S'accorder la permission de faire son deuil

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23-02-2021

Joyful Sorrow

Il est difficile de trouver des conseils pour le deuil dans le cas d’une maladie terminale longue et progressive. On parle souvent de la perte comme d'un événement qui s'est produit dans le passé. Il est difficile de gérer le deuil quand on sait que l'on n'a pas encore atteint le fond, quand 
les pertes continuent à se produire. 

Dans le podcast "Unlocking Us" de Brené Brown, celle-ci discute avec l'expert en deuil David Kessler du chagrin collectif que le monde ressent pendant une pandémie. Même ceux qui n'ont pas perdu d'êtres chers sont désorientés et connaissent l'isolement social, l'incertitude et l'instabilité financière. Kessler a déclaré : "Le monde que nous connaissions est maintenant fini pour toujours".
Cette déclaration me touche, car c'est ce que j'ai ressenti lorsque mon mari a été diagnostiqué avec la SLA il y a plus de dix ans.

Selon Kessler, le deuil englobe plus que la mort d'un être cher. C'est la mort de quelque chose. Il dit que nous devons identifier notre chagrin. Si nous ne l’identifions pas, nous ne pouvons pas le ressentir, et si nous ne pouvons pas le ressentir, nous ne pouvons pas en faire notre deuil. 

La SLA d'un conjoint peut entraîner de nombreuses pertes, même avant sa mort.
- Perte des rêves d'avenir.
- Perte d'emplois et de rôles relationnels.
- Perte d'un système de croyances sur le fonctionnement du monde.
- Perte de passe-temps communs, tels que la randonnée et le vélo.
- Perte de l'intimité physique.
- Perte de l'aide pour les tâches ménagères.
- Perte de soutien lorsque vous êtes malade ou fatigué.
- Perte du partenaire que nous avions s'il est touché par la dépression ou le déclin cognitif.
- Perte des stimuli extérieurs pour ceux qui s'occupent à plein temps du patient et perte de l'énergie apportée à une relation par la séparation en journée et la reconnexion du soir.

Kessler a déclaré : "Ce ne sera pas pour toujours. Cela va se terminer. Il n'y a pas de nuit noire éternelle". 

Quand je l'ai entendu dire ça, mon cœur a pleuré, "Oui, mais après ce sera une vie sans mon mari."

Kessler parlait de la pandémie, et c'est là que s'arrête la similitude avec la vie avec la SLA. Ceux qui n'ont pas perdu d'êtres chers à cause de la pandémie peuvent imaginer un avenir meilleur quand elle sera terminée. Mais pour ceux qui sont atteints de SLA, nos proches ne s'en sortiront pas avec nous, à moins qu'il n'y ait un remède, ce qui n'est pas encore en vue. La fin de la SLA sera la perte de mon mari.

Et le deuil sera encore plus grand. Je ne veux pas de cette vie. Je ne veux pas être veuve. Je ne veux pas que nos enfants perdent leur père.

Il m’est arrivé de partager mon chagrin avec des gens. Certains amis sont prêts à m’accompagner dans ce deuil. D'autres essaient de me pousser à revivre. C'est une situation inconfortable. En écrivant cette chronique, je ressens une pulsion à trouver une solution en énumérant les choses dont je suis reconnaissante, plutôt que de rester assise avec mon mal-être.

Nous devons nous donner la permission de faire notre deuil.

Lorsque je vois un couple marcher main dans la main, j'aimerais que mon mari et moi puissions en faire de même. Lorsque je vois des photos de familles en train de faire de la randonnée sur les médias sociaux, j'aimerais que l'activité physique fasse encore partie de notre mode de vie. Quand je suis allongée dans mon lit à côté de mon mari paralysé, j'aimerais qu'il puisse me prendre dans ses bras.

Dans ces moments où la tristesse m'envahit, j'essaie de me donner de l'espace pour faire mon deuil. Quand je le fais, la tristesse s'apaise et je ressens des moments de joie, de reconnaissance pour ce qui existe encore de bien.

Essayer de contenir à la fois la tristesse et la joie est inconfortable, mais avec de la pratique, nous pouvons devenir plus à l'aise avec la tension entre ces contraires.

 

Traduction : Fabien

Source : ALS News Today

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