Pourquoi le Ice Bucket Challenge n’est pas encore terminé

17-03-2015

L’ancien joueur de base-ball Boston College Pete Frates n’est plus capable d’écrire ni de parler, souffrant de l’ASL dans un stade avancé. John et Nancy, les parents de Pete, ont écrit ce texte en son nom.

Un sportif sur 50 fréquentant l’école secondaire jouera finalement au niveau de la Division I lorsqu’il fera des hautes études. Un sur 50.000 sera atteint par la sclérose latérale amyotrophique (SLA). Notre fils, Pete Frates, fait partie des deux groupes et ces deux mondes constituent l’héritage qu’il nous laissera.

Beaucoup de gens connaissent notre fils comme un pionnier: il a joué un rôle de force motrice pour le SLA Ice Bucket Challenge à succès foudroyant qui a permis de récolter 220 millions de dollars pour une maladie qui auparavant était peu connue.

D’autres se souviendront de notre fils comme un sportif: Pete jouait au milieu du terrain chez les Boston College Eagles et est devenu capitaine en 2007. L’apogée pour Pete cette année-là fut son match au Maryland où il a réalisé un grand chelem 4-6, trois home-runs et un double RBI. Avec ses huit RBI, son équipe a établi un nouveau record.

Le Pete que nous connaissons est notre fils fantastique. Sa passion pour le sport est née dès qu’il a pu saisir un ballon et se déplacer. Qu’importe la discipline, base-ball, football ou même patinage sur glace, Pete ne se lassait jamais du sport. Lorsqu’il était en quatrième primaire, son professeur de sport est venu nous voir: « Je suis Pete depuis la maternelle et j’ai attendu ce programme d’apprentissage spécifique car c’est de la danse. C’est le moment que j’attends après qu’un enfant ait retenu mon attention, car j’estime que c’est la meilleure manière de découvrir le vrai talent. Il a passé mon épreuve avec brio. Vous avez un athlète de Division I. » Pete avait neuf ans.

Pete a grandi comme un fan des lanceurs de base-ball gauchers des années ’80 et ’90. Il décorait les murs de sa chambre avec des posters de Barry Bonds, Ken Griffey Jr., Will Clark, Ray Bourque, Steve Young et Doug Flutie. Il adaptait son style de jeu au leur. Sa faim de sport dans toutes ses formes était insatiable. Notre fille Jennifer détestait qu’on l’emmène avec nous aux leçons de patinage. Pete s’engageait sur la patinoire et ne la quittait plus. Il se laissait presque renverser par la surfaceuse de glace Zamboni.

Parallèlement au base-ball, Pete Pop Warner jouait au foot et au hockey pour les jeunes. Il a commencé à pratiquer ces deux sports à l’âge de six ans. Depuis qu’il était un « Mighty Mite », il accumulait les temps de jeu les plus mauvais – entraînement à 5h30 du matin. Il sautait du lit à 4h30, saisissait son sac de hockey pour le jeter dans le coffre de notre Tahoe direction patinoire. Nous devions alors préparer son équipement de foot car après son entraînement de hockey, il se rendait le dimanche matin à ses matchs de foot.

Durant le trajet – nous ne le recommandons à aucun parent – il se changeait sur la banquette arrière, il enlevait son équipement de hockey et enfilait sa tenue de foot avec un grand sourire aux lèvres. Il s’amusait beaucoup dans ses équipes de jeunes, développant en même temps ses capacités de dirigeant et de la discipline. En devenant adulte, ce sont ces qualités qui ont pour partie forgé sa personnalité.

