Mutation DLFT/SLA

02-03-2012

Deux études décisives identifient un nouveau gène comme étant la cause la plus fréquente de la SLA et de la dégénérescence lobaire fronto-temporale (DLFT)

Deux études publiées dans le numéro en ligne de la revue Neuron du 21 septembre font état d’une anomalie génétique qui serait la cause la plus fréquente de deux maladies neurodégénératives distinctes mais apparentées : la DLFT et la SLA. Les chercheurs tentaient depuis longtemps de mettre au jour une telle anomalie.

La première étude, intitulée « Une répétition étendue de l’hexanucléotide GGGGCC dans une région non codante du gène C9ORF72 entraîne la dégénérescence lobaire fronto-temporale et la sclérose latérale amyotrophique liées au chromosome 9p », a été menée par la neurogénéticienne Rosa Rademakers, Ph.D., rattachée à la Clinique Mayo de la Floride. Les chercheurs ont identifié une courte séquence d’ADN répétée des centaines de milliers de fois dans presque 12 % des échantillons tissulaires étudiés provenant de cas de DLFT familiale et dans plus de 22 % des échantillons provenant de cas de SLA familiale. Ian Mackenzie, M.D., neuropathologiste à l’Hôpital général de Vancouver et professeur au département de pathologie et de médecine laboratoire à l’Université de la Colombie-Britannique, compte parmi les principaux chercheurs ayant pris part à l’étude.

« Il s’agit de l’anomalie génétique la plus fréquente parmi celles identifiées jusqu’à maintenant dans ces deux maladies distinctes mais également dévastatrices, et ce, tant chez les cas familiaux que sporadiques. Cela confirme qu’il existe un recoupement des causes entre les deux affections sur le plan moléculaire », d’expliquer le Dr Mackenzie.

À l’aide de précieux échantillons tissulaires provenant d’un certain nombre de familles de la C.-B. bien caractérisées où l’on retrouve des cas de DLFT et de SLA, le Dr Mackenzie a pu relever des anomalies pathologiques constantes dans le tissu cérébral prélevé chez les patients décédés, de telles anomalies permettant de prédire de façon exacte la présence de la mutation. Ces travaux se révèlent d’une importance critique dans la démonstration de l’impact de la mutation sur les cellules cérébrales en mettant en cause des modèles anormaux d’expression protéique et la présence d’accumulations potentiellement toxiques d’ARN mutant.

Le Dr Mackenzie a déjà participé au forum sur la recherche de la Société canadienne en tant que conférencier invité. Il est possible d’en apprendre plus sur ces travaux en consultant le numéro d’été de Recherche en bref, à l’adresse http://www.als.ca/en/node/141/research-newsletter.

La deuxième étude, intitulée « L’expansion de répétition d’un hexanucléotide dans le gène C9ORF72 est la cause de la SLA-DLFT liée au chromosome 9p21 », a été menée par le chercheur Bryan Traynor, M.D., rattaché au laboratoire de neurogénétique du National Institute of Aging, dans le Maryland. Tirant parti de l’homogénéité génétique de la population finnoise, cette étude a permis de détecter l’expansion GGGGCC dans le premier intron du même gène chez les patients atteints de SLA familiale et sporadique, de même que ceux atteints de DLFT.  L’étude confirme de plus ce même constat d’expansion chez les cas de SLA familiale avec ascendance européenne croisée. Les chercheurs Lorne Zinman, M.D., M.Sc. – directeur médical de la clinique SLA/ maladies neuromusculaires du Centre des sciences de la santé Sunnybrook et président du CALS (Canadian ALS Research Network) – et Ekaterina Rogaeva, Ph.D. – professeure agrégée rattachée au Centre de recherche sur les maladies neurodégénératives (Université de Toronto) – faisaient également partie des auteurs de cette étude.

 « La découverte d’un gène causal impliqué dans la plus vaste proportion de cas de SLA et de DLFT familiales jamais observée à ce jour est à marquer d’une pierre blanche. Il s’agit d’un jalon très important qui nous aidera à déterminer comment la maladie se développe et progresse, et pourquoi sa présentation et son évolutivité sont tellement variables. De plus, nous disposerons maintenant d’une nouvelle cible en vue d’une intervention thérapeutique », d’expliquer le Dr Zinman.

Les découvertes relatées aujourd’hui représentent l’aboutissement d’années d’études génétiques portant sur la SLA familiale et la SLA-DLFT, dans lesquelles s’inscrivent les découvertes fondamentales effectuées par les équipes de chercheurs dirigées par Guy Rouleau, M.D., Ph.D. – professeur au Département de médecine de l’Université de Montréal –, Robert H. Brown Jr., M.D., D.Phil. – professeur de neurologie à l’École de médecine de Harvard et neurologue associé au Massachusetts General Hospital – et Christopher E. Shaw, M.D. – rattaché à l’École de médecine du King’s College de Londres.

