Interview de Marijke Six sur sa campagne de marche "7 pour 7"

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Ligue SLA: Votre campagne de marche "7 pour 7" a remporté un énorme succès. Vous et nous pouvons en être très fiers.

Marijke: Je suis très reconnaissante du soutien que vous m'avez apporté. Cela m'a été bénéfique à bien des égards. Pas seulement sur le plan mental. Grâce à ce voyage, je comprends le concept de pèlerinage. Profiter de ce qui se présente à nous et ne pas penser à autre chose qu'à notre destination et aux belles rencontres avec les gens. Je n'ai dû payer qu'une seule nuitée.

Ligue SLA: Cela inclut-il la publicité par le biais des médias sociaux et de Facebook?

Marijke: En effet, pas seulement les médias sociaux, mais aussi l'ensemble des médias. Par exemple, j'ai pu utiliser mon réseau pour contacter la presse. C'est ainsi que je me suis retrouvée dans le journal et à la radio. Tout cela a ensuite été partagé sur Facebook, ce qui m'a permis d'apporter le bon reportage. C'est ainsi que vous avez constaté une augmentation des dons. Les dons ont donc augmenté lorsque j'ai publié davantage d'articles sur Facebook. Le fait de contacter des entreprises via LinkedIn a également permis d'obtenir des dons supplémentaires.

Ce qui m'a vraiment frappé, c'est que beaucoup plus de gens connaissent la SLA aujourd'hui que lorsque mon père a été diagnostiqué. Je remarque qu'il y a un grand nombre de personnes qui ont ou ont eu une personne atteinte de la SLA autour d'elles, alors qu'avant je me sentais seule dans cette situation. Bien entendu, de nombreuses personnes se sont senties concernées par mon histoire, ce qui a permis une promotion supplémentaire. Par exemple, j'ai rencontré un groupe de cinq personnes, dont quatre connaissaient quelqu'un atteint de la SLA. Cela me laisse penser que des progrès ont été réalisés en matière de diagnostic et de sensibilisation à la SLA.

Ligue SLA: Cette action a une belle histoire et nous aimerions la partager pour inspirer d'autres personnes. Qu'est-ce qui vous a incité à organiser cette marche de plusieurs jours?

Marijke: Pour moi, c'était très symbolique. Il y avait plusieurs facteurs. Dès que j'ai eu 54 ans, j'ai réalisé que j'avais presque le même âge que mon père lorsqu'il est mort. Cela m'a donné un très mauvais sentiment, comme si chaque année passée au-dessus de 55 ans était une vie de plus. Cela a commencé à me démanger de passer à l'action. J'ai ensuite longuement réfléchi pendant un an. Mon père a été malade pendant 7 ans et comme ma mère faisait déjà une action de 7 heures de marche, j'ai eu l'idée de faire 7 jours de marche. Chaque jour de marche correspondait ainsi à une année de maladie de mon père. À l'époque, il n'y avait pas de loi sur l'euthanasie et il a donc dû continuer à attendre pour voir ce qui allait se passer.

L'itinéraire a également été déterminant. J'ai d'abord envisagé de marcher d'Ypres, où mon père est né, jusqu'à la maison de mes parents, mais cela ne semblait pas réalisable en termes de distance. J'ai alors choisi de marcher d'Ypres à Erps-Kwerps, où mon père est mort et enterré.  Comme mon père aimait voyager, je connaissais les sentiers du GR grâce à lui et j'ai pu trouver un itinéraire du GR. Grâce aux médias sociaux, j'ai réussi à trouver un hébergement à chaque fois, à l'exception d'une nuit. Un bon ami à moi a assuré la sécurité et a suivi les itinéraires en voiture.

Ligue SLA: Vous avez mentionné qu'au début de la marche, il y a eu beaucoup de beaux moments, mais aussi des moments difficiles sur le plan mental. Pouvez-vous nous parler un peu plus de votre expérience personnelle pendant la marche?

