Cibler les mutations C9orf72 avec des petites molécules

← retourner à Les gènes comme cible

Jeffrey Rothstein est le directeur et le fondateur du Robert Packard Center for ALS Research at Johns Hopkins.

Depuis que la mutation du chromosome C9orf72 (Chromosome 9 open reading frame 72) a été identifiée il y a deux ans, les scientifiques du Centre Packard ont beaucoup travaillé pour comprendre comment cette mutation induit la SLA. Dans une étude publiée le mois dernier dans ‘Neuron’, Jeffrey Rothstein, directeur du Centre Packard, et ses collègues ont décrit une des principales voies par laquelle cette mutation entraîne la maladie. Ils ont aussi identifié plusieurs petites molécules qui pourraient réduire ou même éliminer, en culture cellulaire, les effets toxiques de cette mutation.

La mutation identifiée dans C9orf72 est une extension répétitive, ce qui signifie que six nucléotides sont répétés des centaines ou des milliers de fois. Ces extensions répétitives ont tendance à perturber le mécanisme de réplication dans le noyau de l'ADN, ce qui contribue au grand nombre de répétitions, les enzymes copiant maintes fois le même tronçon d'ADN. Le nombre de répétitions change fréquemment d'une génération à l'autre, ce qui rend difficile la création d’un modèle animalier précis de SLA avec mutation C9orf72.   

Rothstein et ses collègues ont levé cet obstacle en utilisant un autre type de modèle pour étudier le C9orf72. En utilisant des échantillons de cellules prélevés directement chez des pALS porteurs de la mutation C9orf72, les chercheurs ont créé des cellules souches pluripotentes induites (CSPi) qu’ils ont différenciées en neurones.

Rothstein déclare: « Ces cellules-souches sont les plus proches possibles de celles du patient. Nous ne voulions pas de fausses hypothèses. Nous devions nous assurer que tout ce que nous trouvions dans ces cellules humaines était identique à ce qui a été trouvé chez nos pALS. » L’équipe a aussi fait la constatation importante de la large ressemblance des anomalies génétiques des neurones C9orf72 avec ceux que l'on trouve dans les cerveaux des pALS, validant ainsi l'utilité de ces cellules pour imiter la SLA.

Lorsque les chercheurs ont analysé les noyaux de ces cellules, ils y ont trouvé de grands agrégats d'ARNm anormal de C9orf72. Tout comme le grand nombre de répétitions perturbe la réplication de l'ADN, il perturbe également la transcription normale de l'ADN à l'ARNm, créant une grande quantité d'ARNm incorrect qui s’agrège à lui-même et à d’autres ARNm critiques et protéines de liaison ARN. Ils ont même identifié plusieurs protéines qui se collaient à ces agrégats, y compris l’ADARB2, une protéine de liaison RNA qui pourrait être cruciale dans la création des protéines de l'ARNm.

La grande quantité de l'ARN C9orf72 trouvée dans le noyau — et la variété de protéines accolée à celle-ci — signifiait probablement qu’il y avait beaucoup moins de molécules fonctionnant normalement dans le corps de la cellule. D'autres expériences ont révélé que cette accumulation d'ARNm C9orf72 dans le noyau conduit à la toxicité cellulaire, en particulier dans les motoneurones.

Rothstein et collègues sont partis du principe que si ces accumulations étaient toxiques, les empêcher pourrait éviter les dommages causés. Pour ce faire, ils ont utilisé des petits morceaux d'ADN appelés oligonucléotides antisens (ASOs). Ces ASOs ont été créés pour se lier à l'extension répétitive C9orf72 mRNA et empêcher l’ARNm incorrect de s’agréger et de séquestrer ainsi les autres mécanismes de fabrication de protéines.

Les chercheurs ont identifié plusieurs ASOs synthétisés par Isis Pharmaceuticals qui pourraient effectivement être liés à l'extension répétitive et empêcher cette accumulation. L'administration de ces ASOs réduit la toxicité en culture cellulaire, ce qui est une importante indication d’efficacité potentielle chez les individus atteints de SLA causée par extension répétitive C9orf72.

« Ces résultats nous montrent que les mécanismes d’extension répétitive C9orf72 peuvent être toxiques. Ils nous fournissent également un outil pour élaborer de nouveaux médicaments et, surtout, un ensemble de médicaments peut-être utilisable un jour sur des patients. Il y a un énorme potentiel autour de ces cellules iPS qu’aucun chercheur SLA n’a pas encore vraiment exploité. » a déclaré Rothstein.

Les chercheurs se sont mis au travail, avec des collaborateurs de l'industrie pharmaceutique, pour préparer des essais cliniques de ces ASOs chez l'homme. Selon Rothstein, l'objectif final est d'adapter le traitement à chaque patient, à ses mutations et à sa pathologie spécifique.

-Carrie Arnold

 

Traduction : Fabien

Source : The Packard Center

Share