L’an dernier, deux études distinctes ayant eu recours à l’approche d’association pangénomique ont confirmé le lien existant entre la SLA et la région du chromosome 9 où se situe le gène C9ORF72 dont font état les chercheurs.

Que signifient pour la communauté SLA les découvertes d’importance annoncées aujourd’hui?    

Ces découvertes confèrent un avantage immédiat, soit  la possibilité d’un dépistage précis pour appuyer le processus de consultation génétique chez les familles touchées (par la DLFT ou la SLA). De plus, les observations rapportées par les chercheurs sur la variabilité des symptômes de présentation – tant chez les patients SLA que les patients DLFT porteurs de la mutation ­­– stimuleront les efforts visant à en apprendre davantage sur les soins et la gestion de la maladie chez les personnes frappées en apparence de pathologies cliniques distinctes .

Finalement, l’apport le plus notable des résultats de ces études, c’est qu’ils permettront de mieux comprendre les mécanismes de dégénérescence en jeu dans la SLA et la DLFT. Les mutations géniques sont présentes dans une proportion appréciable de patients présentant l’un ou l’autre de ces syndromes (ainsi que la forme combinée). Par conséquent, on peut s’attendre à ce que les études ultérieures sur ces mécanismes contribueront à des développements significatifs sur le plan thérapeutique. Les deux études étayent l’hypothèse selon laquelle plus d’un mécanisme potentiel en aval découlent de ces expansions de répétition d’un héxanucléotide. Les deux études s’entendent aussi sur le fait qu’une perturbation dans le traitement de l’ARN, en particulier dans le noyau, représente très probablement l’un de ces mécanismes pathologiques en aval. Une régulation altérée du fonctionnement de l’ARN est déjà l’un des mécanismes proposés dans la dégénérescence des motoneurones, une hypothèse qui continue d’être étayée par les travaux effectués sur les modèles expérimentaux de la SLA. Les découvertes annoncées aujourd’hui donneront une impulsion supplémentaire à cette importante avenue de recherche.

Au vu de l’enthousiasme suscité par ces deux découvertes, Denise Figlewicz, Ph.D., vice-présidente de la recherche de la Société canadienne, relativise et fait le constat suivant :

« L’année 2011 a été exceptionnellement productive pour ce qui est de la recherche entourant la SLA. Un observateur étranger au domaine pourrait se demander : "Avec tous ces nouveaux gènes mis au jour, tous ces nouveaux mécanismes maintenant connus auxquels s’ajoutent encore d’autres découvertes importantes, qu’est-ce qui compte réellement dans la compréhension de la maladie et la découverte de nouveaux traitements ?" Ma réponse à cette question serait : toutes ces études sont importantes.

« Au cours des dernières décennies, on a souvent déclaré qu’il n’existait aucune cause connue de la SLA. Ce pas exact. Dans les cas où la maladie a une composante héréditaire, nous connaissons en fait les causes derrière bon nombre de ces cas. Les mutations survenant dans un certain nombre de gènes – dont le SOD-1, qui fut le premier étudié, et le C9ORF72, qui représente le dernier en lice – sont impliquées dans une proportion notable de cas familiaux. De plus, les études effectuées au cours des dernières années ont démontré l’implication de bon nombre de ces gènes dans les cas de SLA sporadique. Cela signifie que les modèles expérimentaux fondés sur ces gènes mutants sont en mesure de fournir des renseignements précieux sur les mécanismes de dégénérescence touchant les motoneurones, ce phénomène étant le résultat des causes pathologiques primaires. Le phénomène de progression de la maladie d’une région du corps à l’autre, qui correspond à sa propagation d’une région du système nerveux à une autre, fait actuellement l’objet d’études abondantes au niveau des motoneurones et des cellules avoisinantes (glie), de même qu’au sein des motoneurones, à l’échelle moléculaire.

« La capacité de stopper la progression de la SLA est l’issue attendue des thérapeutiques ciblant l’un ou l’autres des mécanismes ou voies de signalisation actuellement à l’étude. Le fait de cibler simultanément plusieurs de ces aspects pourrait se révéler comme étant la stratégie la plus efficace.

« Pour conclure, je dirais qu’il existe actuellement plus de raisons que jamais d’être optimiste quant à la capacité de la recherche à aboutir sur des traitements, de tels traitements faisant encore cruellement défaut aux personnes qui vivent avec la SLA. »

Source : SOCIÉTÉ CANADIENNE DE LA SLA

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