Un ver nous aide à comprendre la SLA

11-08-2011

La recherche sur le ver C. elegans nous permet de mieux comprendre la SLA

De récentes recherches indiquent un lien avec le vieillissement.

Quand en 2007, les neurologues découvrirent que chez la majorité* des patients SLA, la protéine commune TDP-43 présentait clairement des anomalies, cette protéine et le gène qui la détermine ont fondamentalement réorienté les recherches. Constatation: Nous avons ici ce qui doit être un mécanisme commun important dans la plupart des types de SLA, sporadique ou héréditaire. Constatation: Nous avons ici une source inexplorée de nouveaux objectifs de thérapie.

Il n’est pas étonnant dès lors, que la première réaction de la communauté scientifique fut de créer au plus vite de nouveaux modèles animaux de SLA, en utilisant en particulier un gène TDP-43 altéré, trouvé chez des patients. Ce fut certainement le cas chez Packard, où de nouveaux modèles de souris, de petit danio (poisson zèbre) et de mouche à fruit furent commandés et créés.

Jiou Wang, chercheur chez Packard, et ses collègues ont récemment crée des exemplaires de vers TDP-43. Au cours de ces derniers mois, ils sont les derniers à se manifester sur trois équipes de chercheurs provenant de différents laboratoires. Dans l’édition de ce mois de Human Molecular Genetics, l’équipe Wang rapporte comment le gène humain TDP-43, soit fragmenté, soit muté en entier, affecte le Caenorhabditis elegans (en abrégé C. elegans), un petit ver nématode, couramment utilisé dans les laboratoires génétiques et moléculaires.

Leurs constatations confirment les effets toxiques, similaires à ceux de la SLA, sur le système nerveux du ver, également présents dans d’autres modèles TDP-43 – une précieuse indication qui confirme sa valeur comme modèle.

Mais ils ont également trouvé un indice inhabituel, un indice qui fait clairement la jonction avec ce que provoque le vieillissement tant chez l’être humain que chez le ver.

Le Ver se contorsionne

C. elegans est un organisme transparent, qui a environ la taille d’un spaghetti, pris dans sa largeur et est remarquablement sophistiqué : il est multicellulaire, a des chromosomes, des organes et 302 neurones, dont les synapses sont toutes cartographiées (carte génétique), tout comme son petit génome, et environ 35 pour cent des gènes du ver sont des répliques fidèles de leurs équivalents humains.  Plusieurs caractéristiques du modèle sont particulièrement utiles aux chercheurs : C.elegans est adulte en moins de trois jours. Il a une durée de vie d’environ trois semaines, ce qui suffit pour constater des changements. Ses gènes sont faciles à manipuler. Il y a par exemple moyen d’en désactiver un en le trempant dans de l’ARN double-brin, qui est complémentaire à ce gène.

Est également utile, le fait que les mouvements du ver indiquent rapidement l’état de santé du neurone moteur. On peut observer ses contorsions sur un plat ; on peut le plonger dans un liquide, où il se débat. Bref, « ils sont simples, efficaces et forment un excellent complément aux souris et autres modèles », dit Wang.

Ce qu’on a trouvé – Les bases

Comme Wang et ses collègues avaient déjà créé un modèle C.elegans de SLA avec un gène humain  mutant SOD1 – un des modèles animaux imitant la variante héréditaire SOD1 de la maladie – ils se dirent que de le comparer avec le nouveau modèle TDP-43 pourrait être instructif. Et ce fut le cas : « Dans les mêmes circonstances, TDP-43 apparut comme étant de loin plus toxique que SOD1 » déclara Wang.

Tant le fragment de gène TDP-43 que le gène muté entier occasionnèrent des atteintes au système nerveux**. On constata clairement le ralentissement du mouvement et le déclin des vers. Ces constatations correspondent avec la mobilité réduite et la force musculaire altérée des modèles animaux plus évolués.

Les neurones sont faciles à observer et à extraire des vers transparents. Les chercheurs n’y constatèrent pas de traces initiales de détérioration ou de destruction – en fait, une surprise. Les tests effectués suggéraient au contraire que le problème se situait au niveau de synapses peu efficaces entre les nerfs et les muscles.

