Comment un programme d’IA canadien aide des médecins à détecter des symptômes précoces de la SLA

06-05-2024

L’initiative Process for Progress in ALS vise à réduire les retards dans l’établissement d’un diagnostic et lutte pour l’accès prompt au traitement crucial

Pour les gens atteints de la Sclérose Latérale Amyotrophique (SLA), un diagnostic précoce est crucial. Les premiers symptômes de la SLA peuvent être subtils et imitent des maladies plus courantes, c'est pourquoi la SLA est difficile à diagnostiquer. Par conséquent, il peut durer jusqu'à deux ans avant que certaines personnes reçoivent un diagnostic officiel de SLA, ce qui ralentit le traitement indispensable à l’amélioration de leur qualité de vie.

La SLA est une maladie qui attaque les motoneurones dirigeant les muscles du corps, ce qui mène à la faiblesse progressive et à l’invalidité. D’après les estimations, 4.000 Canadiens sont atteints de la SLA. Chaque année, environ 1.000 Canadiens meurent de la SLA, dont la majorité décède dans les deux à cinq ans après leur diagnostic.

Dans d’autres domaines de maladies, l’intelligence artificielle (IA) aide avec l’établissement du diagnostic. Étant donné la nature progressive de la SLA, un groupe de neurologues canadiens a développé un programme qui utilise l’IA pour identifier les signes précoces de la SLA, sinon ils passent inaperçus.

Le programme, Process for Progress in ALS : An EMR-based practice enhancement intitiative, utilise l’IA pour l'analyse des dossiers médicaux électroniques (DME) désidentifiés pour alerter les médecins si un patient présente des symptômes ressemblant à ceux de la SLA et s’il aurait besoin d’un dépistage supplémentaire ou s’il doit être dirigé vers un centre spécialisé en SLA.

« Au Canada, il y a des endroits où il peut durer jusqu'à deux ans avant d’obtenir un diagnostic [de SLA], ce qui veut dire que ces patients ont perdu toute opportunité de ralentir leur maladie, d’améliorer leur qualité de vie, d’offrir du soutien à leurs gardes-malades », explique la Dr Angela Genge, directrice exécutive du ALS Centre of Excellence à l'Institut-Hôpital neurologique (le Neuro) de Montréal.

La commission d’experts du Process for Progress in ALS est composée de la Dr Genge, une illustre neurologue et professeur à l’Université McGill, du Dr Amer A. Ghavanini, chef du département de neurologie auprès du système hospitalier Trillium Health Partners à Mississauga, ainsi que de la Dr Amanda Fiander, une neurologue auprès de la clinique Maritime Neurology à Halifax. Le programme a été développé par Ensho Health, une entreprise visant à créer des solutions de santé publique numériques, en collaboration avec l’entreprise pharmaceutique Mitsubishi Tanabe Pharma Canada.

« L’IA peut aider à améliorer notre diagnostic différentiel, à certifier que nous prenons effectivement en compte toutes les possibilités, et je pense que l’IA va aider des patients de maladies rares en particulier », estime la Dr Genge.

La Dr Genge a participé à la réunion-débat organisée par le journal canadien The Globe and Mail intitulée AI in Medicine portant sur le rôle de l’IA dans la réduction du temps qui passe avant l’établissement d’un diagnostic pour des maladies rares. La réunion-débat était sponsorisée par Mitsubishi Tanabe Pharma Canada.

La Dr Genge souligne davantage l’importance d’un diagnostic précoce dans le cas de la SLA.

« Nous savons que les patients ont une meilleure qualité de vie et qu’ils vivent un an et demi de plus simplement lorsqu'ils sont suivis par une clinique multidisciplinaire », un groupe de spécialistes en santé publique experts dans la gestion d’affections médicales complexes telles que la SLA, explique-t-elle. « Maintenant, nous sommes en train de développer des médicaments qui peuvent ralentir la maladie, et une fois la maladie ralentie, la vie est toujours prolongée. Chacun de ces médicaments est plus efficace lorsque le traitement commence plus tôt. »

« Afin d’être admis aux études cliniques pour un nouveau médicament qui pourrait être plus efficace, vous devez vous situer dans un stade relativement précoce de votre maladie. Au cas où les patients ne sont pas dirigés vers un spécialiste, ils n’ont pas accès aux possibilités de traitement qui pourraient faire la différence pour eux », ajoute la Dr Genge.