Pete n’a pas hésité à crier sur ses équipiers lorsque ceux-ci voulaient écourter leur entraînement. Il les estimait responsables pour chaque infraction ou comportement inadéquat. Lorsqu’en 2007, Tony Sanchez (à présent chez les Pittsburgh Pirates) venait rejoindre BC, qui fournissait un rendement inférieur lors d’une ronde de lifting. Pete l’a assommé. Tony aurait pu le prendre mal, mais il a déclaré: « Ce type m’a mis un miroir devant les yeux. Il a fait en sorte que je négligerai plus jamais un entraînement. » A présent Tony joue à un niveau professionnel. Pete a stimulé cette philosophie du travail et ce système de valeur auprès de ses coéquipiers. Nous n’avions entendu parler de cette histoire jusqu’à ce que nous rencontrions les parents de Tony lors d’un match des Pirates l’an dernier.

Après avoir obtenu son diplôme, Pete a continué le base-ball et est parti pour Hambourg (Allemagne) pour y jouer dans la Bundesliga. Après un certain temps, Pete est revenu à la maison et a rejoint la Intercity League Baseball à Boston. L’équipe jouait à un niveau assez élevé et regroupait surtout des joueurs de l’ancien Minor League et des joueurs de la haute école. Pete était ravi de se voir octroyer l’opportunité de jouer sur ce niveau.

Malgré sa persévérance et sa détermination, Pete a connu au cours de la saison 2011 une rechute de ses capacités sportives. Le seul avertissement qu’il a reçu – ce qu’il a admis récemment – est la diminution de sa moyenne de frappe. En 2010 il est devenu le MVP de l’équipe. Il marqua .375. A peine une saison plus tard, il avait de plus en plus de difficultés – il a marqué .250, et bien qu’il était encore très fort, ses coups de circuit ne ressemblaient plus aux coups ambitieux d’avant. C’étaient des flèches. Il devait pouvoir les apprécier de manière parfaite pour frapper la balle en dehors des lignes. Nous ne l’avions jamais vu faire de tels coups de circuit. Son timing était juste un peu plus inférieur à son timing habituel. A présent, nous comprenons en y repensant, mais à l’époque nous n’en avions aucune idée. Nous pensions qu’il avait peut-être une nouvelle copine, il avait 26. Nous pensions qu’il devenait un peu trop âgé pour jouer au base-ball. La réalité était tout autre: le commencement de la SLA.

Le 13 mars 2012, six heures après le diagnostic de Pete, toute la famille était rassemblée autour de la table de cuisine. La situation était traumatisante et le mot est faible. C’est à ce moment-là que Pete a décidé du chemin à suivre. Il nous a dit qu’il ne voulait pas s’apitoyer sur son sort et que c’était une formidable opportunité de changer le monde. Il disait que nous pourrions faire comprendre les gens qu’il fallait récolter des fonds. Et il disait qu’il confronterait un philanthrope comme Bill Gates à cette affection.

Six heures après son diagnostic.

Après avoir accepté la nouvelle, nous voulions tous deux entamé des études médicales afin de pouvoir aider notre fils. Mais à ce moment-là nous nous rendions à l’évidence que le temps jouait en notre défaveur car les médecins n’avaient donné à Peter que trois à cinq ans. Mais l’esprit d’entreprise nous anime depuis toute notre vie et nos trois enfants travaillent dans des entreprises. En tant que famille nous avons donc décidé de créer le Team Frate Train. Nous avons rassemblé nos compétences et nous avons découvert que nous disposions d’un webmaster ; nous disposions d’un comptable; nous disposions d’artistes graphiques; quelques jours plus tard ils se sont tous rassemblés avec nous autour de la table. Nous avons donc créé un site web et une page Facebook Team Frate Train. Nous avons utilisé Twitter. Nous exploitions un magasin de vêtements de sport. Pete a créé une page Travel Team – achetez un Frate Train Tee, voyagez autour du monde, prenez des photos et envoyez-les nous. Ce site comporte un millier de photos prises de partout dans le monde.

Pete a partagé ses idées sur le site web. Il a rendu un visage humain à cette maladie, il en a amorcé le débat. Nous avons accompagné des jeux renforçant la compréhension de la SLA nous avons rencontré des membres du Congrès au Capitol Hill. Durant deux ans et demi, nous avons tous travaillé d’arrache-pied. Ensuite, le Ice Bucket Challenge a tout changé en un laps de temps de six semaines.