Marijke: Beaucoup de gens m'ont déconseillé de faire cela seule parce que ce serait très dur mentalement, mais cela m'a en fait un peu libérée mentalement. Je n'avais pas la relation la plus facile avec mon père parce qu'il était rarement à la maison à cause de son travail. Une fois que j'avais  décidé comment j’allais aborder cela avec mon père, il est tombé malade et a perdu la parole très rapidement. Par conséquent, beaucoup de choses ne se sont jamais vraiment éclaircies. Bien qu'il soit décédé il y a longtemps, je suis restée avec beaucoup de questions. Pas tant des questions négatives à l'égard de mon père, mais surtout le fait que tout n'ait pas pu être exprimé. La marche m'a apporté beaucoup de paix à ce sujet. Il s'agit également de choses que mon père faisait très souvent dans sa jeunesse. Par exemple, il m'a beaucoup appris sur la nature et les choses pratiques au cours d'une telle promenade, et ces petits souvenirs refont souvent surface. Ce sont ces choses qui m'ont fait comprendre le concept de pèlerinage. Les contacts agréables que l'on noue au cours d'un tel voyage et le soutien que l'on reçoit m'ont donné un sentiment de chaleur et une confiance supplémentaire dans l'humanité.

Ligue SLA: Pendant la marche, y a-t-il eu des moments particulièrement forts sur le plan émotionnel vis-à-vis de votre père ?

Marijke: En ce qui concerne mon père, les deux premières nuits ont été très émouvantes, car j'étais alors hébergée par de la famille. Ces moments m'ont rappelé de nombreux bons souvenirs, de manière positive. Cela m'a fait comprendre que mon père avait touché beaucoup de gens. Les nuits que j'ai passées avec des personnes qui ont perdu quelqu'un à cause de la SLA ont été des moments très tristes pour moi. La douleur a alors refait surface. Vous vous sentez tout de même soutenue et un peu moins seule parce que les gens vous ouvrent leur maison et se mettent à votre disposition. Lorsque mon père est décédé il y a 30 ans, il était très difficile d'en parler. Aujourd'hui, je connais des gens qui ont vécu la même chose et qui sont heureux d'en parler. Je sais également qu'il existe un groupe SLA de personnes apparentées sur Facebook. Cela me soutient énormément. Le fait de pouvoir soutenir d'autres personnes me fait du bien. Je constate que le soutien financier n'est pas le seul à compter, mais que le soutien émotionnel est également très important.

Ligue SLA: Avant le voyage, qu'espériez-vous représenter personnellement et pour la Ligue SLA?

Marijke: Personnellement, le voyage était pour moi un processus d'adaptation et j'espérais en tirer une certaine tranquillité d'esprit. De ce point de vue, cela a certainement fonctionné. Pour la Ligue SLA, il s'agissait en partie d'une question financière, mais surtout d'une question de notoriété. Lorsque quelqu'un parle de Kom Op Tegen Kanker, tout le monde sait de quoi il s'agit, mais ce n'est pas toujours le cas pour la Ligue SLA. Bien sûr, je voulais aussi récolter de l'argent, mais je n'avais aucune idée du montant que cela représenterait. Je n'aurais jamais cru que je récolterais 8.804 euros à moi tout seule.

Ligue SLA: En effet, cela rend votre histoire encore plus spéciale. Un tel montant est très rare pour une réalisation individuelle. Cela ne nous semble certainement pas évident. Quels conseils pourriez-vous donner à ceux qui envisagent de participer à des événements caritatifs pour la SLA?

Marijke: Rêvez grand! Je suis moi-même stupéfaite de la tournure des événements et je ne m'attendais pas à un tel succès. Vous voyez que c'est possible. En fin de compte, on ne perd jamais. Si la Ligue SLA est médiatisée ou reçoit une contribution financière, vous avez de toute façon gagné, car chaque euro compte. Foncez et demandez conseil à la Ligue SLA. Cherchez le soutien de vos amis et de votre famille et faites-le.

Ligue SLA: Le jour de cet entretien est également spécial, puisqu'il s'agit de l'anniversaire de votre père. C'est un aspect symbolique qui s'accorde bien avec votre histoire. Au nom de la Ligue SLA, nous tenons à vous remercier chaleureusement. Non seulement pour avoir partagé cette histoire et remis la somme, mais surtout pour l'engagement dont vous faites preuve depuis des mois et le soutien que vous apportez aux autres.

Marijke: C'est très apprécié. J'ai énormément de respect pour ce que fait la Ligue SLA. Lorsque mon père est décédé, il n'y avait pas encore de ligue en Belgique.

Traduction: Gerda Eynatten-Bové
 

 

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