Aperçu sur la Pridopidine dans le cadre de l'essai HEALEY ALS Platform

05-06-2023

L'essai HEALEY ALS Platform Trial (NCT04297683), un essai multicentrique en phase 2/3, randomisé, contrôlé par placebo et multibranche, par ailleurs premier en son genre, qui évalue plusieurs produits en cours de développement pour la sclérose latérale amyotrophique (SLA). Ce type spécifique d'étude permet de pérenniser l'infrastructure de l'essai et de partager les données sur les placebos, ce qui accélère le développement des médicaments.

Le critère d'évaluation principal de l'essai est le changement de la gravité de la maladie au fil du temps, tel que mesuré par l'ALS Functional Rating Scale-Revised (ALSFRS-R), avec des critères d'évaluation supplémentaires comprenant, entre autres, la fonction respiratoire, la force musculaire, la survie et l'innocuité. Entre juillet 2020 et décembre 2021, un total de 653 patients atteints de SLA ont été randomisés dans les 4 premiers traitements de l'essai HEALEY ALS Platform Trial (traitement A : Zilucoplan ; traitement B : Verdiperstat ; traitement C : CNM-Au8 ; traitement D : Pridopidine). Lors de la réunion annuelle 2023 de l'American Academy of Neurology (AAN), qui s'est tenue du 22 au 27 avril à Boston (Massachusetts), l'auteur principal Sabrina Paganoni, MD, PhD, professeure agrégée à la Harvard Medical School, a présenté les résultats des critères d'évaluation primaires, secondaires et exploratoires des quatre schémas thérapeutiques.

Récemment, Melanie Leitner, PhD, consultante et fondatrice d'Accelerating NeuroVentures, et directrice du programme pour le traitement D dans le cadre de l'essai Healey ALS Platform Trial, a fait part de ses observations sur la sous-étude de la Pridopidine (NCT04615923) et de l'importance de ces résultats. Elle a donné un bref aperçu de l'essai Healey-ALS Platform Trial et de la mise en place du traitement D dans l'essai Healey-ALS Platform Trial. Elle a également parlé des innovations passionnantes dans le domaine de la SLA et de l'importance d'un diagnostic précoce.

NeurologyLive® : Pouvez-vous nous donner un aperçu de l'essai HEALEY Platform ?

Melanie Leitner, PhD : L'essai HEALEY pour la SLA est une innovation passionnante dans le domaine des essais cliniques. Un essai en plateforme permet de tester plusieurs composés, chaque branche de la plateforme partageant le même groupe placebo. Il s'agit d'un format très convivial pour les patients, dans le sens où, grâce à la possibilité du partage des groupes placebo, les patients peuvent être randomisés 3:1 pour le médicament et ont donc plus de chances de recevoir un composé actif qu'avec une étude traditionnelle en double aveugle 1:1. Il s'agit là d'un avantage important pour les patients, mais aussi, parce qu'il s'agit d'un essai perpétuel, d'un délai beaucoup plus court pour mettre en place l'étude clinique que dans le cas d'un essai clinique traditionnel, où il faut mettre en place toute l'infrastructure clinique. L'essai en plateforme est en fait une situation "plug and play" où les sites, les protocoles et les accords d'essai sont déjà en place. La principale contrainte de temps consiste à personnaliser la conception d'un traitement spécifique qui rejoindra l'essai en cours.

Pouvez-vous nous donner un aperçu du traitement D actuel et nous expliquer en quoi il diffère des autres ?

À ce stade, l'étude comporte 6 branches. Il y a d'abord eu les trois expériences A, B et C, qui ont toutes rejoint l'étude à peu près en même temps et qui ont fait l'objet d'une lecture au début de cette année. Ensuite, le traitement D a été le quatrième produit à se joindre à l'étude, et les expériences E et F sont actuellement toujours en cours. L’expérience D s'est achevée récemment et les premiers résultats viennent d'être annoncés. Le schéma D concernait un composé appelé Pridopidine, un agoniste spécifique et sélectif du récepteur sigma-1, dont le mécanisme d'action est différent de celui de tous les autres composés testés dans le cadre de la plateforme. Les cinq premiers traitements ont tous agi sur des cibles très différentes et en utilisant des approches différentes. L'étude sur la Pridopidine a commencé à recruter au début de l'année 2021 et, comme pour les expériences de A à C, il s'agissait d'une étude de 6 mois, en double aveugle, contrôlée par placebo, qui s'est poursuivie par une prolongation ouverte. Les principaux résultats de l'étude de 6 mois contrôlée par placebo ont été présentés lors de la récente réunion annuelle de l'AAN. Les données des prolongations n'ont pas encore été communiquées pour aucun des schémas de la plateforme Healey, car ces études sont toutes en cours.

Quels sont les résultats du traitement D et leur importance ?