La naissance du Ice Bucket Challenge remonte au moment où Pete s’est lié d’amitié avec un autre jeune patient souffrant de la SLA, Pat Quinn. Pat a lancé le Ice Bucket Challenge à Westchester, New York, ce qui a amené Pete à le partager avec ses suiveurs de la page Facebook Team Frate Train. Pete connaissait Steve Gleason des New Orleans Saints, Kevin Swan en Floride, O.J. Brigance et Kevin Turner. Tous des sportifs, des jeunes hommes souffrant de SLA qui voulaient apporter leur contribution. Ces hommes avaient délibérément pris la décision d’écrire le cours de leur vie pour que les gens prennent conscience de cette réalité – le corps ne voulant plus suivre l’esprit. Pete se rendait compte que ces sportifs étaient le médium et que le Ice Bucket Challenge aide à illustrer le message.

Le 31 juillet il nous a demandé d’inciter les gens à commenter toutes les vidéos du Ice Bucket Challenge et de le poster sur notre page Facebook Team Frate Train. Partagez-les. Nous nous y sommes donc mis avec la famille et les amis. Trois jours plus tard, dans l’après-midi, six personnes (encore en pyjama) étaient occupés à leur portable, ils travaillaient, commentaient, partageaient. C’était la folie. Notre webmaster nous a annoncé le même jour que le trafic du site web dépassait nos capacités.

Malheureusement Pete n’est plus capable de parler, mais il peut encore sourire. A un certain moment lors de l’Ice Bucket Challenge il était ravivé. La vidéo de Bill Gates a surtout été très importante pour Pete. Bill Gates a fait une présentation mémorable pour l’Ice Bucket Challenge et a fait une donation en faveur de la SLA. Gates collabore en outre étroitement avec Steve Gleason afin d’améliorer la technologie en faveur des patients SLA. En somme c’est ce que disent ces jeunes hommes: tant qu’aucun traitement médical n’est disponible, la technologie constitue notre traitement. La manière dont communiquent les patients SLA, les relations qu’ils entretiennent avec leur famille, tout ceci est possible grâce à la technologie. Ils utilisent la technologie de détection de mouvements oculaires pour dactylographier et ils ont un appareil vocal qui leur lit des textes. Cette technologie permet aux patients SLA de s’exprimer. 

Sans le sport, Pete n’aurait pas eu cette motivation et détermination pour avoir un tel impact sur la SLA. Le sport a fait de Pete l’homme qu’il est maintenant. Il a des capacités de leadership innées; il a des aptitudes athlétiques innées; son engagement pour le sport a fait qu’il a pu investir ces aptitudes dans cet effort.

C’est grâce au sport que la problématique de la SLA a été abordée. Une véritable culture dynamique. Nous avons entendu tellement d’histoires fantastiques sur des personnes souffrant d’une maladie qui n’était pas au centre de l’intérêt – une maladie qui n’est pas soutenue collectivement. Les gens n’en parlaient pas. Tant de familles nous racontent comment leur bien-aimé se réveille le matin et se hâte pour brancher l’ordinateur pour entendre les gens dire « SLA ». 

Chaque parent aspire à avoir un jour des enfants adultes productifs, compatissants et heureux. Et en ce qui concerne Pete, c’est ce qui est notre plus grande fierté. Quelle que soit la bienveillance dont Pete a fait preuve à l’égard de ses amis en tant que médium et ami, nous a été rendu au centuple. C’est la leçon qu’il nous a apprise. Un homme a littéralement changé le cours de l’histoire de par son amour pour les autres. Il est improbable qu’une avancée technologique quelle qu’elle soit pourra aider Pete dans le stade actuel de sa maladie. Mais Pete induit des changements pour ses amis. Nous sommes très fiers de Pete et de ses actions. C’est ce qu’il lèguera.

Photos par GETTY IMAGES et la bienveillance de la famille Frates.

Traduction : Brigitte Vanden Cruyce

Source : The Players’ Tribune

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