En affinant la recherche, l’équipe confirma que les protéines des vers TDP-43 étaient distordues et recroquevillées, que le gène ayant provoqué l’altération fût court, long ou muté. Il semble que la protéine elle-même ne se développe pas normalement – plus facilement que la protéine SOD1. Les protéines fragiles ou instables sont bien connues dans les cellules. Et en général, elles travaillent bien, grâce à un système protecteur de stabilisateurs moléculaires– appelés pour la plupart des chaperons – qui opèrent une sorte de contrôle de qualité.

Mais les recherches ultérieures du laboratoire Wang indiquent que ce contrôle de qualité est déficient.

Un indice conduit au vieillissement

C. elegans a été un outil dans l’étude biologique avancée, depuis les processus cellulaires de base tel que la méiose et la destruction programmée d’une cellule jusqu’au comportement sexuel et l’intoxication par la nicotine. « Mais le ver est également l’organisme favori dans l’étude du vieillissement » déclare Wang. Comme la SLA survient avec l’âge, il étudia deux comportements moléculaires influençant le vieillissement. Tous deux se révélèrent utiles.

Le premier concerne le « heat shock response » (réaction au choc thermique), un système stabilisateur – incluant les chaperons – qui aide à protéger les cellules contre des chocs, tels que l’exposition à une chaleur intense, à des toxines et à l’inflammation. Le système s’active rapidement en présence de signes de tension. Mais il est également moins actif en vieillissant.

Comparés à des témoins du même âge, les vers contenant le TDP-43 étaient déjà en difficultés à des températures plus élevées d’à peine 5 degrés. Ils produisaient des protéines TDP-43 plus déformées. Leurs mouvements déjà diminués, empirèrent. Et quand les chercheurs poussèrent l’expérience plus loin en annihilant expérimentalement le « heat shock response », les vers ne bougèrent plus. Il apparaît que ce type de ver-modèle est particulièrement vulnérable.

Un second comportement moléculaire entraînant le vieillissement, tant chez l’homme que chez le ver, comprend un récepteur cellulaire réagissant tant à l’insuline qu’à un facteur de croissance spécifique. Les scientifiques peuvent doubler la durée de vie d’un ver sain en bloquant ou en éliminant ce récepteur. Ce faisant, la durée de vie de vers-modèles de maladies neurodégénératives, tels que l’Alzheimer ou la maladie de Huntington, est considérablement prolongée.

Les chercheurs de Packard constatèrent le même effet positif auprès de vers-modèles de SLA. En neutralisant le récepteur, les vers étaient protégés contre la neurotoxicité et les protéines malformées. Chose importante, leur agilité s’en trouvait remarquablement améliorée, malgré leurs gènes TDP-43 défectueux.

« Il semblerait donc qu’en retardant le vieillissement, on confère une protection au modèle TDP-43 » déclare Wang.

« Une des grandes questions concernant la SLA est de savoir pourquoi elle est associée au vieillissement. Il n’y a toujours pas de réponse et cela a des implications importantes » ajoute-t-il. « Nous espérons que nos travaux démontreront un lien avec le vieillissement, un lien que nous pourrions étudier et qui, en progressant, nous permettrait de développer une stratégie basée sur le contrôle du processus de vieillissement comme étant capable d’amortir la toxicité évidente du TDP-43. »

*Une apparente exception chez les patients ayant du TDP-43 anormal, concerne ceux qui ont le gène muté SOD1, la forme la plus classique de la maladie héréditaire.

**Les gènes TDP-43 d’êtres humains parfaitement sains, sont également toxiques quand introduits dans le ver.

- Marjorie Centofanti

 

Le Message

C.elegans constitue un modèle SLA utile, basé sur le gène TDP-43 qui est défectueux chez la majorité des patients SLA. Ce nouvel ouvrage démontre que le « mauvais » gène humain peut conduire à une malformation de la protéine and, en même temps, à un système nerveux déréglé du ver diminuant sa mobilité.

Cela suggère également que l’activité des chaînes moléculaires intervenant dans le processus de vieillissement, tant du ver que de l’humain, peut jouer un rôle dans l’ensemble. Maîtriser plus finement ce processus, peut jouer un rôle dans la thérapie.

Traduction: André Cruyt

Source: Packard Center

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