Les résultats étaient vraiment intéressants. Malheureusement, l'étude n'a pas atteint le critère d'évaluation principal, qui consistait à observer un changement dans l'échelle ALSFRS-R entre le début de l'étude et la 24e semaine. Si l'on considère l'ensemble de la population, il n'y a pas eu de changement évident et statistiquement significatif dans l’échelle globale de l'ALSFRS-R ; cependant, il y a eu des résultats intéressants concernant la parole. Cette étude a testé un nouvel ensemble de mesures de la parole, en collaboration avec la société Aural Analytics, et a montré des bénéfices au niveau de la parole dans l'ensemble de la population (la cohorte d'analyse complète). Même en utilisant cette approche statistique très conservatrice, le groupe de traitement a montré des changements significatifs dans les mesures de la vitesse d'articulation et de la vitesse d'élocution, ainsi qu'une précision articulatoire qui a presque atteint le seuil de signification. Il s'agit de mesures clés de la parole qui sont en corrélation avec la question de la parole dans l'ALSFSR-R. L'implication est que le traitement par la Pridopidine a retardé la perte de la parole chez les patients de la population traitée. Ce résultat est très important car la perte de la capacité à communiquer est l'une des choses les plus difficiles pour de nombreux patients atteints de SLA. Un retard dans cette perte pourrait être très important pour le maintien de la qualité de vie.

Quelles sont les prochaines étapes après l'exploration du traitement D ?

N'oublions pas que cette étude n'a duré que six mois. C'est une courte période pour voir l'impact d'un médicament sur l'ALSFRS-R (échelle d'évaluation fonctionnelle). Je pense que la première chose à faire sera d'analyser les données de l'étude de prolongation ouverte, qui couvrira une période plus large et plus longue. Grâce à ces données, nous pourrons répondre aux questions relatives à la survie et évaluer les changements fonctionnels sur une plus longue période de traitement. La prochaine étape sera, nous l'espérons, la conception et le lancement d'une étude de suivi, qui s'appuiera sur les enseignements tirés de la plateforme. L'objectif de toutes les études en phase 2, menées à l'aide de la plateforme HEALEY, est d'évaluer si l’efficacité est suffisante pour justifier la conception d'un essai en phase 3 et, le cas échéant, de tirer parti des enseignements de la phase 2 dans la conception de toute étude de confirmation en phase 3. La plateforme elle-même continuera à progresser et à inclure de nouveaux traitements et de nouveaux médicaments dans cette étude. À l'heure actuelle, comme je l'ai déjà mentionné, six médicaments ont été inclus dans la plateforme, et un septième médicament a déjà été approuvé, qui, je l'espère, commencera à être recruté dans le courant de l'année.

Nous vivons une période passionnante dans le domaine de la SLA, avec l'approbation de l'AMX0035 (Relyvrio ; Amylyx Pharmaceuticals), puis l'approbation récente et accélérée du Tofersen (Qalsody ; Biogen). L'étude de la plateforme HEALEY, qui permet de tester plusieurs thérapies potentielles contre la SLA beaucoup plus rapidement et de manière plus rentable, a également connu un grand essor. Je suis dans le domaine de la SLA depuis longtemps et cela a été très difficile pendant tout ce temps. De nombreux [essais] ont échoué et j'ai lu récemment qu'un autre médicament avait échoué à un essai de phase 3 sur la SLA. Mais, en général, je pense qu'il y a un sentiment d'espoir et d'élan dans ce domaine, car il y a enfin des options thérapeutiques potentielles supplémentaires pour les patients nouvellement diagnostiqués avec la SLA. D'énormes progrès ont été réalisés en termes de compréhension de la biologie de la maladie. Cela signifie que les médicaments qui arrivent plus tôt dans le pipeline ont, je pense, de fortes chances d'être efficaces. Nous faisons des progrès lents mais importants.

Selon vous, qu'est-ce qui est passionnant dans le domaine de la SLA aujourd'hui et qu'est-ce qui fait l'objet de discussions à l'heure actuelle ?

L'une des choses auxquelles je pense beaucoup, et je pense que l’on y a  beaucoup réfléchi dans le domaine SLA ces derniers temps, est le diagnostic précoce, et l'importance de diagnostiquer les patients au plus tôt. Il semble que les thérapies approuvées soient plus efficaces lorsqu'elles sont administrées à un stade précoce de la maladie. L'une des organisations, une fondation avec laquelle je travaille, tente d'identifier de nouveaux marqueurs de diagnostic afin de pouvoir diagnostiquer définitivement la SLA à un stade plus précoce de la maladie. Aux États-Unis, il faut en moyenne 12 mois pour diagnostiquer définitivement un patient atteint de SLA, mais cela s'explique en partie par le fait qu'il faut du temps pour amener les patients dans une clinique spécialisée SLA où ils peuvent recevoir ce diagnostic définitif. L'une des choses que j'aimerais dire aux neurologues, c'est que si vous pensez vraiment qu'un patient pourrait être atteint de la SLA, plutôt que d'attendre longtemps pour exclure tout le reste, essayez de faire en sorte que ce patient se rende dans une clinique spécialisée SLA, ou au moins essayez vous-même de consulter une clinique spécialisée SLA. Il est préférable d'envoyer votre patient le plus tôt possible, car s'il s'agit de la SLA, il est extrêmement utile pour ces patients de le découvrir au plus tôt afin qu'ils puissent éventuellement profiter des nouvelles thérapies, participer à des essais cliniques et éviter des interventions chirurgicales inutiles (et potentiellement nocives). Nous espérons que, dans un avenir proche, nous serons mieux à même de fournir au neurologues généraliste les outils nécessaires pour que les patients puissent recevoir un diagnostic précoce de la SLA.

Traduction: Fabien 
Source: Neurology Live

 

 

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