissance avec beaucoup de gens charmants, qui nous aidaient vraiment avec un bon entretien ou des astuces utiles pour mieux garder le contrôle sur sa vie avec la SLA. Nous y avons trouvé de nouveaux amis. Le team de la Ligue SLA avait organisé un weekend fantastique.

De quoi es-tu fier dans ta vie ?
De tout ce que j’ai accompli ensemble avec ma femme pour ma famille.

Quel message veux-tu encore donner à tes compagnons d’infortune ?
Faites de votre mieux et continuez à regarder la vie de façon positive. Cela vous arrive et vous tombe dessus et il y a très peu à faire à cela. Osez parler de la maladie avec tout le monde. Osez penser de l’avant et n’ayez pas peur de tout régler qui doit être réglé.

Et pour finir, cherchez du contact avec des compagnons d’infortune, ceci est vraiment une plus-value, à deux on sait de toute façon plus que seul. Un compagnon d’infortune vous comprend mieux que qui que ce soit. Aussi bien pour le patient que pour les partenaires. Chacun a son vécu dans cette histoire et être compris fait du bien.

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