Le programme Process for Progress in ALS, un projet en cours depuis quatre ans, analyse des dossiers de santé électroniques (DSE ou l’histoire médicale d’un patient individuel) « désidentifiés », ce qui signifie que toute donnée est anonymisée pour protéger la vie privée des patients. Le programme se sert de l’algorithme clinique MNd-5 afin de trouver des individus présentant des symptômes fréquents de la SLA (dont des déficits moteurs des mains et des bras , des tremblements, des trébuchements et de la maladresse) et il génère des « échantillonnages probabilistes » qui se basent sur les données tirées des DSE. Les DME (une collection de DSE) des médecins qui participent au projet subissent un test de dépistage mené par Ensho Health.

L’initiative a été révisée et approuvée par un conseil éthique indépendant, et la protection de l’information de santé et de la vie privée des patients est assurée par de diverses mesures de précaution.

Le Dr Hamza Jalal, neurologue auprès de l’hôpital de Markham-Stouffville, juste au nord de Toronto, a intégré ce programme dans sa pratique depuis un an.

« L’argument de vente le plus convaincant de ce programme était l’aise et la facilitation qui caractérisent le processus », explique le Dr Jalal. « Tout se passe en arrière-plan et je reçois des rapports générés qui me donnent toutes les informations pertinentes. »

Le Dr Jalal affirme qu’il est difficile de recevoir un diagnostic précoce de la SLA parce que la maladie connaît beaucoup de sous-types et les symptômes peuvent même imiter ceux de problèmes tels que des affections des muscles (myopathies) ou des nerfs (neuropathies), la compression médullaire et l’apoplexie.

Il partageait l’exemple d’un patient qui éprouvait des difficultés à avaler et des tremblements de muscles sévères et qui avait visité son médecin généraliste à maintes reprises au cours de plusieurs mois.

« Sur la base de mes propres soupçons, je suis parvenu assez précocement à reconnaître la maladie [l’affection neuromusculaire rare appelée la maladie de Kennedy] et à démarrer les types d’examens adéquates », raconte-t-il. « Mais après quelques jours, j’ai reçu le rapport [du programme d’IA] détaillant que ceci est un indice d’un patient qui souffrirait peut-être d’une affection motoneurone. »

« J’ai une poignée de gens avec qui j’avais déjà démarré le traitement de leur SLA et c’était très agréable de remarquer que le programme identifiait ces patients », explique-t-il.

« Ce programme peut vraiment aider à faciliter et à trier ces patients de façon adéquate », dit-il, ajoutant que le programme possède le potentiel de trouver des patients qui « pourraient autrement glisser entre les mailles du filet. »

Pendant sa formation en surspécialité auprès de Sunnybrook Health Sciences Centre à Toronto, le Dr Jalal affirme qu’il avait aperçu l’IA aider à « révolutionner » les soins de patients dans le domaine de l’apoplexie, par exemple pour le traitement automatisé d’images.

« L’IA ne va aucunement remplacer l’expertise clinique. Mais l’IA et les technologies équivalentes en soins médicaux fonctionnent de la même façon que le pilote automatique d'un avion – de tels gadgets ne remplacent pas le pilote, mais ils lui facilitent les choses. »

Tandis que le programme évolue, l’opportunité se présentera d’engager d’autres spécialistes, tels que des psychiatres et des médecins otorhinolaryngologistes (ORL), qui reçoivent des patients avec des symptômes semblables à ceux de la SLA, dit la Dr Genge. « Ce que nous voulons absolument, c’est d’atteindre ces personnes dans la communauté qui, en fin de compte, recevraient le diagnostic de la SLA beaucoup plus tôt. »

« L’IA ne va jamais remplacer l'infirmière au bord de votre lit, mais cette technologie peut permettre aux infirmières et aux médecins de se concentrer plus sur les patients, car l’IA élimine beaucoup d'activités qui ne sont pas orientées vers les patients. Je pense que l’IA pourrait vraiment aider le personnel de santé publique à avoir plus de temps avec les patients en fin de compte », explique-t-elle.

« Pour les patients, je les avertis simplement qu’en fait, c’est quelque chose qui pourrait faciliter vos soins et améliorer votre capacité de faire des bonnes choses pour votre santé. Somme toute, l’IA va aider plus que nuire, et dans le domaine de la santé publique, il pourrait vraiment changer les choses. »

Traduction: Virtueel vertaalbureau KU Leuven Campus Brussel - Iris Vanderkerkhove

Source : The Globe and Mail
 

 

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